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A Florange, plus personne ne croit en François Hollande... si ce n'est lui

Pour la troisième fois de son mandat, le président socialiste s'est rendu à Florange lundi. S'il assure qu'il a tenu tous ses engagements, sur place, les principaux intéressés n'ont retenu que ses renoncements.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Lors de sa visite à Florange, en Moselle, lundi 17 octobre, François Hollande a inauguré le centre de recherche publique sur la sidérurgie MetaFensch. (FREDERIC FLORIN / AFP)

C'est un rendez-vous qu'il a lui-même fixé. François Hollande avait promis en 2013 de revenir chaque année à Florange (Moselle) pour vérifier que ses engagements étaient tenus. Le chef de l'Etat a donc repris, lundi 17 octobre, le chemin d'une usine devenue malgré elle le symbole des reniements du quinquennat.

Des reniements que François Hollande conteste. C'était tout l'objet du discours qu'il a prononcé lors de l'inauguration de MetaFensch, un institut de recherche public dont la création a été annoncée en 2012, comme une compensation à la fermeture des hauts fourneaux du site métallurgique. Pendant une vingtaine de minutes, François Hollande a tenté de défendre son bilan.

Il a assuré que les trois promesses qu'il avait faites fin 2012, au moment de la fermeture des hauts fourneaux, avaient été réalisées. Les 629 salariés ont tous été reclassés sur place, ou sont partis en retraite : il n'y a donc pas eu de licenciement. Mittal a investi les 180 millions d'euros promis. Et MetaFensch a bel et bien vu le jour. De quoi affirmer : "Florange c'est le symbole d'un renouveau. (…) Pour ce qui me concerne, ce n'est pas un souvenir, mais un avenir. C'est le signe que le combat a été gagné."

Un discours sans grande conviction

Les applaudissements polis qui retentissent à la fin du discours ont pourtant du mal à masquer le ressenti tout autre des sidérurgistes mosellans. François Hollande lui-même ne paraît pas vraiment à son aise, dans cet ancien hangar à moitié vide et encore en cours d'aménagement. Visage fermé, voix sans sourire, pas un trait d'humour dans le discours. Comme si le cœur n'y était plus. Est-ce la conséquence de sa propre situation politique ? Ou bien le président sait-il que pas grand monde, à l'extérieur de ce bâtiment, ne partage son analyse de la situation à Florange ? 

Dans la salle, Edouard Martin écoute le président. L'ancien syndicaliste CFDT d'ArcelorMittal, aujourd'hui député européen socialiste, a été l'un des principaux protagonistes du combat contre la fermeture des hauts fourneaux de Florange. Ce centre de recherche, il en est fier. Il estime aussi que les engagements pris fin 2012 ont été tenus.

Les espoirs déçus des sidérurgistes

Mais la fermeture des hauts fourneaux reste, elle, "une blessure ouverte", et le souvenir du 24 février 2012, quand le candidat François Hollande s'était déplacé à Florange, bien vivace. Ce jour-là, c'est Edouard Martin qui suggère au candidat à la présidentielle de monter sur le toit de la camionnette de l'intersyndicale pour se faire entendre des salariés. Une image marquante de la campagne, peut-être le pêché originel de François Hollande à Florange... En tout cas, la source de bien des désillusions.

Certes, juché sur sa camionnette, Hollande n'a promis qu'une loi pour obliger les grandes entreprises à chercher un repreneur si elles souhaitent fermer un site. Il a fustigé les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy à Gandrange, un autre site voisin d'ArcelorMittal, mais il n'a pas promis de sauver les hauts fourneaux. C'est pourtant ce que tout le monde, sur place, avait compris.

J'étais persuadé qu'il l'avait dit. J'ai dû réécouter les bandes pour me rendre compte que ce n'était pas le cas. Ce qu'on en a retenu, c'est qu'il allait sauver Florange.

