Instaurer un service militaire obligatoire d'un mois : cinq questions sur la promesse d'Emmanuel Macron
La mesure, qui ne figurait pas dans le programme initial du candidat En marche !, pourrait concerner 600 000 jeunes chaque année.
Emmanuel Macron a surpris tout le monde en l'annonçant, le 18 mars. S'il est élu, le candidat d'En marche ! à l'élection présidentielle souhaite rétablir un "service militaire obligatoire" d'une durée d'un mois. Ce point tranche avec le reste de son programme en matière de défense, rappelle Le Monde, qui est "dans la droite ligne de l’action mise en œuvre par François Hollande et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian depuis 2012". Franceinfo se penche sur cette promesse de campagne en cinq questions.
1De quoi s'agit-il ?
Emmanuel Macron propose de rétablir un "service militaire obligatoire et universel d'un mois", comme l'indique le site d'En marche !. La mesure s’adresse "aux jeunes femmes et hommes aptes de toute une classe d’âge", soit environ 600 000 personnes chaque année, affirmait le candidat lors de la présentation du volet défense de son programme, en mars.
Ce "service national" pourrait intervenir, selon les disponibilités des appelés, entre 18 ans et 21 ans. En cas de "crise", ceux qui l'auraient effectué pourraient constituer un "réservoir mobilisable, complémentaire de la Garde nationale". Créée en 2016, celle-ci regroupe les réservistes de l'armée, de la police et de la gendarmerie qui se mettent à disposition jusqu'à 30 jours par an.
La mesure, qui ne figurait pas dans le programme du candidat, a été présentée quelques semaines après le ralliement de François Bayrou. Le président du MoDem défendait le retour à un service obligatoire de six mois dans son livre Résolution française (éd. L'Observatoire) publié début février.
Que feraient les jeunes concernés durant ce mois ? "On commence à y réfléchir", explique à franceinfo Serge Lepeltier, ancien maire UDI de Bourges, qui conseille désormais le candidat d'En marche ! sur les questions de défense. L'ensemble garderait les fondamentaux du service national dont la dernière mouture, suspendue par Jacques Chirac en 1996, durait dix mois. Au programme, donc : "l'inculcation de la discipline, de l'autorité, des priorités stratégiques de la France" mais aussi "des activités physiques et sportives pour permettre la cohésion" des appelés et "la passation de tests mesurant leurs acquis scolaires", ajoute le soutien d'Emmanuel Macron.
Depuis la fin du service militaire, l'appel sous les drapeaux peut être "rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la nation l'exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent", stipule l'article L. 112-2 du Code du service national.
2Combien ça coûterait ?
"Ce projet a bien sûr un coût significatif et je l’assumerai", promettait en mars Emmanuel Macron. A l'époque, le candidat prévoyait un investissement de départ de "15 à 20 milliards d'euros" pour les infrastructures, auquel s'ajoutait un coût annuel de "2 à 3 milliards d'euros" (transports, encadrement...). Sans préciser d'où seraient tirés ces fonds, le candidat assurait que rien ne serait pris au budget des armées, qu'il compte porter à 2% du PIB d'ici à 2025 (contre 1,8% aujourd'hui) s'il est élu.
Je me suis engagé à ce que le budget de la Défense soit progressivement porté à 2% du PIB. #LaFranceEnMarche
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 4 février 2017
Depuis, les chiffres ont été revus à la baisse. Serge Lepeltier annonce à franceinfo un coût de fonctionnement compris "entre 1,5 milliard et 2 milliards par an". "Le chiffre pour l'investissement de départ nous paraît aussi trop élevé, on pense qu'il est possible de faire des économies", ajoute-t-il, sans plus de précisions. L'Institut Montaigne, un groupe de réflexion proche du candidat, évalue lui à 1,1 milliard d'euros l'investissement de départ nécessaire, en créant des "sites dédiés" à la mesure, ou en adaptant des "sites existants".
En cas de victoire d'Emmanuel Macron, l'équipe du candidat prévoit encore "six mois de réflexion" pour fignoler la mesure "en concertation avec les services militaires et les collectivités locales", affirme Serge Lepeltier. Un projet de loi serait présenté "avant la fin de l'année 2017".
3Qui seraient les gagnants ?
