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"La question du personnel va se poser dès 2021" : la filière de la betterave suspendue au projet de loi sur la réautorisation des néonicotinoïdes

Les députés examinent à partir du lundi 5 octobre le texte qui permettra aux producteurs d'utiliser de nouveau des néonicotinoïdes, seuls produits capables de protéger les betteraves de la jaunisse.

Article rédigé par Guillaume Gaven
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Jean-Christophe Pierre, le directeur du service betteravier de la sucrerie Lesaffre à Nangis (Seine-et-Marne) le 1er octobre 2020 (GUILLAUME  GAVEN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Faut-il réautoriser les très décriés néonicotinoïdes pour sauver la filière sucrière française ? Alors qu’ils étaient interdits depuis le 1er septembre 2018, les députés examinent à partir de lundi 5 octobre un projet de loi qui réautorise, par dérogation et pour trois ans, ces insecticides réputés tueurs d’abeilles. Ils sont les seuls insecticides capables de protéger la betterave d’une maladie, la jaunisse, transmise par un puceron. 

Faute de traitement, la récolte cette année s’annonce catastrophique et c’est toute la filière qui s’inquiète. C'est le cas à la sucrerie Lesaffre à Nangis, en Seine-et-Marne. La vaste cour de l'entreprise semble bien vide, avec un seul camion : "Aujourd'hui je vais réceptionner à peu près 180 camions alors que d'habitude j'en réceptionne 350", explique Jean-Christophe Pierre, directeur du service betteravier.

Notre usine travaille à 50% de sa capacité.

Jean-Christophe Pierre, du service betteravier de l'usine Lesaffre

à franceinfo

La production de betteraves est donc en nette baisse, et les légumes qui arrivent sont plus petits et moins sucrés. La récolte 2020 s’annonce très réduite. En temps normal, cette usine peut traiter un million de tonnes, cette année ce sera beaucoup moins. "On va être entre 300 000 et 350 000 tonnes de betteraves, ajoute Jean-Christophe Pierre. Il y a un impact économique direct avec près de deux tiers du chiffre d'affaires en moins, pour nous et pour les agriculteurs. Il y aura aussi un impact à moyen terme à partir de 2021 : les agriculteurs se demandent s'ils seront en capacité de semer des hectares ou pas."

Dans ces conditions, Jean-Christophe Pierre n'est pas certains que la sucrerie familiale, fondée en 1873, résiste bien longtemps : "Il faut savoir qu'une sucrerie en temps normal c'est 100 jours de production et 250 jours d'entretien. Aujourd'hui, on va avoir un nombre de jours de production plus faible et va se poser la question du personnel dès 2021". Selon lui, si les agriculteurs ne sèment pas assez d'hectares l'an prochain, l'usine pourrait rester fermer : "Une sucrerie qui ne tourne pas pendant un an, ne tournera plus du tout."

De moins en moins de sucreries en France

Cette sucrerie Lesaffre aujourd’hui, c’est tout un système : 100 salariés à l'année, 50 saisonniers, et des contrats avec les entreprises de transports alentour pour ramasser la production betteravière de 350 agriculteurs. Toute la filière pourrait s’effondrer. Derrière son écran de contrôle, Laurent Dezusinge, l'un des salariés, n'est pas très optimiste : "Depuis deux ans, je crois qu'il n'y a pas de sucrerie qui gagne de l'argent en France. Je suis là depuis 1992, il y avait 60 sucreries en France, il n'en reste que 21. Donc pour l'avenir, il y a certaines incertitudes pour tout le personnel et pour tout le monde." La filière de la betterave représente en France 90 000 emplois, directs et indirects.

L'industrie sucrière en crise : écoutez le reportage de Guillaume Gaven

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