Fusillade de Las Vegas : l'auteur de l'œuvre "Gun Country" souhaite "provoquer le débat" sur les armes aux Etats-Unis
L'œuvre "Gun Country" de Michael Murphy est une illusion graphique des Etats-Unis formée d'une centaines d'armes suspendues.
C'est l'une des rares œuvres qui séduit autant les pro-armes que les anti-armes aux Etats-Unis. Depuis 2014, l'installation Gun Country de l'artiste Michael Murphy a été partagée des centaines de fois sur les réseaux sociaux et connaît un regain d'intérêt après chaque drame lié aux armes à feu. Depuis la fusillade de Las Vegas, de nombreux internautes la partagent pour critiquer la circulation des armes aux Etats-Unis ou, au contraire, la soutenir.
L'œuvre, composée d'une centaine d'armes factices suspendues au plafond, représente la carte des Etats-Unis. Elle a été exposée en 2014 sur le toit de l'Institut d'art contemporain de Grand Rapids dans le Michigan. Son créateur, Michael Murphy, a produit plusieurs installations autour de la place des armes dans son pays, à l'aide d'armes ou de faux boulets de canon. Franceinfo l'a interrogé.
Franceinfo : Comment avez-vous pensé "Gun country" ?
Michael Murphy : J'ai réalisé Gun Country en 2014, deux ans après la tuerie de l'école primaire Sandy Hook. J'avais remarqué qu'après chaque attentat, fusillade, les gens étaient terrifiés et qu'ils avaient du mal à exprimer ce qu'ils ressentaient, à parler de leur rapport aux armes, à dire ce qui les révoltaient. J'avais envie de créer une installation qui interpelle, et qui "stimule" la conversation et la réflexion entre les gens. Je ne cherche pas à donner un avis, mais à créer la discussion.
J'ai choisi de suspendre des armes au plafond, car cela me permettait d'utiliser tout le reste de l'espace dans les lieux d'exposition comme le sol, les murs. Je crois aussi que les gens aiment beaucoup les choses suspendues, ça fait ressentir la gravité et ça rappelle un peu les mobiles pour enfants. J'avais envie que ça soit inhabituel à regarder, un peu magique.
L'art est un moyen idéal pour s'exprimer sur le port d'armes aux Etats-Unis car le public regarde mon œuvre comme un objet puis réalise que c'est un sujet. Il est interpellé, il critique l'objet avant d'être "passionné" par le sujet qu'il y a derrière. C'est une façon plus facile pour extérioriser ce qu'on pense. Rien n'est dit, tout laisse à penser. D'ailleurs, une grande partie de mon travail est une représentation graphique de ce qui se passe dans mon pays, dans le monde. J'ai beaucoup travaillé sur la question du port d'armes, mais aussi sur les rapports entre les Etats et la religion.
Où avez-vous trouvé toutes ces armes ?
J'ai commandé 200 fausses armes, des jouets, en Chine. Elles font très réelles, elles sont faites en acier et ont le même poids que les vraies armes. Elles coûtaient entre 6 et 35 dollars l'unité. En faisant mes commandes, j'étais dégoûté de voir qu'on pouvait donner à des enfants des jouets qui ressemblent autant à de vraies armes.
Mais bon, aux Etats-Unis, de nombreux enfants grandissent avec une vraie arme ! Moi-même, j'en avais une. Avec recul, il ne faut pas s'étonner ensuite que certains adultes aient un rapport à la violence complètement banalisé et que les armes deviennent des objets presque "fétiches". Pour moi, un pays qui donne des armes à ses enfants, c'est qu'il veut créer une nation de tueurs.
A chaque attentat ou fusillade aux Etats-Unis, l'œuvre regagne de l'intérêt. Comment interprétez-vous cette tendance ?
Parce qu'à chaque fois, le débat sur le port des armes revient et je crois qu'elle "marche" très bien parce qu'elle est ambiguë. Elle ne crispe personne mais interpelle tout le monde. Les pro-armes comme les anti-armes. J'ai reçu plus de 40 000 commentaires à ce sujet.
Les pro-armes trouvent que c'est la représentation d'un Etat puissant, d'un peuple fort et plus libre. Pour eux, c'est une démonstration de puissance. C'est tout à fait dans la logique de ce que la National Rifle Association (NRA), lobby des armes aux Etats-Unis, vante. Les anti-armes au contraire, y voient la violence d'un Etat "machine de guerre", où il y a plus d'armes en circulation que d'habitants. Du coup, l'œuvre permet à chacun, quelle que soit son opinion sur la question de s'exprimer et c'est pourquoi tant de monde la partage.
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