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Trois fois où l'hypnose a été utilisée dans une affaire judiciaire en France

Selon ses avocats, la mère de la petite Fiona veut être entendue sous hypnose pour localiser le corps de sa fille morte en mai 2013. Ce n'est pas la première fois que la justice a recours à cette pratique, qui n'est pourtant pas reconnue dans le droit français.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Une séance d'hypnose thérapeutique à l'hôpital de Calais, en novembre 2016.  (MAXPPP)

L'hypnose peut-elle permettre de résoudre l'un des mystères judiciaires de ces dernières années ? Cécile Bourgeon, condamnée en février à vingt ans de prison pour "coups mortels aggravés" à l'encontre de la petite Fiona, souhaite avoir recours à cette technique pour retrouver le corps de sa fille, indiquent ses avocats au Parisiensamedi 5 mai. La dépouille de l'enfant de 5 ans n'a jamais été retrouvée, sa mère et son compagnon, Berkane Makhlouf, affirmant ne pas se souvenir de l'endroit où ils l'ont enterrée. 

Ce ne serait pas la première fois que la justice aurait recours à cette pratique, qui n'est pourtant pas reconnue dans le droit français. Franceinfo liste les précédents et la jurisprudence en la matière.

Pour aider un gendarme à retrouver un numéro de plaque d'immatriculation 

Les faits remontent à 1998. Les gendarmes de la section de recherches de Rennes enquêtent sur un braquage au cours duquel une femme a été prise en otage et un gendarme grièvement blessé. Un de ses collègues a vu les voleurs s'enfuir dans une Audi 80. Pour l'aider à se souvenir de la plaque d'immatriculation du véhicule, le juge d'instruction fait alors appel à Alban de Jong, un ancien officier de gendarmerie reconverti comme hypnologue-sophrologue (cet homme a depuis été condamné en 2006 à trois ans de prison ferme, dont deux ans avec sursis, pour des agressions sexuelles sur quatre jeunes femmes).

Comme l'indique alors Libération, Alban de Jong réalise depuis 1995, "à la demande d'une vingtaine de juges d'instruction", "entre trois et cinq expertises chaque année". Il ne figure pourtant pas sur la liste officielle des experts judiciaires, l'hypnose n'étant pas une spécialité reconnue par la justice. 

Toujours est-il que la séance d'hypnose, pratiquée sous le contrôle du juge et de deux officiers de police judiciaire­, permet au gendarme de se rappeler d'une partie du numéro d'immatriculation. Les braqueurs sont arrêtés et condamnés, précise Libération.

Mais cette audition particulière est annulée par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans un arrêt du 12 décembre 2000, celle-ci estime que "l'hypnose n'est pas un procédé interdit mais représente actuellement une technique encore expérimentale à laquelle les chercheurs s'intéressent" et que si le juge d'instruction peut "procéder ou faire procéder à tous actes d'information utiles à la manifestation de la vérité", "encore faut-il qu'il se conforme aux dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves".

Pour entendre le mari d'une femme tuée et découpée

En avril 1999, le tronc d'une femme âgée de 32 ans est découvert dans un état de décomposition avancée dans un bois par un chasseur. Comme le raconte Le Parisien, cette femme avait disparu du domicile familial de Laudun près de Bagnols-sur-Cèze (Gard) le 16 février, après avoir effectué son jogging quotidien. Ce jour-là, son mari, le légionnaire Laurent Fournier, était en formation à Paris. Malgré cet alibi et alors que l'enquête piétine depuis six mois, le militaire accepte d'être entendu sous hypnose en simple qualité de témoin pour tenter de recueillir des éléments supplémentaires.

Là encore, c'est Alban de Jong, désigné sur commission rogatoire du juge d'instruction nîmois chargé de l'enquête, qui va l'entendre pendant six heures. "La séance a fait remonter toute une problématique personnelle", explique dans Le Parisien son avocat, Philippe Expert. Laurent Fournier parle de sa femme et du meurtre, donnant des détails troublants. Quelques semaines plus tard, en décembre 2000, il est placé en garde à vue.

Interrogé notamment par un profileur de la gendarmerie, il passe aux aveux, affirmant "avoir étranglé son épouse parce qu'elle refusait d'avorter", écrit Libération. "Il s'est mis à parler à la troisième personne" et était dans un "état de transe", dénonce son avocat. Le légionnaire réitère ses aveux devant le juge d'instruction avant de se rétracter peu après. Il passe un an en détention avant d'être libéré, la cour d'appel de la chambre d'instruction de Lyon annulant l'ensemble de la procédure. Elle se basait sur un arrêt de la Cour de cassation de 2001, qui a estimé que les conditions de ses auditions violaient "les dispositions légales relatives au mode d'administration des preuves" et compromettaient "l'exercice des droits de la défense".

Malgré tout, "le non-lieu n'est tombé qu'un 2017", s'insurge son avocat, soulignant avoir "lancé une procédure d'indemnisation"

Pour retrouver le meurtrier de Marie-Hélène Gonzalez dans l'affaire des disparues de Perpignan

Le 26 juin 1998, un corps sans tête ni mains, en état de décomposition avancé, est signalé sur un terrain vague en bordure d'autoroute, au milieu de détritus, près de Perpignan (Pyrénées-Orientales). La victime est identifiée : il s'agit de Marie-Hélène Gonzalez, une jeune femme de 22 ans qui avait disparu dix jours plus tôt. Elle est la troisième victime du dossier dit des "disparues de la gare de Perpignan", après Tatiana Andujar, dont le corps n'a jamais été retrouvé, et Mokhtaria Chaïb, dont le cadavre supplicié a été découvert le 21 décembre 1997. 

Commence alors une enquête tentaculaire qui a conduit à l'arrestation, dix-sept ans plus tard, de Jacques Rançon, condamné fin mars 2018 à une peine de prison à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de vingt-deux ans, pour les viols et les meurtres de Mokhtaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez ainsi qu'une tentative de meurtre et tentative de viol sur deux autres femmes.

Comme l'a raconté à la barre l'ancien directeur d'enquête Gilles Soulié, les policiers ont "employé tout ce qui était possible à l'époque" pour identifier le tueur en série. "On a même écouté des témoins sous hypnose", a-t-il précisé. De fait, le juge d'instruction a entendu deux personnes par le biais de cette technique dans l'enquête sur le meurtre de Marie-Hélène Gonzalez. D'abord un homme, qui déclarait avoir croisé une jeune femme brune correspondant à la description de la victime dans le quartier de la gare de Perpignan le 16 juin 1998. Il s'est souvenu l'avoir vue monter dans une voiture de couleur claire. Mais les investigations ont démontré que cet évènement s'était déroulé dix jours plus tôt, le 16 juin 1998.

Puis une femme, qui racontait avoir vu une jeune fille pouvant également correspondre à Marie-Hélène Gonzalez être prise en stop un soir du mois de juin par un homme circulant à bord d'une Volkswagen Golf blanche. Pas moins de 105 voitures de ce modèle ont été répertoriées dans le département et tous les propriétaires contactés. En vain. 

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