: Vidéo Jean-Louis Chaussade, président de Suez : "Il y a des pays dans lesquels l'eau va devenir un problème majeur"
Invité de Jean-Paul Chapel dans ":L'éco", Jean-Louis Chaussade est président du conseil d'administration de Suez. Alors que le réchauffement climatique risque de compliquer, à l'avenir, le renouvellement des ressources en eau, notre invité s'exprime sur la difficile gestion à mettre en place.
Jean-Louis Chaussade est président du conseil d'administration de SUEZ, le groupe français de gestion de l'eau et des déchets. En 2018, l'ONU l'a nommé "pionnier" des objectifs de développement durable (ODD), au titre de "l'action climatique par la gestion efficace des ressources dans les secteurs de l'eau et des déchets".
Alors que le monde entier a les yeux rivés sur le réchauffement climatique, le président du groupe Suez nous alerte sur l'urgence absolue que représente l'eau. Pourquoi ? "Parce que quand on regarde comment sera le monde vers 2035-2040, nous serons 9,5 milliards d'habitants sur la planète, le réchauffement climatique, la température aura commencé à monter, la vie sera très urbanisée, et dans ce monde urbain, très peuplé, eh bien, la problématique de la ressource en eau, de la disponibilité de la ressource, de la qualité de la ressource va se poser, et il va falloir gérer les usages entre l'usage de l'eau municipal pour vous et moi, de l'industrie et de l'agriculture. Et c'est ça qui est difficile à l'horizon que j'ai fixé", explique Jean-Louis Chaussade.
Croissance démographique, développement économique et évolution des modes de consommation... La demande mondiale en eau devrait augmenter de 20 à 30 % par rapport au niveau actuel d'ici 2050, selon le rapport annuel de l'ONU. Dans le même temps, le réchauffement climatique risque de compliquer le renouvellement des ressources en eau, avec des périodes de sécheresse à l'avenir plus longues.
"La France est un pays béni des dieux, puisque nous avons quand même, d'une manière générale, un climat tempéré avec beaucoup d'eau, mais il est vrai que récemment, en particulier l'hiver dernier, les nappes phréatiques ne se sont pas rechargées parce qu'il a peu plu au printemps dernier, qu'ensuite nous avons eu un été extrêmement sec, et que nous terminons l'été avec des ressources en eau faible, avec des qualités et des ressources insuffisantes pour aborder l'année qui vient, et donc, il est indispensable qu'il se mette à pleuvoir cet hiver si nous voulons avoir un été raisonnable l'année prochaine", affirme le président de Suez.
"Est-ce qu'il y a des pays où cette urgence de l'accès à l'eau peut amener à faire la guerre, ou au moins une guerre commerciale ?", interroge Jean-Paul Chapel.
"Ce qui est certain, c'est qu'il y a des pays dans lesquels l'eau va devenir un problème majeur", répond Jean-Louis Chaussade. "Il y a déjà eu des exemples... L'Australie, par exemple, a du construire beaucoup d'usines de dessalement, mais si vous prenez l'Afrique du Sud récemment, le Cap a vécu une période extrêmement intense de sécheresse, vous avez eu aussi la Californie, et puis, plus globalement, vous avez des pays comme l'Inde ou la Chine, où les ressources en eau, compte tenu de la dispobilité de l'eau d'une part, et par ailleurs, de la population et de sa croissance, auront dans un avenir proche des difficultés à gérer les volumes d'eau disponibles."
"Vous êtes aussi le président de la filière valorisation des déchets", rappelle Jean-Paul Chapel. "On a beaucoup parlé du plastique. Faut-il consigner les bouteilles en plastique pour améliorer le recyclage ?"
"D'abord, il faut saluer le travail qui a été fait par madame Poirson (Brune Poirson est secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, NDLR) pour essayer de définir une stratégie de moyen/long-terme dans le domaine du recyclage et de la valorisation des déchets. Le problème des plastiques et de la consigne, dont vous parlez, est un autre sujet. C'est un sujet qui est assez compliqué. D'un côté, on peut imaginer que ça soit une solution, mais il faut l'intégrer dans un ensemble de solutions, qui permettent à la fois aux consommateurs, aux municipalités et aux entreprises de se trouver sur un chemin vertueux. Vertueux, ça veut dire de plus en plus de recyclage, mais ça veut dire aussi des filières qui soient économiquement soutenables pour les uns et pour les autres.", avance Jean-Louis Chaussade.
"Et donc, pour que ce soit rentable de recycler, que faut-il faire ? Il faut que la consigne soit élevée ?", demande Jean-Paul Chapel.
"Non, non, il n'y a pas que la consigne !', assure le président de Suez. "Il y a la consigne, il y a le tri, il y a la valorisation. Donc, il faut travailler sur un ensemble de mesures, qui permettent aux consommateurs de se sentir concernés, c'est-à-dire de penser que ces bouteilles vont être demain recyclés".
"En France, vous avez probablement 90 % du plastique qui est collecté, et à peu-près 45 % ou 50 % qui est recyclé", estime Jean-Louis Chaussade.
La France a pour objectif de recycler 100 % de ses déchets plastiques d'ici à 2025. Une tâche qui s'annonce ardue... Selon le rapport annuel de l'organisation PlasticsEurope, en 2016, la France n'a recyclé qu'un peu plus d'un quart de ses déchets d'emballages plastique. Sur les 30 pays étudiés (Union européenne, Norvège et Suisse), la France figure au 29ème rang avec un taux de recyclage des emballages plastiques de 26,2 %. La moyenne de l'Union européenne s’élève, elle, à 40,8 %.
Selon notre invité, "ça peut absolument s'améliorer". Comment ? "Il faut une discussion entre les autorités publiques, le ministère, les municipalités, les entreprises pour trouver la meilleure solution possible dans laquelle on peut intégrer la consigne, je pense, mais qui n'est qu'un des moyens d'arriver à l'objectif."
"Il faut inventer un nouveau monde avec des filières qui doivent être rentables. Moi, j'insiste sur le fait que quels que soient les méthodologies ou les systèmes que l'on met en place, il faut qu'à la fin du fin, à la fois les consommateurs l'acceptent, les municipalités soient parties prenantes et les entreprises trouvent le chemin de la profitabilité, sans lequel on ne trouvera pas de solutions.", conclut Jean-Louis Chaussade, président du conseil d'administration de Suez.
L'interview s'est achevée sur "The Best" de Tina Turner.
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