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"C’est de la trahison, je me sens volé": après avoir cru au sauvetage de leur entreprise, l’immense amertume des salariés d’Ascoval

Les 281 salariés de l’aciérie Ascoval ont appris jeudi avec stupeur que leur repreneur franco-belge Altifort les lâchait, faute de fonds pour racheter l’entreprise. Après le choc de l'annonce, passée la sidération, ils ont le sentiment d'avoir été trahis.

Article rédigé par franceinfo, Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le site ne sera finalement pas repris par Altifort. (PIERRE ROUANET / MAXPPP)

Abasourdis, trahis, les 281 salariés de l’aciérie Ascoval, à Saint-Saulne, dans le Nord, près de Valenciennes, ont vu le sol se dérober sous leurs pieds. Le groupe franco-belge Altifort, jeune groupe sidérurgique de 1 500 salariés, dirigé par Bart Gruyaert, qui avait pourtant été choisi par la justice, n’a finalement pas d’argent pour racheter l’entreprise.

"Chez eux, je sais qu'ils verseront une larme"

Malgré la nouvelle, l’énorme monstre de métal, déchiré de projecteurs, continue à tourner dans la nuit et l’équipe qui termine à 22 heures se dépêche de rentrer à la maison. Au rond-point, à la sortie de l’usine, un signe de la main : non, ils n’ont pas envie d’en parler. Une voiture s’arrête. Bruno Huet, 56 ans, parlera pour tous les autres : "La grande majorité des collègues ne pleure pas, indique Bruno. Ce sont des hommes qui ont un travail difficile, donc ici ils ne pleurent pas. Mais chez eux, je sais qu’il y en a qui verseront une larme." On ne pose que peu de questions à Bruno, qui a dans la tête tout ce qu’il a envie de dire : "Quand j’ai entendu M. Bart Gruyaert nous faire son speech le 19 décembre, franchement j’y ai cru."

Il nous a dit que l’aciérie était comme un village, qu’on faisait tous partie d’un même grand village. Quand vous entendez ça, que ça fait des semaines que vous vous battez, que quelqu’un arrive, que vous croyez que c’est votre sauveur, vous avez envie d’y croire.

Bruno Huet

à franceinfo

Ce 19 décembre est le jour où la justice accorde la reprise à Altifort. "Tout le monde peut fêter la fin de l’année", lance son directeur général, Bart Gruyaert, qui promet même des embauches. "On s’est dit ‘Chouette !’, on est repartis… Et là, on a pris ça comme une claque en pleine figure. On se retrouve du jour au lendemain sans rien. Tout s’effondre. Qu’il nous donne notre argent et on ira voir ailleurs si on peut retrouver quelque chose…"

Casque de sidérurgiste sur la tête, Nacim bardi, élu CGT, est là depuis le matin : "On n’a jamais vu cela, soupire-t-il, ému. Nous, comme cégétistes, notre mot d’ordre est le maintien de l’emploi, mais là, ça va être compliqué de les remotiver." Normalement, le site aurait dû basculer d’Ascoval à Altifort le premier février. "C’est de la trahison, je me sens volé, et d’avoir trahi mes collègues en les emmenant sur ce projet en lequel j’ai cru", explique, amer, Bruno Kobzynski, porte-parole de l’intersyndicale.

Je ne m’explique pas comment personne n’a rien vu. Le ministre de l’Economie s’est fait rouler dans la farine. Moi c’est le sentiment que j’ai : de m’être fait rouler.

Bruno Kobzynski

à franceinfo

Les salariés nourrissent en fait de sérieux soupçons sur la santé financière de tout le groupe Altifort. La réunion à Bercy mardi prochain permettra peut-être de trouver un repreneur et les 35 millions d’euros qui manquent. En attendant que le tribunal se prononce à nouveau mercredi sur l’avenir de l’aciérie.

Après avoir cru au sauvetage de leur entreprise, l’immense amertume des salariés d’Ascoval - reportage Grégoire Lecalot

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