La vue, depuis le colombier, est imprenable sur Paris. Un site "parfait pour eux", assure le maréchal des logis Sylvain, qui bichonne, soigne, nourrit et bague les 187 pigeons qu'abrite, derrière les hauts murs du fort du Mont Valérien, le 8e régiment de transmissions. Anachronique ? La Chine, même engagée dans une course technologique et militaire de fond, est passée de 200 à 10 000 pigeons voyageurs en quelques années, au cas où. "Si on en est réduit à reprendre des pigeons voyageurs, c'est vraiment que ça craint...mais on pourrait, il faudrait juste les ré-entraîner pour ça."le maréchal des logis Sylvainà franceinfo"Non", sourit le colonel Jean-Baptiste Matton, "la France n'a plus l'utilité opérationnelle de pigeons voyageurs. Tous nos systèmes de communications sont doublés, triplés, on dit 'redondés' dans notre jargon." Et pourtant, c'est le 8e régiment de transmissions qu'il commande qui accueille le colombier militaire, une mission bien différente de son quotidien : assurer la sécurité des réseaux de communication des institutions sensibles en Île-de-France, comme l'Élysée ou le ministère des Armées. Le maréchal des logis Sylvain, qui au 8e régiment de tranmissions, s'occupe au quotidien des 187 pigeons voyageurs du colombier militaire. (Franck Cognard / franceinfo) L'entretien des traditionsAlors, que font les 187 pigeons du colombier militaire ? Du concours – il y a des courses où des pigeons font Barcelone-Liège en moins de 12 heures – mais ils participent, et c'est une notion chère au coeur des militaires, à l'entretien des traditions et de la mémoire. Parce qu'entre la France et les pigeons voyageurs, c'est une vieille et longue histoire. Extrait d'un message transmis par pigeon voyageur pendant la première guerre mondiale, conservé au Musée de la colombophilie militaire du Mont Valérien. (Franck Cognard / franceinfo) En 1870, Paris, encerclé par les prussiens, correspond avec la province grâce aux pigeons. Pendant la Première Guerre mondiale, ils sauvent à plusieurs reprises des soldats encerclés, en portant les messages, en prenant des photos. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Londres parachute des cages enfermant des pigeons auprès de la résistance. Les maquis français les baguent avec des microfiches avant qu'ils ne s'envolent vers leur colombier, en Angleterre."Les pigeons sont très fiables, d'un point de vue opérationnel. Ils ne sont pas effrayés par le fracas des combats et ils franchissent toujours les rideaux de fumées et d'obus."le colonel Matton, chef du 8e régiment de transmissionsà franceinfoCar le pigeon rentre toujours même blessé – ça s'est vu – à l'endroit où il a été élevé. Et en plus d'être casanier, le pigeon voyageur est monogame, il revient toujours auprès de sa dame. À l'ère des drones et des satellites, le pigeon est-il vraiment anachronique ? La Jordanie signalait l'an dernier l'utilisation de pigeons voyageurs par Daesh, la Chine en achète donc par brassée, au cas où. Et toujours l'an dernier, un historien militaire américain, Frank Blazich titrait un de ses articles : "à l'heure de la guerre électronique, recrutez des pigeons". Les pigeons militaires de l'armée française écouter