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Augmentation de l'usage du LBD : "Il faut absolument qu'il y ait une prise de conscience de l'État"

Le journaliste David Dufresne qui a recensé les cas de violences policières lors des mobilisations des "gilets jaunes" a expliqué, vendredi sur franceinfo, que le LBD et la grenade explosive GLI-F4 "ne sont pas faites pour le maintien de l'ordre".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le journaliste David Dufresne, à franceinfo le 27 mars 2019 (RADIO FRANCE)

Un rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) relève une augmentation de 200% de l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) en 2018, à la suite du mouvement des "gilets jaunes". Brigitte Jullien, la directrice de l'IGPN, a déclaré qu'il fallait se poser "la question du cet usage du LBD" qui "a blessé énormement des personnes". David Dufresne,écrivain et documentariste, qui a recensé les cas de violences policières lors des mobilisations des "gilets jaunes", a réagit, vendredi sur franceinfo, à ce rapport et aux propos de la directrice de l'IGPN.

franceinfo : Comment interprétez-vous les propos de Brigitte Jullien sur l'usage du LBD ?

David Dufresne : C'est un euphémisme, un doux euphémisme. C'est le minimum syndical qui nous est proposé. Cela fait plus de sept mois maintenant que cette question devrait être soulevée, que la France a refusé de soulever, que la France a refusé de regarder et que l'ONU, le Conseil de l'Europe et le Parlement européen ont averti, ont alerté, se sont inquiétés et ont pointé du doigt la chose très simple : ces armes ne sont pas faites pour le maintien de l'ordre. C'est tout. Brigitte Jullien ne dit pas les choses. Les chiffres qui sont donnés sont justes, mais ils ne sont pas bons. Les bons chiffres, ces 24 personnes qui ont perdu un œil, cinq qui ont perdu une main à cause d'une autre grenade qui n'est pas évoquée publiquement depuis la sortie de ce rapport. Il s'agit de la grenade explosive GLI-F4. Le LBD a blessé les gens et contrairement à ce qu'on laisse entendre, ce que madame Brigitte Jullien laisse encore entendre, les gens qui ont été blessés ne sont pas du tout des gens qui sont poursuivis pour avoir cassé.

Brigitte Jullien justifie l'utilisation de LBD pour faire face à des débordements jamais vus en France. Réfutez-vous cet argument ?

Ce que l'on peut discuter, c'est le cliché qui consiste à dire, ce sont des débordements jamais vus, mais c'est faux. L'histoire nous enseigne, l'histoire récente, les manifestations de marins pêcheurs dans les années 90 étaient autrement plus violentes, des sidérurgistes dans les années 70, Mai 68 il n'y avait pas de LBD et il n'y avait pas autant de blessés graves et de mutilés.

Est-ce que ce changement de pratique doit intervenir au plus vite ?

On ne peut pas donner un chèque en blanc à l'IGPN, à monsieur Castaner, à monsieur Nunez qui, Il y a dix jours, a expliqué qu'il n'avait aucun regret. Moi, je dis le temps des regrets va arriver à un moment donné ou un autre. Ce temps, ça sera avec la justice. Il faut aller beaucoup plus loin, c'est-à-dire revenir aux fondamentaux du maintien de l'ordre qu'on a longtemps appelé à la française, c'est-à-dire maintenir la foule à distance, éviter l'affrontement. C’est la juste proportion de l'utilisation des armes, mais c'est surtout l'absolue nécessité de l'usage de la force. Or, qu'est-ce que je vois depuis 7 mois, qu'est-ce que je documente ? 800 signalements sur mon fil Twitter qui n'ont jamais été contestés et même dans une interview à L'Express Brigitte Jullien nous explique que finalement l'IGPN se sert bien du travail des réseaux sociaux pour vérifier les blessures. Oui, il faut absolument qu'il y ait une prise de conscience de l'État parce que là on parle de l'État, de la doctrine autour de l'utilisation de ces armes.

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