: Vidéo Dépassée, pas assez écologique... Quand les futurs agriculteurs jugent la politique agricole commune
La politique agricole commune est le premier poste de dépense de l'Union européenne. Si elle aide bon nombre d'agriculteurs en France et partout en Europe, la PAC est également de plus en plus critiquée.
"Je pense que la PAC pourrait être une très bonne chose, mais il faut qu'elle évolue avec son temps", affirme Titouan, 16 ans, en classe de première scientifique au lycée agricole de Saint-Germain en Laye (Yvelines). Comme ses camarades, l'adolescent a travaillé récemment sur le sujet, à l'occasion d'un concours d'éloquence organisé avec d'autres établissements. Il sait bien que la nouvelle Politique agricole commune (PAC), pour la période 2021-2027, est en train d'être négociée. Elle doit être finalisée après les élections européennes organisées à la fin du mois de mai. Pour l'instant, la Commission a proposé un budget en baisse, de 365 milliards d'euros sur la période (il était de 408 milliards d'euros entre 2014 et 2020).
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"La PAC a été créée dans les années 50 pour subvenir à des besoins agricoles très intensifs mais de nos jours, elle a besoin d'évoluer", poursuit le jeune homme. Il regrette qu'elle ne se dirige pas plus vers du soutien aux productions biologiques. "Il faudrait que la nouvelle PAC arrête de favoriser l'agriculture intensive, mais aide plus l'agriculture respectueuse de l'environnement. La population change et elle [la PAC] reste sur des bases anciennes. C'est dépassé."
"En retard par rapport à son temps"
Même opinion du côté de sa camarade de classe, Maelys : "On a découvert que c'était un système qui pouvait être très bien pour aider les agriculteurs, mais qui était trop en retard par rapport à son temps parce qu'elle ne prenait pas en compte les enjeux du dérèglement climatique. La PAC peut aider les agriculteurs, mais elle le fait mal, parce qu'elle va favoriser les grandes exploitations au lieu de favoriser les plus petites qui ont besoin de plus d'argent. Elle ne favorise pas assez les modes d'agriculture qui sont plus respectueuses de l'environnement, elle reste dans une agriculture productiviste, alors qu'on n'a plus du tout besoin de ça, donc il faudrait qu'elle change."
Coline, elle, se préoccupe davantage du sort des animaux. Les orientations doivent-elles venir d'en haut ou est-ce aux citoyens de changer d'eux-mêmes ? "Les deux. Si le Parlement européen impose, peut-être que la mentalité des gens va changer", espère la lycéenne. "Ils vont peut-être prendre conscience de choses dont ils n'avaient pas conscience avant et ils vont enfin ouvrir les yeux sur des choses pas humaines du tout."
"La PAC pourrait vraiment améliorer la condition des animaux mais elle ne le fait pas. C'est juste que les décideurs ne se donnent pas les moyens, pour eux ce n'est pas une priorité. Si tout le monde se met ensemble, je pense qu'on pourrait vraiment changer les choses. Là, c'est juste que la PAC se concentre sur autre chose", estime Coline.
Il faut aider ceux qui respectent l'environnement mais aussi les autres. Parce que si un agriculteur n'a pas les moyens, il va moins bien traiter ses animaux. Du coup si la PAC lui apporte une aide financière, il va pouvoir les sortir plus dans le pré, avoir une nourriture de meilleure qualité.
Colineà franceinfo
Ces lycéens se sentent assez concernés par les orientations données par l'Europe dans le domaine de l'agriculture. Tous voudraient qu'elle soit plus ambitieuse, qu'elle encourage plus la transition écologique. "Dans notre lycée agricole, on fait par exemple de l'agronomie, c'est vraiment en lien. On travaille sur les pesticides, les intrants et on voit que la PAC peut vraiment influencer la manière avec laquelle on gère ces agrosystèmes."
