Les ventes de terres agricoles françaises à des sociétés étrangères inquiètent professionnels et politiques
Une loi pour endiguer la multiplication des ventes de terres agricoles à des sociétés étrangères, notamment chinoises, est examinée mercredi à l'Assemblée nationale. Reportage franceinfo dans l'Indre.
L'affaire a été conclue en toute discrétion. L'an dernier, 1 800 hectares de terres agricoles de l'Indre ont été vendues à des groupes chinois. Quand elle s'est sue, la transaction a fait grand bruit. À tel point qu'une proposition de loi arrive mercredi 11 janvier à l'Assemblée nationale afin d'éviter qu'un tel scénario se reproduise : que des terres agricoles soient achetées par des sociétés étrangères.
"Cette ferme fait presque 800 hectares. Ce sont des terres à faible potentiel, humides l'hiver et très sèches au printemps", explique Hervé Coupeau. Le président de la FDSEA de l'Indre fait visiter des terres achetées par des Chinois à Vendœuvres, à l'ouest de Châteauroux, en plein cœur du département. Il nous précise que "clef en main, ces terres se sont vendues à 15 000 euros l'hectare, alors qu'elles n'en valent que 3 000 à 4 000 euros".
Vu le pris d'achat, la rentabilité n'y sera jamais
Hervé Coupeau, président de la FDSEA de l'Indreà franceinfo
Pourquoi cet achat ? Mystère. Dans l'Indre, on pense que les Chinois avaient d'autres ambitions : acheter 16 000 hectares, ce qui aurait permis d'exporter de quoi remplir quatre navires. Mais l'écho médiatique les en a peut-être dissuadés. Aujourd'hui, la production est vendue à la coopérative locale.
L'impuissance des sociétés d'aménagement foncier
Reste qu'acheter 1 600 hectares, cela ne passe pas inaperçu. Censées examiner toutes les transactions agricoles, les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) n'ont rien vu venir. "Des conseillers se sont rendu compte que si on les mettait dans des sociétés, on passait sous le contrôle des Safer. Donc depuis quelques années les terres sont détenues par des sociétés d'exploitation agricole", explique le président des Safer, Emmanuel Hyest.
Avec ce système, on ne vend pas directement des terres, mais des parts de société
Emmanuel Hyest, président des Saferà franceinfo
Pour corriger cette anomalie, la loi présentée à l'Assemblée nationale élargit la compétence des Safer. "Avant, elles ne pouvaient pas intervenir sur les sociétés. Il y avait deux poids deux mesures. D'un côté, des groupements coopératifs transparents avec des propriétaires exploitants individuels qui étaient contrôlés. Et de l'autre, un autre type de sociétés, sortes de 'boîtes noires'", raconte Dominique Potier, député socialiste de Meurthe-et-Moselle à l'origine du texte.
On a mis tous les acteurs sur un pied d'égalité
Dominique Potier, députéà franceinfo
L'idée est bien de tenter de freiner la spéculation sur le foncier, qui empêche les agriculteurs de s'installer. "Chaque fois que des investisseurs étrangers veulent du terrain, ils mettent le prix fort, déplore Laurent Pinatel, le porte-parole de la Confédération paysanne. Cela fait monter le prix de tout le foncier et du locatif, ce qui est néfaste pour une vocation d'agriculture, inévitablement." La tendance n'est pourtant pas près de s'inverser : avec la hausse annoncée de la population, les terres arables sont de plus en plus recherchées dans le monde entier.
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