Edouard Martin

à franceinfo

Le syndicaliste est encore plus amer quand il pense à la décision de Francois Hollande de ne pas nationaliser temporairement le site – contrairement à ce que prônait le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. De quoi marquer au fer rouge le quinquennat de François Hollande. "S'il avait eu le courage de nationaliser, je ne dis pas que ce quinquennat aurait fondamentalement changé... Mais cela lui aurait donné une autre tournure, analyse Edouard Martin. Au final, Florange, c'est l'illustration de la politique de François Hollande : je dis quelque chose et je fais le contraire."

"En 2012, on y croyait !"

Devant MetaFensch, un autre acteur-clé de 2012 est présent. Walter Broccoli était lui aussi sur la camionnette, au côté du futur président. L'ex-leader de Force ouvrière, aujourd'hui élu MoDem au conseil régional, refuse d'assister à l'inauguration. Une façon de protester contre ce président "qui est venu faire son cinéma""Vous allez à la messe ? lance-t-il, goguenard, à certains de ses collègues du conseil régional. Moi, j'irai pas !"

Walter Broccoli conteste le bilan présenté par l'Elysée en matière d'emplois. "L'avenir n'est pas rose à Florange. ArcelorMittal affirme qu'il y a eu 150 embauches, mais ne parle pas des 300 départs en retraite. L'hémorragie continue." En 2012 pourtant, il était plein d'espoir.

J'ai cru que François Hollande, c'était le messie. Je me suis dit, enfin on va pouvoir gagner la partie. S'il est président, on va s'opposer à la cinquième fortune mondiale. Imaginez mon amertume aujourd'hui.

Walter Broccoli

à franceinfo

L'amertume : c'est bien le sentiment qui règne, lundi 17 octobre, devant le portier Sainte-Agathe, où la CGT a donné rendez-vous. C'est à cet endroit précis que, quatre ans auparavant, François Hollande était monté sur la camionnette. Mais aujourd'hui, il n'y a pas grand monde sur ce parking, une soixantaine de personnes tout au plus. "Les salariés ne sont plus dans le combat, ils sont résignés", regrette un délégué CGT.

Le syndicat boycotte la rencontre avec François Hollande. "On a été invité vendredi soir à 18h30. Vous voyez le mépris !" peste Lionel Burriello, délégué CGT d'ArcelorMittal. Ici plus qu'ailleurs, le couplet de François Hollande sur la finance, lors du discours du Bourget, avait suscité bien des espoirs. "Aujourd'hui, le président préfère s'entretenir avec celui qu'il considérait comme son ennemi plutôt que de venir nous voir, dit Lionel Burriello. En 2012, on y croyait ! Un socialiste qui monte sur une camionnette... Ils n'avaient pas été élus depuis vingt ans, alors on y croyait !"

Un quinquennat de désillusions

Christophe Jacquemain est lui venu en voisin : il représente la CGT sur le site de Gandrange, où il reste une toute petite activité de production – 250 salariés contre 1 200 il y a 15 ans. Lui qui a connu les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy est très sévère avec l'actuel président : "Il a tué l'espoir, c'est pire que tout !" Au-delà du cas de Florange, c'est presque tout le quinquennat qui y passe : le pacte de compétitivité, la non renégociation du traité européen, la loi Travail... Cette désillusion ouvre "un boulevard au Front national", estime-t-il. 

Une analyse partagée par Aurélie Filippetti, député socialiste frondeuse de Moselle. Aux dernières élections municipales, "on a perdu Florange, qui est passé à droite, et on a perdu Hayange, qui est passé au Front National". "Ils veulent réécrire l'histoire, juge-t-elle, mais les engagements soi-disant tenus, ce n'est qu'un pis aller. La filière chaude a fermé, les sous-traitants ont pris le choc de plein fouet, et aujourd'hui même la filière froide est menacée." Aurélie Filippetti n'a pas souhaité assister à l'inauguration de MetaFensch, qu'elle voit comme "un événement de la campagne de François Hollande". Si c'est le cas, il y a encore du travail pour convaincre.

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