Nicolas, lui, se sent moins impliqué. "Oui, la PAC, ça me parle, j'en ai déjà discuté avec mes camarades, mais en cours, en revanche, très peu", raconte cet élève en deuxième année de BTS production horticole. Il regrette un manque de dialogue : "Cela pourrait être bien, mais on n'a pas forcément les mêmes intérêts entre ceux qui décident et ceux qui en bénéficient. Il faudrait que les décisions ne viennent pas d'en haut, que les décideurs écoutent plus les petits producteurs."
Malgré les critiques, tous ces jeunes sont d'accord sur un point : la politique agricole doit bien se mener au niveau européen. "Je suis persuadée que les choses peuvent changer", confie Albane, en première. "Le problème, c'est qu'on n'est pas mis au courant, on ne sait pas ce qu'il y aura dans la nouvelle PAC, qui a été encore reportée, on n'en a aucune idée. Mais on en a besoin."
"Je ne vais pas voter aux élections européennes"
Certains de ces lycéens ont envie de se faire entendre, ils ont d'ailleurs été nombreux à participer aux marches pour le climat. "Le 15 mars, toute ma classe est partie à Paris pour manifester. Cela nous touche encore plus ici, parce qu'on s'en rend compte, on fait des cours sur le dérèglement climatique et les changements qui vont dévaster les écosystèmes. On était tous vraiment impliqués", raconte Maelys. "Mais on n'a pas vraiment l'impression d'être entendu. Donc peut-être que si on avait pu voter, cela aurait peut-être pu changer quelque chose."
Ses deux aînés, en BTS (en âge de voter donc), sont un peu plus désabusés. "L'Europe c'est une belle chose, j'aime beaucoup l'idée, on pourrait se tirer les uns et les autres vers le haut, mais dans les faits, ce n'est pas du tout le cas. On est sur une logique de compétition, comme pour les salaires, par exemple", estime Nicolas. Lui ne pense pas aller voter le 26 mai prochain. "Les lobbies décident de tout. Et puis je trouve le fonctionnement des députés européens pas très démocratique : on leur confie le pouvoir, mais après on ne discute pas ensemble, on n'est pas consulté." Aucun parti ne semble le séduire, tout comme Daniel : "Je ne vais pas voter aux élections européennes. Pour des questions d'habitude, je suis assez sceptique par rapport aux élections en général."
À 16 ans, Albane comprend cette abstention, même si elle, personnellement, aurait bien aimé voter aux européennes. "Parfois, c'est un peu choisir entre la peste et le choléra, on nous promet des belles choses, mais au final, à chaque fois il ne se produit rien. Donc les jeunes se disent 'à quoi ça sert de voter ?'"
C'est juste une question d'information. Une fois qu'ils sont informés, les jeunes peuvent s'y intéresser. Mais si l'information ne leur parvient pas, je pense qu'ils peuvent être désabusés.
Doudou Diengà franceinfo
Désabusée de l'Europe, la jeunesse ? Pas forcément, selon Doudou Dieng, professeur de français et de philosophie dans ce lycée agricole. Il faut juste trouver un angle d'attaque intéressant. "L'Europe, au départ, ça ne leur parle pas du tout. Mais dès qu'on les lance, qu'on trouve des pistes de réflexion, ils s'y intéressent !"
L'enseignant exerce ici depuis une quinzaine d'années, il a vu une évolution dans le rapport à l'Europe de ses élèves. "Au départ, c'était un espoir, une espérance. Mais maintenant ça devient plus une charge, qu'il va falloir supporter. Ils disent qu'ils ont besoin de l'Europe, mais ça ne doit pas être un fardeau, ça ne doit pas être un ensemble de textes de loi, ça doit être des concepts qui doivent être mis en pratique par des actions concrètes. Ce qui intéresse les jeunes, c'est le climat, la planète, leur avenir. Donc sur ces thématiques-là, il faudrait que l'Europe soit beaucoup plus présente, leur parle beaucoup plus."
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