Approvisionnement local des cantines : "Certains élus s'autocensurent"
Pour répondre à la colère des éleveurs, le gouvernement va "généraliser dans les restaurations collectives d'Etat l'approvisionnement local". Bonne idée ? Francetv info a interrogé la députée écologiste Brigitte Allain, auteure d'un rapport sur le sujet.
Bientôt des cantines "made in France" ? Pour répondre à la colère des éleveurs, Manuel Valls a annoncé, jeudi 23 juillet, que le gouvernement avait "décidé de généraliser dans les restaurations collectives d'Etat l'approvisionnement local".
"Et si on mangeait local...", préconisait justement la députée Brigitte Allain dans un rapport (en PDF) rendu public ce mois-ci. Pour francetv info, l'élue écologiste de Dordogne, elle-même "paysanne sur une exploitation familiale", réagit à l'annonce du Premier ministre.
Francetv info : "L'approvisionnement local" des restaurations collectives est-elle une solution à la crise des éleveurs ?
Brigitte Allain : Complètement. C'est une des solutions pour planifier la production au niveau local et pour redonner une dynamique de territoire. Cela peut créer de l'emploi et offrir un revenu durable aux éleveurs et aux agriculteurs.
Aujourd'hui, le phénomène est-il encore marginal ?
Pour l'instant, 70% des viandes consommées en restauration collective sont importées. Il y a des pionniers, des collectivités qui se sont saisies de cette question parce qu'elles ont compris que cela allait créer du lien entre les producteurs et les consommateurs. Lors de ma mission, par exemple, nous sommes allés dans la région de Nantes (Loire-Atlantique), où nous avons visité le lycée agricole de Saint-Herblain. L'établissement a dans sa formation des spécialités horticoles et fournit depuis plusieurs années les lycées de la ville de Nantes.
Et il y a beaucoup d'initiatives locales dont on entend peu parler. Beaucoup de maires ruraux qui font le choix d'approvisionner les cantines soit directement avec des producteurs locaux, soit en s'appuyant sur des petits commerçants du coin. Dans ces petites collectivités locales, on n'a pas les mêmes règles du point de vue des appels d'offres, ce qui permet beaucoup plus de souplesse.
N'est-ce pas plus compliqué pour les grandes villes ?
Pour les agglomérations plus importantes, cela suppose davantage d'organisation. Je propose de mettre en place des plates-formes autour des producteurs, de mettre en place des abattoirs de proximité.
Il faut aussi respecter les règles d'attribution des marchés publics. A Bordeaux, par exemple, on ne peut pas demander à ce que les produits viennent spécifiquement de la région Aquitaine, mais on peut évoquer un rayon de 100-150 kilomètres, à partir du moment où plusieurs fournisseurs se trouvent sur ce territoire. Le marché de la concurrence peut jouer dans ce cas-là. Et on peut aussi évoquer des critères environnementaux.
Il y a souvent une forme d'autocensure des élus locaux. Ils ont tellement peur de se retrouver avec un procès pour ne pas avoir respecté les règles de la concurrence qu'ils n'y vont pas. Il faut faire de la pédagogie.
Mais se fournir localement a un coût, non ?
Le prix de départ est peut-être plus élevé mais, quand on regarde le coût final, la plupart des personnes auditionnées disent qu'il n'est pas beaucoup plus important, parce qu'on se rend compte que l'on gaspille beaucoup moins. On va revoir les portions, on va travailler des recettes où les protéines ne viennent pas que de la viande par exemple...
Cela nécessite un travail collectif sur la façon dont on mange, comment élaborer des menus avec des produits de saison, moins chers. Depuis vingt ans, ce sont essentiellement des diététiciens qui faisaient les menus et qui ont oublié cette notion de saisonnalité. Certes, il faut de la diversité, mais on peut s'en sortir sans manger des tomates en hiver.
Dans votre rapport, vous évoquez aussi le problème des monocultures dans certaines régions.
Oui, c'est pour cela qu'il faut y aller de manière progressive. Par exemple, dans le Nord-Pas-de-Calais, où dominaient les céréales, la pomme de terre et la betterave. C'est assez récent dans l'histoire, alors qu'on est tout à fait capable de produire dans la région des fruits et légumes de saison variés.
Ceux qui ont mis en œuvre des projets d'approvisionnement local disent qu'il faut du temps. Lors de la conférence environnementale [en novembre 2014], le président de la République avait fixé pour 2017 un objectif d'approvisionnement à hauteur de 40% de la restauration collective par des produits de proximité. Je propose un seuil minimal de 20% de produits issus de l'agriculture durable dès 2016, pour atteindre 40%, dont 20% de bio, en 2020.
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