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"On travaille dans un contexte de menaces" : les députés LREM inquiets après de nouvelles attaques de permanences

Les parlementaires de la majorité font face à une nouvelle vague de dégradations de leurs permanences, notamment depuis la ratification du Ceta. Une situation qui s'inscrit dans un contexte de plus en plus tendu.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La permanence parlementaire du député LREM, Romain Grau, dégradée, le 27 juillet 2019, à Perpignan (Pyrénées-Orientales). (MAXPPP)

"C'est le texte sur lequel j'ai eu le plus d'attaques personnelles, déplore au bout du fil Jean-Charles Larsonneur, député LREM du Finistère, à propos de la ratification du Ceta. C'est indéniable, poursuit le parlementaire, les attaques sont nombreuses, répétées, personnalisées et ciblées. Elles viennent essentiellement des réseaux, mais j'ai également reçu des centaines, même un millier de mails." Les exemples cités par l'élu sont éloquents : "Vous êtes responsable de la mort de nos enfants" ; "vous méritez que l'on vous pende" ; "j'espère que vous boufferez les pesticides pour que vous en creviez" ; "qu'il s'empoisonne, un de moins !"... détaille-t-il en lisant certains de ses mails.

"Pour l'instant", le député breton n'a pas été confronté à des violences physiques. Ce n'est pas le cas d'une petite dizaine de ses collègues. En Haute-Saône, dans le Jura, la Creuse, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Orientales, en Gironde, des permanences de députés LREM, ayant voté pour la ratification du Ceta, ont subi de multiples dégradations que ce soit avec du fumier déversé, des tags inscrits ou des murets construits.

"Des menaces de mort"

Si les agriculteurs sont pointés du doigt pour certaines de ces attaques, à Perpignan, ce sont les "gilets jaunes" qui sont accusés d'avoir cassé les vitres et tenté de mettre le feu à la permanence du député LREM Romain Grau. Ce dernier se trouvait à l'intérieur au moment des faits. "La situation est angoissante", commente sobrement Valéria Faure-Muntian, députée LREM de la Loire. "Je ne pourrais jamais me résoudre à cette violence à l’encontre de la démocratie et de ses valeurs", a déclaré lundi sur Facebook, Carole Bureau-Bonnard, élue de la 6e circonscription de l'Oise dont la permanence a été dégradée.

"La permanence parlementaire est souvent le lieu d'expression du mécontentement, qu'elle soit un lieu de rassemblement, que l'on puisse coller une affiche ou deux, d'accord. Mais qu'il y ait de la violence, de la casse, de la haine, on n'est plus dans le dialogue démocratique, c'est inacceptable", ajoute l'élue qui explique elle avoir reçu "des menaces de morts, des choses assez violentes" lors du débat sur le glyphosate.

"A partir du moment où on mure une permanence"

Même analyse pour Gregory Besson-Moreau, député de l'Aube. "J'ai eu à maintes reprises des dépôts de fumier, des manifs devant ma permanence, les agriculteurs viennent et bâchent la permanence pour la protéger, c'est leur moyen de faire et je le respecte. Mais à partir du moment où on mure une permanence, où l'on dégrade, où l'on arrache des portes, je suis totalement opposé." Ce dernier assure avoir anticipé ce vote "sensible" du Ceta  en recevant une semaine avant les fédérations et syndicats agricoles pour leur expliquer sa décision. Ce qui ne l'a pas empêché de continuer à recevoir des menaces sur les réseaux sociaux. 

De l'avis de tous les députés de la majorité contactés par franceinfo, le climat est de plus en plus compliqué. 

Personnellement, c'est très difficile pour moi et l'ensemble de mes collègues, on travaille dans un contexte de menaces permanentes.

Catherine Osson, députée LREM du Nord

à franceinfo

Catherine Osson raconte ainsi avoir "vécu des choses complètement lunaires" lors du rejet, en octobre 2018, d'un amendement déposé par le député LR, Eric Woerth, visant à allouer entre 18 et 20 millions d'euros pour l'année 2019 à la recherche onco-pédiatrique. "Je me suis retrouvée avec des lettres de menaces où l'on souhaitait que ma fille meure d'un cancer pédiatrique, on m'a aussi envoyé des photos d'enfants malades en me disant que ces enfants sont en train de mourir à cause de moi, rapporte Catherine Osson. Franchement, c'est difficile." 

Une "panic room" en cas d'attaque

Depuis la crise des "gilets jaunes", la sécurité des parlementaires a été renforcée, certains bénéficiant d'une protection policière. "Je suis protégée depuis le mois de novembre, j'ai une surveillance policière aléatoire de mon domicile et de ma permanence. J'avoue que c'est assez violent", confie Catherine Osson. Gregory Besson-Moreau vient lui aussi de recevoir un coup de fil des forces de l'ordre. 

La gendarmerie m'a contacté en m'expliquant qu'il y avait des risques sur les parlementaires et qu'elle allait passer régulièrement jour et nuit devant mon domicile.

Gregory Besson-Moreau, député LREM de l'Aube

à franceinfo

Les députés eux-mêmes prennent des mesures de sécurité pour se prémunir de toute attaque. "Mes attachés parlementaires ont des consignes de sécurité pour éviter que la situation s'envenime, développe Valéria Faure-Muntian. Je leur demande de ne jamais rester seuls dans la permanence et d'être bien sûrs à qui ils ouvrent la porte. Avant, on ne se posait pas la question." Catherine Osson prend également les mêmes précautions. Elle a même "créé une 'panic room'" dans sa permanence. "S'il y a un souci, mon assistante peut s'enfermer dedans très vite et appeler les secours avec un téléphone que l'on a fait installer à l'intérieur", raconte-t-elle. 

"Nous n'avons jamais fermé les portes"

Alors que faire face à ce contexte de plus en plus violent ? Les avis sont partagés, la réponse loin d'être évidente. Pour Philippe Chassaing, député LREM de Dordogne, "il manque une réaction collective de l'ensemble des députés." "C'est un peu dommage qu'il n'y ait pas d'union transpartisane sur le sujet pour dire ça suffit", explique-t-il. Catherine Osson plaide, de son côté, pour davantage de pédagogie auprès des citoyens. "Les gens se cultivent de titres Facebook, tout le monde est connecté, on n'y échappera pas, mais il faut accompagner cette évolution, accompagner le citoyen dans sa recherche d'informations." 

Valéria Faure-Muntian est plus sceptique. "Nous n'avons jamais fermé les portes de nos permanences, nous avons déjà dit plusieurs fois 'stop à la haine', que faire de plus ?", s'interroge-t-elle. 

On est un peu résignés, cette violence est inacceptable mais a-t-on les moyens d'agir ? On appelle au dialogue depuis le début.

Valéria Faure-Muntian, députée LREM de la Loire

à franceinfo

Jean-Charles Larsonneur, lui, anticipe le retour du Ceta à l'Assemblée nationale en seconde lecture et réfléchit à l'organisation d'une consultation publique dans sa circonscription sur le sujet. Il dit vouloir "tenter l'expérience de la démocratie participative" et promet de "suivre le vote" de ses concitoyens sur le sujet. Cela ne l'empêche pas de continuer à "appeler à la responsabilité de chacun" sur les menaces envers les parlementaires. Sinon, met-il en garde, "vous aurez des députés qui vont se murer dans leur tour d'ivoire car c'est extrêmement violent."

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