"On voit que le raisonnement est de gagner du temps" : le retour des insecticides néonicotinoïdes, un échec de transition agricole
Depuis que les néonicotinoïdes ont été interdits en septembre 2018, aucune solution n’a été trouvée. Le gouvernement doit les autoriser sous conditions jusqu'en 2023.
C’est le retour en France de pesticides considérés comme néfastes pour les abeilles. Le premier pas a lieu jeudi 3 septembre, avec la présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi autorisant à nouveau l’utilisation des néonicotinoïdes, sous conditions, jusqu’en 2023. Le gouvernement a pris cette décision pour soutenir les producteurs de betteraves, qui souffrent des attaques de pucerons. Un retour en arrière, alors que l'interdiction de ces insecticides est entrée en vigueur le 1er septembre 2018.
L'interdiction a été décidée lors du vote de la loi biodiversité. Déjà à l’époque du vote, Jean-Paul Chanteguet parle d’un terrible combat. En 2016, il est président de la commission du développement durable à l’Assemblée Nationale. L’amendement sur les néonicotinoïdes est soumis cinq fois au vote. Il estime que depuis il n’y a pas eu de portage politique. "Il y a un manque de suivi sur le plan politique, explique Jean-Paul Chanteguet. Il faut bien reconnaître que le changement tous les ans de ministre de l’Environnement a posé un certain nombre de problèmes. Parce que le ministère de l’Agriculture a toujours été opposé à l’interdiction des néonicotinoïdes."
Une transition esquivée pour les écologistes
Le problème vient aussi du mécanisme mis sur pied par les députés pour trouver des alternatives aux pesticides. C’est l’agence de sécurité sanitaire qui est en première ligne. Il y a deux ans, elle identifie des produits chimiques alternatifs mais leur efficacité est rejetée par l’institut de la betterave. Les producteurs considèrent qu’on est dans une impasse. Ils ont esquivé la transition affirme Francois Veillerette de Générations Futures : "On voit que le raisonnement est de gagner du temps pour pouvoir toujours utiliser les mêmes produits sans réellement préparer les alternatives et les autres solutions non-chimiques. Du coup, les promesses aujourd’hui de profiter d’une dérogation pour mettre au point les alternatives, on n'y croit plus."
La piste aujourd’hui c’est une combinaison d’actions. Cette fois c’est l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) qui est en pointe. "C’est un vrai changement de conception, on passe d’une logique où on applique un insecticide qui tue absolument la totalité des pucerons et en aucun cas permet d’avoir une richesse biologique", explique Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l’Inrae.
On doit passer à une logique où on cherche à utiliser l’ensemble des recherches biologiques et des solutions basées sur les fonctionnements naturelles. C’est vraiment le défi de l’agriculture pour aujourd’hui et pour demain.
Christian Huyghe, directeur scientifique à l’Inraeà franceinfo
Au moment du vote aucun budget n’a été dégagé pour les solutions alternatives. Plus de quatre ans après, le gouvernement promet cinq millions d’euros consacrés essentiellement à la recherche.
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