Cet article date de plus de douze ans.

Florange. Pourquoi il (ne) faut (pas) nationaliser le site ArcelorMittal

Francetv info revient sur les arguments des partisans et des opposants à la nationalisation du site mosellan.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des salariés du site de Florange d'ArcelorMittal manifestent devant le Comité d'établissement à Metz (Moselle), le 2 octobre 2012. (EMILE POL / SIPA)

FLORANGE – Faut-il nationaliser temporairement le site ArcelorMittal de Florange (Moselle) ? Depuis que le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a évoqué pour la première fois le sujet le 22 novembre, la question divise.

Alors que le gouvernement a officiellement jusqu'au samedi 1er décembre pour trouver un investisseur intéressé par les hauts-fourneaux, francetv info revient sur les arguments des partisans et des opposants au basculement dans le public du site mosellan.

Il faut nationaliser temporairement le site de Florange parce que...

... il faut gagner du temps pour trouver un repreneur. C'est la principale raison. Les deux hauts-fourneaux du site de Florange emploient 629 personnes. ArcelorMittal a indiqué que si aucun repreneur ne se manifestait d'ici samedi, il entamerait les procédures pour fermer les installations. Faire basculer le site dans le giron public permettrait de s'affranchir de ce délai et de prendre le temps de trouver une sortie de crise.

... la sidérurgie est une activité stratégique. C'est en tout cas l'avis du gouvernement et du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, qui a affirmé sur France Info que "la production d'acier" était une "activité stratégique en France", jeudi 29 novembre. L'Usine nouvelle indique ainsi que l'acier produit à Florange, techniquement très avancé, alimente des secteurs tels que la défense, l'aérospatiale et la construction navale. 

... cela apprendra à Mittal à tenir ses promesses. C'est ce que semble se dire Arnaud Montebourg. Lundi 26 novembre, dans Les Echos, il accuse l'entreprise de "n'avoir jamais tenu ses engagements" vis-à-vis de l'Etat français depuis 2006. A l'époque, Mittal rachète Arcelor, le numéro un mondial de la sidérurgie, et abandonne son plan de fermeture de plusieurs hauts-fourneaux, dont celui de Florange. Trois ans plus tard, évoquant la crise, l'entreprise revient sur ses promesses et ferme le site de Gandrange (Moselle). Un revirement que n'a pas digéré le ministre du Redressement productif.

... l'Europe pourrait voler au secours du projet. Le site de Florange pourrait enfin trouver de l'aide du côté de Bruxelles. Les Echos indiquent que l'Union européenne doit avaliser courant décembre le projet Ulcos, qui vise à subventionner la production d'acier "vert" émettant peu de dioxyde de carbone. Le site de Florange est en très bonne position pour décrocher les aides qui, selon Le Monde, doivent s'élever à 250 millions d'euros. Reste que si cette solution aboutit, ArcelorMittal devrait tout de même investir, ce à quoi les syndicats ne croient pas.

Il ne faut pas nationaliser Florange parce que...

... cela va à l'encontre des principes de l'état de droit. C'est le point de vue défendu par le directeur délégué de la rédaction des Echos, Nicolas Barré. Dans un éditorial, il estime que le "droit de propriété inviolable et sacré" est "l'un des principes fondamentaux (...) grâce auquel notre société tient debout". Nationaliser l'aciérie mosellane constituerait pour lui une expropriation qui ferait basculer la France "loin des Lumières et de nos principes", continue-t-il.

... cela ouvrirait la porte à une vague de requêtes similaires de la part d'entreprises en difficulté. Alors que la nationalisation du site de Florange n'est même pas encore actée, l'idée fait déjà des petits. L'Union syndicale CGT-FO de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a ainsi demandé à l'Etat la même attention pour un chantier naval de la ville, comme le rapporte Europe1.fr. "On n'ose imaginer la queue au guichet d'Arnaud Montebourg si Florange devait être placé demain sous le contrôle de l'Etat", continue ainsi Nicolas Barré dans Les Echos.

... cela empêcherait de vendre des Rafale aux Indiens. Début novembre, La Tribune rappelait qu'un contrat impliquant la vente de 126 avions Rafale à New Delhi devait aboutir dans les "trois à quatre mois" à venir. Contrarier Lakshmi Mittal, figure de proue de l'industrie indienne, pourrait mettre en péril ces ventes, selon l'ancien ministre de l'Industrie Alain Madelin. Dans un entretien aux Echos, il indique que si le gouvernement compte vraiment sur la vente de ses avions, il "ferait mieux de réfléchir à l'éventuel délit de sale gueule qu'il est en train d'infliger à Mittal".

... cela ferait passer les Français pour des racistes. Les propos de Montebourg, qui indiquait ne "plus vouloir de Mittal en France", ont été largement commentés sur les forums indiens. "Si le nom de Mittal sonnait de façon plus occidentale, les autorités françaises y réfléchiraient à deux fois avant d'utiliser un langage aussi méprisant à son encontre", juge ainsi un internaute cité par le correspondant des Echos en Inde.

... investir dans l'acier ne serait pas si stratégique. Sur son blog, Alexandre Delaigue, professeur d'économie à Saint-Cyr, pointe du doigt la surproduction d'acier en Europe. Il juge par ailleurs "absurde" qu'une telle activité, "dont la productivité augmente bien plus vite que la demande", continue d'employer le même nombre de personnes. Pour lui, la dure réalité de ce constat finira par s'imposer, quel que soit le visage du repreneur du site ArcelorMittal de Florange. Et de conclure qu'il sera alors temps "de déplacer de nouveau des ministres devant les caméras pour 'sauver la stratégique sidérurgie française'".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.