À Notre-Dame-des-Landes, les zadistes menacés d'expulsion se préparent à l'intervention des forces de l'ordre
Trois mois après l'abandon du projet d'aéroport près de Nantes, l'expulsion des zadistes est une question de jours, voire d'heures. Au total, 2 500 gendarmes sont attendus sur place. L'intervention pourrait avoir lieu dès le 9 avril.
Veillée d’armes à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes. Après l’abandon du projet d’aéroport, l’État avait laissé jusqu’au 31 mars aux zadistes pour régulariser leur situation en s’inscrivant dans des projets agricoles individuels, mais ils ont refusé, préférant une régularisation collective. Les expulsions pourraient donc commencer dès lundi 9 avril. Des milliers de gendarmes mobiles sont attendus sur place, et les zadistes se préparent.
Au marché de la commune de Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique), située à 7 kms de Notre-Dame-des-Landes, les étals habituels ont été installés, à quelques pas du clocher blanc de l’église. Mais au bout du parking, on aperçoit un fourgon bleu de gendarmerie. C'est une unité avancée d’un vaste dispositif : 25 compagnies de gendarmes mobiles. Cela équivaut à 2 500 hommes, attendus cette semaine pour procéder aux expulsions dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. "Il était temps, soupire un client de la boucherie. Pour moi, il fallait s’en débarrasser au plus vite, et j’espère que cela va être fait." La bouchère est plus nuancée. "Moi je trouve ça très bien que la terre revienne à des producteurs, à des agriculteurs. Après, la manière qu’ils ont actuellement de se défendre, c’est un peu extrême", dit-elle.
La "route des chicanes" bloquée
À quelques kilomètres de bocage, la départementale 281 n’a toujours pas regagné son numéro. Malgré son revêtement tout neuf, cette route boisée qui traverse la ZAD est toujours fermée à la circulation. Deux barrages de pneus et d’objets divers ont refleuri après les travaux. Elle reste "la route des chicanes", avec, de part et d’autre, des gendarmes.
Parsemée de cabanes, de caravanes, "la route des chicanes" a gagné l’image d’un fort chabrol d’occupants radicaux. C'est aussi l'objectif numéro un des forces de l’ordre pour les expulsions. Sur un total de 250 à 300 personnes vivant ici, ces expulsions pourraient en concerner une centaine ou moins, aucun chiffre officiel n’est donné. Une division entre bons et mauvais zadistes que les occupants de la ZAD ne cautionnent pas, comme par exemple cette jeune femme qui reprend en riant le pseudo 'Camille' pour dit-elle "ne va pas changer les bonnes habitudes". Camille attend à la rolandière, dans l’ancienne bergerie de granit rénovée, au pied d’un phare construit à partir d’un pylône en métal. C’est la bibliothèque de la ZAD avec ses rayonnages de livres à l’étage, et au rez-de chausée, près du poële en fonte, un espace de rendez-vous et d’information.
Dans la ZAD il n’y a pas de tri, explique Camille : "Ce qu’on a toujours dit, c’est qu’on se tiendrait ensemble, et qu’il n’y aurait pas de lieu qui ne serait pas défendu. radicaux ou non radicaux, violents ou non violents, en fait, on ne sait pas de quoi ils parlent ! On ne s’est jamais reconnu dans cette approche là et on a toujours dit qu’on se tiendrait ensemble ! (...) C’est pour ça qu’on a envoyé à la préfecture une convention d’occupation précaire globale, puisqu’on nous pousse à signer des conventions d’occupation précaires individuelles, et ça, ça nous semble aberrant."
Les gens qui ont défendu ce bocage en y vivant et en développant des activités sont légitimes à rester ici
Camille, zadisteà franceinfo
Pour les occupants, l’abandon du projet d’aéroport ne signe pas la fin de la ZAD. La résistance s’organise sur internet, devant la justice, malgré le rejet des recours vendredi 6 avril. Sur place aussi, lors de réunions et d’entraînements, mais tous les zadistes n’iront pas faire face aux forces de l’ordre. "Je comprends les gens qui peuvent utiliser des tactiques avec des pratiques dites violentes. Moi, j’en n’ai pas les compétences, explique Bernard. Dans ces cas-là, il faut se donner les moyens, parce que c’est une des tactiques qui, mine de rien, a permis d’empêcher la construction de l’aéroport. Ça n’a pas tout fait mais c’est l’idée de la complémentarité des composantes."
Une "libération" de la route qui divise
Julien Durand, le porte-parole de l’ACIPA, l'une des associations d’opposants à l’aéroport extérieure à la ZAD, se réjouit de voir une activité agricole, artisanale et culturelle renaître sur le secteur. Mais cet agriculteur à la retraite de Notre-Dame-des-Landes ne soutient pas une résistance physique et déterminée partout, en particulier sur la route des chicanes : "On ne soutiendra pas une défense jusqu’au-boutiste de cette route-là. C’est intolérable. Aussi, on protégera des lieux de vie qui ont l’intention de se déclarer demandeurs d’une convention d’occupation précaire. On encourage ces gens-là à le faire au plus vite."
Cette route-là doit reprendre son activité normale, en toute sécurité
Julien Durand, opposant à l’aéroport NDDLà franceinfo
En 2012, barricades, barrages de tracteurs et harcèlement des forces de l’ordre avait fait échouer l’opération César. Les zadistes comptent bien recommencer. De leur côté, les autorités assurent qu’elles ne reproduiront pas la même opération.
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