Thierry Lévy, l'avocat qui voulait abolir la prison, est mort à 72 ans
Le célèbre pénaliste, mort lundi, était connu pour sa rigueur et ses positions singulières sur les peines de prison et le rôle des victimes dans la justice.
L'avocat Thierry Lévy, pénaliste singulier et ancien président de l'Observatoire international des prisons (OIP), est mort, lundi 30 janvier, à Paris, à l'âge de 72 ans, selon son cabinet, qui confirme une information du Monde.
Au printemps 2016, des journalistes le voient, un temps, en avocat de Salah Abdeslam, l'un des responsables des attaques du 13-Novembre. L'avocat se refuse à commenter la rumeur, qui pourtant, lui allait bien. Ce fils d'une famille bourgeoise juive, que sa mère, elle-même avocate, fit baptiser, avait bien, dans le passé, déclaré qu'il aurait volontiers défendu Maurice Papon.
"Nous autres avions tous des gueules d'assassins"
Tout juste trois ans après avoir prêté serment, Thierry Lévy est commis d'office, en 1972, pour assister Claude Buffet, accusé, avec Roger Bontems, défendu par Robert Badinter, d'avoir assassiné deux otages à la prison de Clairvaux. Les deux hommes sont condamnés à mort et exécutés le 28 novembre 1972. "Seuls les suppliciés avaient le visage digne d'êtres humains. Nous autres avions tous des gueules d'assassins", raconte Thierry Lévy, plus tard au Figaro. La peine de mort est abolie quelques années plus tard par François Mitterrand.
En 1999, il plaide à nouveau pour des évadés de Clairvaux, dans une autre affaire de "belle" mortelle. Le procès devient celui des très longues peines de prison. Plus tard, il défend aussi Patrick Henry, détenu depuis près de 40 ans pour le meurtre d'un enfant, après avoir symbolisé le combat pour l'abolition de la peine capitale.
La prison est une peine qui n'est pas comprise par ceux qui la subissent, qui ne peut pas l'être.
Thierry LévyAFP, été 2016
Thierry Lévy, président de la section française de l'Observatoire international des prisons entre 2000 et 2004, a consacré une partie de sa vie et de ses nombreux écrits à ce qui était, pour lui, le combat d'après : l'abolition de la prison. L'a-t-il perdu ? "Oui. Je crois", confiait-il dans un entretien accordé à l'AFP, à l'été 2016. "Le désir de punir est profondément ancré dans la nature humaine, constatait-il. L'efficacité des alternatives à la détention est certaine, elle est garantie. Mais ce qui leur manque, c'est d'être douloureuses, ou d'être assez douloureuses."
Ces dernières années, l'avocat au visage émacié s'était encore trouvé un autre combat désespéré : contester la place, toujours plus grande, accordée aux victimes dans l'action judiciaire. "L'institution judiciaire s'est trouvée un nouveau maître, plus aveugle, plus menaçant encore que l'Etat autoritaire. Le plaignant aux mille récriminations, idolâtré, transfiguré en sainte victime", pèse toujours plus lourd face à des prévenus ou accusés souvent condamnés d'avance, écrivait-il dans Eloge de la barbarie judiciaire (2004).
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