Principalement les jeunes, à en croire le candidat d'En marche !. Celui-ci souhaite retrouver la "mixité sociale" qu'offrait le service militaire, mais veut aussi pouvoir détecter les difficultés scolaires – notamment "l'illettrisme" – éprouvées par certains appelés, afin d'organiser leur "remise à niveau scolaire".
"L’accès aux métiers de la défense en tant que militaire d’active [les militaires en service, non réservistes] ou dans la Garde nationale [les réservistes] en sera facilité", promettait aussi le candidat en mars, sans donner plus de détails. Le dispositif "aidera les jeunes à préparer leur entrée dans la vie professionnelle comme dans leur vie de citoyen".
Un peu plus de la moitié des jeunes entre 18 et 24 ans (55%) souhaitaient la réinstauration du service militaire, selon un sondage réalisé par l'institut CSA en novembre 2016. Parmi les plus de 65 ans, ils étaient 78% à partager leur opinion.
4Qui seraient les perdants ?
En premier lieu, les jeunes concernés qui ne souhaitent pas effectuer le service national obligatoire prévu par Emmanuel Macron. Environ 45% des 18-24 ans assuraient en 2016 ne pas souhaiter le retour de la conscription, toujours selon le même sondage CSA.
Egalement perdants, les militaires qui devront former ces jeunes recrues. En mars, Emmanuel Macron assurait que l'encadrement serait réalisé "par les forces armées", sans prévoir de nouveaux recrutements. "Dans leurs effectifs actuels, elles sont incapables d'assurer ça, confie un ancien officier général à franceinfo. On est déjà au taquet partout depuis les attentats, donc il va falloir faire un effort sur les effectifs."
Serge Lepeltier assure de son côté que l'encadrement ne sera "peut-être pas constitué que de militaires". "En étalant le dispositif sur toute l'année, on prévoit 10 000 encadrants, dont des militaires actifs mais aussi des membres de la Garde nationale", précise-t-il, sans annoncer la proportion de chacun des deux groupes.
5Est-ce réaliste ?
En mars, la proposition du candidat d'En marche ! avait été décriée par plusieurs ténors de la droite. "Trop cher" pour l'ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, "ruineux" pour Jean-François Lamour, spécialiste des questions de défense chez Les Républicains. Ce dernier dénonçait également la mobilisation de militaires, déjà engagés contre la menace terroriste, et le manque d'infrastructures.
La moitié des appelés éventuels étant des femmes, les bâtiments déjà existants devront, en plus, être adaptés à la non-mixité des effectifs. Pour combler le manque de bâtiments en état, Serge Lepeltier explique qu'Emmanuel Macron s'appuiera "sur les infrastructures militaires ou scolaires existantes", ce que recommande également l'Institut Montaigne. Mais là encore, les ressources ne sont pas infinies. Seules 200 000 places sont ainsi proposées en logement étudiant par le Crous, les classes préparatoires et les grandes écoles. Elles ne seraient en plus mobilisables que durant l'été, lorsque les élèves sont absents.
Autre critique, la redondance du dispositif proposé par Emmanuel Macron. L'Institut Montaigne relève qu'il viendrait s'ajouter au service militaire adapté en Outre-mer (SMA), à l’établissement public d’insertion de la défense (Epide) en métropole et au service militaire volontaire (SMV), qui concernent environ 8 millions de jeunes avec des objectifs comparables. Sans compter la journée défense et citoyenneté.
Une dernière critique vise l'efficacité de la mesure. "Un mois de service, ça exclut toute formation militaire, ajoute de son côté un ancien officier général contacté par franceinfo. Selon moi, trois mois, c'est un minimum." Suffisant pour que ces effectifs soient "complémentaires de la Garde nationale", comme le souhaite Emmanuel Macron ? "Je pense vraiment qu'on peut donner une base de formation militaire dans ce laps de temps", veut croire Serge Lepeltier.
En résumé
Pour renforcer la "cohésion républicaine", Emmanuel Macron souhaite que tous les jeunes "aptes" de 18 à 21 ans effectuent un "service militaire obligatoire" d'un mois. La mesure concernerait 600 000 jeunes par an, et serait encadrée par des militaires et des réservistes de la Garde nationale. Son financement est encore flou, mais nécessiterait chaque année de "1,5 à 2 milliards d'euros", selon l'équipe du candidat. Plusieurs observateurs critiquent une mesure trop coûteuse, alors que les armées françaises sont déjà fortement mobilisées en raison de la menace terroriste.
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