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Glyphosate : "Introduire la notion de dérogation n'est pas bon dans la prise de conscience de la dangerosité du produit"

Le porte-parole de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, dénonce sur franceinfo que l'interdiction du pesticide ne soit pas inscrite dans une loi.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, en juillet 2017. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Les acteurs de la filière agricole sont réunis, vendredi 22 juin, par les ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique. Ils doivent définir les modalités de l'interdiction du glyphosate. La France s'est engagée à ne plus utiliser le pesticide d'ici trois ans. Mais Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture, a évoqué des exceptions. "Du moment où l'on accepte qu'il y ait une dérogation, on sait très bien que ça ne va pas marcher", avertit Laurent Pinatel, porte-parole du syndicat Confédération paysanne, sur franceinfo.

franceinfo : Le gouvernement a décidé de ne pas inscrire cette interdiction du glyphosate dans la loi, il compte sur la bonne volonté des différents acteurs. Est-ce que cela peut fonctionner, selon vous ?

Laurent Pinatel :  Lors du Salon de l'agriculture, en février dernier, Emmanuel Macron a annoncé qu'on sortirait du glyphosate. On fait une loi sur l'agriculture, la transition agricole, l'évolution des pratiques agricoles, et on refuse de l'inscrire dans la loi. Donc, déjà, nous ne comprenons pas tout. Nous, il nous semble qu'il est possible de sortir du glyphosate d'ici trois ans, avec, comme ligne de fond, pourquoi on sort, et pour qui. Pourquoi on sort ? C'est avant tout pour protéger les populations : les populations paysannes, qui sont les premières à s'intoxiquer avec les pesticides, et subissent les maladies telles qu'Alzheimer, Parkinson, les cancers. Et puis, de façon plus globale, quelle Terre on veut laisser à nos enfants. C'est une formule un peu bateau, mais quelle agriculture on veut demain, au service de qui, de quelle société, et comment on arrive à essayer de combler le gouffre de plus en plus profond entre les paysans et paysannes et le reste de la société.


Emmanuel Macron a estimé, jeudi, qu'il existe des alternatives au glyphosate dans 80 à 90% des cas. Quelles sont-elles ?

Il a lu le rapport de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Les pratiques sont la rotation de culture, éviter la monoculture - année après année toujours la même culture - avoir un mix entre de l'herbe, de la culture, avoir de la polyculture et de l'élevage, c'est-à-dire arrêter cette ultra spécialisation des fermes et des régions, qui font que l'on est à contre-courant de l'agronomie. L'agronomie, c'est la vie du sol. Être paysan, c'est vivre au mieux notre territoire avec des animaux et des êtres vivants qui sont aussi des végétaux, et remettre tout ça en dynamique. Donc, les alternatives existent.

Cela veut dire qu'il faut aussi accompagner les agriculteurs qui renoncent au glyphosate, ils risquent des baisses de rendement…

Dans certaines régions, effectivement. Il y a aussi les gens qui pratiquent ce qu'on appelle une agriculture de conservation, c'est-à-dire qui prennent soin de leur sol en ne labourant pas, en limitant le travail du sol, et qui ont trouvé avec le glyphosate une vraie alternative au non-labour. Donc, ces gens-là, il va falloir travailler avec eux, pour voir comment on peut respecter leur pratique agricole en se passant de la chimie. Et de façon beaucoup plus large, de quoi le glyphosate est-il le nom ? C'est le nom d'une agriculture qui a perdu pied, qui, peu à peu, a remplacé l'agronomie par la chimie.

Si on sort du glyphosate, c'est juste la première étape vers une agriculture qui part vers plus de respect des paysans et des consommateurs

Laurent Pinatel

franceinfo

Le ministre de l'Agriculture a déjà évoqué des exemptions possibles, notamment pour l'agriculture en terrasse, certains vignobles, les fruits et légumes pour l'industrie… Une interdiction totale est impossible ?

Si l'on accepte de temps en temps que l'on puisse griller les feux rouges, je ne suis pas persuadé que les gens s'arrêtent au feu rouge bien longtemps. Introduire la notion de dérogation n'est pas bon dans la prise de conscience de la dangerosité du produit. Sur la vigne, il y a des viticulteurs qui travaillent sans glyphosate, pourquoi n'allons-nous pas voir comment ils font, vulgariser les techniques ? Si, dès le départ, on a comme ambition de donner une dérogation, on arrête de réunir tout le monde et on continue comme on est.

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