"Ça n'a aucun intérêt gustatif !" : on a demandé à des chefs si manger de l'or comme Franck Ribéry valait le coup
Le 3 janvier, le footballeur Franck Ribéry a diffusé une vidéo dans laquelle il mange une entrecôte recouverte de feuille d'or. Bling-bling ou vrai délice ?
L'argent n'a pas d'odeur... mais l'or a-t-il un goût ? C'est la question que de nombreux internautes se sont peut-être posée en voyant la superbe entrecôte recouverte de feuille d'or dévorée par le footballeur Franck Ribéry, jeudi 3 janvier, à Dubaï. Cinq jours plus tard, les vidéos de cette dégustation de barbaque bling-bling cumulaient près de 15 millions de vues sur Instagram. Ce dîner clinquant a même tourné à la polémique, autour du prix du plat – environ 300 euros. L'attaquant du Bayern de Munich a écopé d'une amende salée de la part de son club pour avoir répondu, avec des insultes, aux critiques émises sur les réseaux sociaux.
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Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'un footballeur cède à la tentation. Quelques semaines auparavant, c’était Leo Messi qui se laissait tenter par le plat phare du boucher turc Nusret Gökçe, alias "Salt Bae", suivi de près par le champion du monde Blaise Matuidi. Mais alors, ces morceaux de viande bien dorés sont-ils vraiment bons ? Nous avons posé la question à des chefs.
"Moi, je ne bouffe pas ce genre de truc !"
"Moi, je ne bouffe pas ce genre de truc, s'exclame le restaurateur parisien Xavier Denamur lorsqu'on lui parle de l'entrecôte plaquée or de Ribéry. Je n'ai jamais utilisé d'or dans ma cuisine." Même son de cloche du côté de Laurent Azoulay, chef étoilé du restaurant L'Ekrin à Méribel (Savoie). "Personnellement, j'en utilise très, très peu", dit-il.
Les pâtissiers jouent parfois un peu aux joailliers et l'or permet de mettre en valeur ces 'desserts bijoux', mais même pour un palace, il n'y a pas d'intérêt gustatif. C'est tellement fin qu'on ne le sent même pas.
Laurent Azoulay, chef étoiléà franceinfo
Et pour cause, ces feuilles d'or étincelantes sont loin d'avoir le poids de vos feuilles de papier A4 pour imprimante. Leur épaisseur est d'environ 1/7 000 mm par feuille. Soit un poids de 12 à 50 grammes… pour 1 000 feuilles, selon un site spécialisé. Autant dire que vous ne sentirez pas craquer l'or sous la dent.
"C'est de la décoration, mais ça n'a pas de goût"
Les professionnels de la viande ne semblent pas plus emballés. "Envelopper toute une entrecôte avec des feuilles d'or, ça n'a pas de sens, ça n'a aucun intérêt gustatif ! assène Antoine Martinez, cofondateur et gérant de Melt, une chaîne de restaurants spécialisés dans la viande à Paris. C'est de la décoration, mais ça n'a pas de goût. D'ailleurs, je ne connais personne qui fait ça !" Du côté des cuisines de l’Elysée, où l’on est pourtant habitué aux dorures, cette extravagance ne semble pas convaincre non plus. Ces feuilles apporteraient simplement… "des dents dorées", selon le chef du palais présidentiel, Guillaume Gomez, sur Twitter.
Malgré ces réticences, l'or se retrouve encore assez fréquemment en gastronomie. Le chef Pierre Augé, gagnant de l'émission "Top Chef" en 2014, reconnaît l'utiliser de temps en temps sur des desserts ou sur des œufs, dans son restaurant La Maison de Petit Pierre, à Béziers (Hérault). "Sur un petit chocolat bien noir, c'est joli, explique-t-il à franceinfo. Mais gustativement, ça ne mène à rien, c'est de la déco." Selon lui, l'intérêt du plat de Ribéry réside plutôt sous cette couche d'or. "Le chef du restaurant à Dubaï a une belle qualité de viande, et une entrecôte de Kobé, ça peut coûter 200 ou 300 euros dans un bon restaurant… sans feuille d'or", note le chef.
"Le vrai luxe, c'est des légumes cueillis du matin"
Si l'or n'a pas d'intérêt gustatif, peut-il être néfaste pour la santé ? A priori, le risque est faible. En effet, l'Union européenne autorise l'or comme additif, le E175 pour être précis (PDF). Celui-ci peut être utilisé "en quantité suffisante" pour couvrir des pâtisseries par exemple, sans aucune autre limitation. Cet additif est aussi classé "vert" par le Nouveau guide des additifs, d'Anne-Laure Denans (éd. Thierry Souccar, 2017). "En très petite quantité, cela ne pose pas de problème, confirme Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins, à franceinfo. Après, manger de l’or matin, midi et soir, je ne pense pas que ce soit très adapté, c'est quand même un métal."
Verdict : cette couche d'or semble avoir davantage d'intérêt pour faire de belles images sur les réseaux sociaux que pour les palais exigeants ou les estomacs sensibles. "C'est juste pour flamber, on a l'impression d'être dans un film avec James Bond ou Cléopâtre, analyse Xavier Denamur, qui dirige plusieurs restaurants à Paris. Le vrai luxe, c'est d'avoir des légumes cueillis du matin dans l'assiette." Peut-être une piste pour les prochains dîners des footballeurs.
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