Un tableau attribué au Caravage découvert à Toulouse : "On ne pourra jamais dire fermement si c'est lui qui tenait le pinceau"
Un cabinet d'experts affirme que le tableau découvert dans un grenier est un "authentique" du peintre italien. Mais les certitudes sont rares dans ce domaine.
Un trésor dans son grenier ? Un couple de la région toulousaine a découvert un tableau qui pourrait être l'œuvre du Caravage, l'un des plus grands peintres italiens du début du XVIIe siècle. C'est à l'occasion d'une fuite d'eau, en avril 2014, que les propriétaires de la maison sont tombés sur cette toile, Judith et Holopherne. Le tableau a ensuite été confié à un commissaire-priseur toulousain, puis à un cabinet d'expertise. A la tête de ce cabinet, Eric Turquin a consulté une vingtaine de spécialistes, notamment au Louvre et en Italie. Il en est sûr : l'œuvre est bien un "authentique" du Caravage. A l'inverse, selon Le Quotidien de l'Art, "une spécialiste du Caravage, Mina Gregori, estime qu'il ne s'agit pas d'un original du Caravage, mais elle reconnaît en contrepartie la qualité indéniable de l'œuvre".
Ces avis divergents illustrent la difficulté d'authentifier une toile de maître avec certitude. Pour en savoir plus, francetv info a interrogé Annette Douay, restauratrice de tableaux à L'Atelier du temps passé, et experte en authenticité des œuvres d'art.
Francetv info : quelle est la première démarche à entreprendre lorsqu'on veut déterminer l'authenticité d'un tableau ?
Annette Douay : avant toute démarche scientifique, il faut d'abord avoir une approche artistique. Le style doit être approchant. Cela passe par des experts historiens de l'art, qui sont très spécialisés, sur une école de peinture, un peintre, une époque… A l'issue de cette première étape, l'expert émet un avis, qui est avant tout un ressenti, fondé sur ses compétences et sur son expérience. Ensuite intervient l'expertise menée par les scientifiques, qui donneront un avis basé sur des faits.
Quelles sont les techniques scientifiques utilisées ?
Elles sont nombreuses, des plus simples aux plus complexes. Pour les plus simples, on travaille d'abord sur la lumière. On éclaire le dos du tableau, on se base aussi sur la lumière tangentielle [au moyen d'un faisceau lumineux parallèle à la surface de l'œuvre ou formant avec elle un angle très faible] pour voir le coup de brosse de l'artiste. On peut également avoir recours à des rayons X qui donneront des informations sur l'état de surface du tableau. On va identifier les pigments, qui permettront, par exemple, de dater une œuvre.
Les analyses scientifiques ne sont pas forcément longues, mais tous ces relevés doivent ensuite être analysés. La rédaction du rapport, elle, peut prendre du temps. Ce rapport est ensuite remis à l'expert historien de l'art, et va corroborer plus ou moins son ressenti.
Peut-on être sûr à 100% de l'authenticité d'une œuvre ?
Même avec toutes ces expertises, on ne pourra jamais dire fermement si le Caravage tenait lui-même le pinceau. Cela peut être une copie d'atelier, exécutée par un apprenti, par exemple. C'est pourquoi il y a souvent des querelles d'experts.
Il existe déjà une réplique de Judith et Holopherne [exposée au palais Zevallos, à Naples]. Il faudrait savoir lequel est l'original, lequel est la réplique. Pour cela, il faudrait comparer les deux tableaux, leur appliquer les mêmes recherches scientifiques… Cela impliquerait que le musée remette en jeu le tableau qu'il possède, et ça, ce n'est pas gagné !
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