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Défense : que sait-on sur le VMaX, le planeur hypersonique testé par la France ?

Testé pour la première fois lundi soir, le démonstrateur de planeur hypersonique VMaX est le fruit d'un programme lancé en 2019.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 6min
Le site de la direction générale de l'Armement (DGA) à Biscarosse (Landes), le 30 septembre 2022. (THIBAUD MORITZ / AFP)

Des lignes blanches dans le ciel de l'Occitanie. Pour la première fois, lundi 26 juin, la France a testé un planeur hypersonique expérimental. "La direction générale de l'armement (DGA) a procédé le 26 juin 2023 à 22 heures à un tir d'essai de fusée sonde, à partir du site DGA essais de missiles de Biscarosse. Cette fusée emportait le démonstrateur de planeur hypervéloce VMaX", a confirmé le ministère des Armées dans un communiqué

"Ce premier démonstrateur contenait de nombreuses innovations technologiques embarquées. Son essai en vol, sur une trajectoire à longue portée très exigeante, constituait un défi technique inédit", a poursuivi la DGA. "Nouveau jalon vers la maîtrise française de l'hypervélocité !", s'est félicité sur Twitter le ministre Sébastien Lecornu. 

Pour l'occasion, la France avait émis une notification d'avertissement pour la navigation maritime et aérienne, s'étendant sur un corridor d'environ 2 000 kilomètres au-dessus de l'Atlantique entre le 26 et le 30 juin. 

Est-ce que ce test a été concluant ? Comment souvent, le ministère des Armées est resté discret, précisant seulement dans un communiqué que "les analyses techniques des nombreuses données récupérées pendant toute la durée de l'essai sont en cours pour tirer les enseignements pour la suite des vols expérimentaux", rapporte Le Monde

Un appareil capable de voler (et d'être manœuvré) au-delà des 6 000 km/h

Les planeurs hypersoniques sont des appareils qui peuvent voler au-delà de Mach 5, c'est-à-dire à une vitesse supérieure à 6 000 km/h. Ils sont propulsés dans un premier temps par une fusée ou un missile dans la très haute atmosphère, à près de 100 kilomètres d'altitude, puis largués pour pouvoir planer sur des milliers de kilomètres tout en suivant une trajectoire imprévisible. 

"Un planeur hypersonique, c'est quelque chose que l'on arrive à diriger et qui atteint des vitesses supérieures à cinq fois la vitesse du son. L'objectif, c'est la manœuvrabilité à haute vitesse. C'est en ça que l'on va se différencier d'une trajectoire balistique", avait déjà expliqué la direction générale de l'armement. La direction de ces planeurs peut donc changer rapidement, à très grande vitesse. "Une fois la vitesse initiale acquise, on va jouer sur les transferts entre la vitesse et l'altitude pour monter, descendre, aller à droite ou à gauche, ce qui donne une trajectoire plus difficile à intercepter. Si on est visé par une défense [antimissile], on peut opérer des manœuvres d'évitement", relevait-elle.

Un programme français lancé dès 2019 

Comme le rappelle Le Monde, le démonstrateur VMaX (véhicule manœuvrant expérimental) est le fruit d'un programme lancé en 2019. Il est mené sous la maîtrise d'œuvre industrielle d'ArianeGroup, le fabricant des fusées Ariane. De premiers tests devaient avoir lieu en 2021, avait annoncé la ministre des Armées de l'époque, Florence Parly. Finalement, ces essais avaient été reportés. "Nous avons des impératifs techniques, mais je souhaite une première démonstration (…) avant la fin de l'année", avait déclaré au Monde en mars le délégué général pour l'armement, Emmanuel Chiva. 

Une deuxième version du VMaX, VMaX 2, devrait voir le jour et être testée l'année prochaine ou en 2025, d'après le conseiller militaire d'ArianeGroup interrogé par franceinfo.

En parallèle, la France conduit des études sur la propulsion hypersonique dans le cadre de la modernisation de son arsenal de dissuasion nucléaire. Le missile ASN4G (air-sol nucléaire de quatrième génération), qui doit remplacer l'ASMP (air-sol nucléaire moyenne portée), pourrait ainsi être hypervéloce. "Nous avons des moyens nous permettant de tester le missile et de simuler le vol de l'ASN4G en hypervélocité (...) Nous entrons dans le domaine de l'hypersonique", expliquait récemment Hervé de Bonnaventure, conseiller défense du PDG du missilier français MBDA, face à la commission sur la dissuasion nucléaire

Une "course à l'armement" entre grandes puissances

Face à des systèmes de défense antimissiles de plus en plus efficaces, de grandes puissances cherchent à développer des armes toujours plus rapides et aux trajectoires moins prévisibles. Trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU possèdent déjà de tels programmes : la Russie, la Chine et les Etats-Unis. "C'est une technologie que tout le monde essaie, on est vraiment sur une course à l'armement entre la France, les Etats-Unis, la Chine ou même la Russie", résume auprès de France 3 Occitanie Gaétan Powis, journaliste pour le média spécialisé Air&Cosmos. 

Comme le relève un récent rapport du service de recherche du Congrès américain (document PDF)la Russie compte actuellement deux programmes d'armes hypersoniques : l'Avangard et le Zircon. Le rapport évoque également le Kinjal, un missile balistique utilisé en Ukraine. Moscou assure qu'il s'agit d'un missile hypersonique, mais des experts militaires questionnent cette affirmation. La Chine, de son côté, a déjà testé le DF-17, un missile balistique "spécifiquement conçu pour lancer des planeurs hypersoniques", ainsi que le planeur hypersonique DF-ZF. 

Les Etats-Unis développent aussi des programmes d'armes hypersoniques, mais ces appareils "doivent être armés de manière conventionnelle", pointe le rapport du centre de recherche du Congrès. Ils "peuvent donc nécessiter une plus grande précision et seront plus compliqués d'un point de vue technique à développer que les systèmes russes ou chinois, équipés d'une tête nucléaire".

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