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Au Salon de l'agriculture, la défiance envers les politiques n'épargne pas Marine Le Pen

La plupart des éleveurs qui ont rencontré la présidente du Front national se disent méfiants quant à sa capacité à les sortir de la crise.

Article rédigé par Vincent Matalon - Au Salon de l'agriculture,
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La présidente du FN, Marine Le Pen, le 1er mars 2016 au Salon de l'agriculture, porte de Versailles à Paris. (SERGE TENANI / CITIZENSIDE.COM / AFP)

"Marine présidente !", "Ça change de Flanby et compagnie !"... Dans les allées du parc des expositions de la porte de Versailles (Paris), mardi 1er mars, un petit groupe de sympathisants frontistes venu de l'Aube tente bien de donner de la voix pour animer un peu la venue de Marine Le Pen au Salon de l'agriculture : rien n'y fait. A l'exception de l'imposante cohue de journalistes et de curieux qui tentent régulièrement de prendre des photos, la déambulation de la présidente du Front national et de sa garde rapprochée ne suscite ni cris d'orfraie ni encouragements. 

Marine Le Pen aurait pourtant pu s'attendre à un accueil plus chaleureux. Selon un sondage BVA réalisé pour le site spécialisé Terre-Net en avril 2015, 36% des agriculteurs seraient prêt à voter pour elle à la prochaine échéance présidentielle, contre 24% pour l’ensemble des Français.

"On est habitués à la PAC, c'est difficile d'imaginer la quitter"

"Comme les autres, Marine Le Pen connaît bien nos problèmes. On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir appris sa leçon, sourit Claude Cadoux, après le passage de la candidate à la présidentielle sur son stand. Lorsqu'elle nous parle de concurrence déloyale de la part de pays où les charges qui pèsent sur les agriculteurs sont plus faibles, ou encore du manque de soutien que l'on ressent de la part de la restauration collective, on ne peut qu'être d'accord." 

Mais la proposition de Marine Le Pen de quitter la politique agricole commune (PAC) pour créer une politique nationale ciblée ne convainc pas cet éleveur de charolais de l'Yonne, qui dit ne "plus croire aux partis politiques". "Cela m'inquiète. On est habitué à vivre avec ce système, on ne peut pas le quitter comme ça", grimace-t-il en caressant le flanc de l'imposant bœuf voisin, baptisé justement... "Européen".

"De toute manière, ils disent tous la même chose"

Yoann Yvon a également eu droit à une visite de Marine Le Pen. Pendant une dizaine de minutes, cet éleveur de porcs venu de Vendée a pu écouter la présidente du Front national accuser le gouvernement de "tout mettre en œuvre pour faire détruire l'élevage français".

Après son passage, l'éleveur paraît partagé. "Elle a pris le temps de venir, on s'est sentis écouté", reconnaît le jeune agriculteur. "Elle nous a parlé de l'importance de promouvoir l'origine de nos viandes avec un étiquetage plus efficace, de mettre fin à l'embargo russe qui pénalise nos exportations", énumère-t-il. Mais le diagnostic ne l'a pour autant pas convaincu :

De toute manière, ils disent tous la même chose. L'important, ça n'est pas les paroles, ce sont les actes : le jour où on trouvera quelqu'un capable d'agir, croyez-moi, on le gardera !

Yoann Yvon, éleveur de porcs

à francetv info

Son voisin Jean-Marc Courant, lui aussi dans la filière porcine, assure tout de même que de plus en plus de ses confrères lui confessent être tentés par le vote FN. "Quand un secteur est en crise, on a toujours la tentation d'aller voir ailleurs, explique-t-il. Mais croire que nous pourrons régler les problèmes de l'agriculture en nous repliant sur nous-même est une erreur : le marché du porc a besoin d'exporter pour survivre."

"Pas la première à promettre d'être de notre côté"

Reste qu'à défaut de provoquer un enthousiasme débordant dans les allées du parc des expositions, Marine Le Pen peut se vanter d'y avoir passé une journée tranquille, loin des cris et des huées entendues lors des venues de François Hollande et Manuel Valls. Une situation que les éleveurs expliquent par une normalisation de l'image de son parti.

"Maintenant, elle fait partie du paysage politique classique. Avec son père, c'était différent, plus tendu", se souvient Richard Tholance, producteur laitier venu de Haute-Savoie. Son voisin acquiesce : "Elle n'a jamais été au pouvoir, donc pour l'instant, on a rien à lui reprocher. Il y a avait beaucoup plus de tension lors de la venue du président, mais c'est naturel, car il doit rendre des comptes". Et de conclure, l'air désabusé : "Marine nous écoute, nous promet qu'elle est de notre côté, mais ce n'est pas la première. A la fin, on ne sait plus qui croire..."

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