Violences conjugales : la levée partielle du secret médical, une mesure "nécessaire" à condition que la justice "joue le jeu"
Les députés examinent mardi une proposition de loi, portée par la majorité, conçue pour mieux protéger les victimes de violences conjugales. Elle doit notamment autoriser la levée du secret médical en cas de violences conjugales et d’emprise.
L'Assemblée nationale va durcir la législation contre les violences conjugales. La proposition de loi, portée par la majorité, autorise la levée partielle du secret médical si et seulement si le médecin a l'intime conviction que sa patiente est en danger immédiat. Il peut informer la justice, sans l'accord de la présumée victime.
Le Code pénal impose actuellement la levée du secret médical en présence de violences physiques, sexuelles ou psychiques subies par un mineur ou toute personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique (article 226-14). Le projet de loi prévoit d'intégrer à cet article une levée du secret médical pour les violences conjugales
Il aura fallu des heures de discussion pour convaincre l'Ordre des médecins. Son président Patrick Bouet a finalement accepté de soutenir le texte, sous conditions : "Nous avons voulu qu’il apparaisse très clairement qu’il s’agissait d’une possibilité, que l’on partait d’une intime conviction et qu’il fallait que deux conditions soient réunies : l’emprise de l’auteur et le péril vital immédiat."
Un texte pour sauver des vies
Un texte nécessaire selon le docteur Emmanuelle Biet, présidente du collectif Féministe contre le viol. Nécessaire pour sauver la vie des patientes
mais aussi protéger les soignants : "J’ai par exemple une collègue que l’on va défendre, qui est attaquée au Conseil de l’Ordre parce qu’elle a fait un signalement, mais le mari plaide "immixtion dans les affaires privées" [article 51 (article R.4127-51 du code de la santé publique qui dit que le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients]. Le signalement avait été fait avec l’accord de la personne."
Mais pour Emmanuelle Biet, il faut aussi que le système judiciaire joue le jeu. "La plupart du temps, les parquets nous disent ‘ce n’est pas un certificat médico-légal, vous n’y connaissez rien etc’, donc il faut quand même aussi qu’il y ait une confiance de la part de la justice sur les signalements que nous faisons", explique-t-elle.
Chaque année, plus de 210 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur compagnon. Au moins 126 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints en France en 2019, et quatre depuis le début de cette année.
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