Agriculture : "Toutes les cultures sont concernées" par la prolifération des insectes à cause de la chaleur
Une étude américaine a montré que plus il fait chaud et plus les insectes sont nombreux et voraces. Pour contrer le phénomène, les chercheurs de l'INRA travaillent notamment au bio-contrôle et à une autre façon d'organiser la répartition des plantes.
"Je dirais que toutes les cultures (maïs, blé, production de fruits etc) sont concernées [par la prolifération d'insectes] et surtout les grandes", a déclaré vendredi 31 août Christian Lannou, chef du département santé des plantes et environnement à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Invité sur franceinfo, il réagissait à la publication d'une étude américaine qui montre que plus il fait chaud et plus les insectes sont nombreux et dotés d'un appétit grandissant.
L'été 2018 s'est classé au deuxième rang des étés les plus chauds en France, a indiqué mardi Météo France dans le bilan provisoire et, actuellement, 56 départements sont concernés par la sécheresse.
"On est déjà confrontés quotidiennement à des insectes et à des parasites. On a déjà des proliférations sur les cultures donc là on sera face à quelque chose qui nous compliquerait un peu plus la vie, ce serait une forme d'aggravation", a indiqué Christian Lannou avant d'ajouter : "En amont, dans la recherche, on est en train de repenser le modèle agricole."
franceinfo : Des chercheurs s'inquiètent de l'effet du changement climatique sur les cultures, car les insectes nuisibles pourraient faire davantage de dégâts qu'aujourd'hui. Vous confirmez cela ?
Christian Lannou : Contrairement à nous, les insectes n'ont pas de régulation thermique donc quand il fait froid, ils vont avoir tendance à s'endormir et s'il fait plus chaud les métabolismes s'accélèrent et ils vont pouvoir manger davantage et se reproduire plus rapidement. Puisqu'ils mangent davantage, ils risquent de nuire plus aux cultures lorsqu'ils se mettent à proliférer. Des proliférations d'insectes ou de micro-organismes sont susceptibles de se produire dès qu'on met ensemble des plantes génétiquement identiques au même endroit et ça c'est une des caractéristiques de l'agriculture. Donc même si l'on cherche à diversifier le plus possible les productions végétales, ce n'est pas encore vraiment le cas en situation de production. Donc je dirais qu'environ toutes les cultures - de maïs, de blé, de production de fruits etc - sont concernées et surtout les grandes.
Cette étude explique que la France, l'Europe, les États-Unis - qui sont des grands producteurs de céréales - pourraient être davantage touchés que les pays des régions tropicales où il fait déjà chaud et qui sont donc moins susceptibles au changement ?
S'il fait trop chaud, les insectes ne sont pas forcément plus heureux non plus. Ils ont une forme d'optimum au niveau des températures, ils l'ont déjà dans les pays chauds actuels mais ils ont une marge de progression chez nous. Ce qui explique les résultats de l'étude. Toutes les estimations quantitatives de perte de récoltes sont toujours très difficiles, ce sont toujours des estimations à la louche. Dans l'article, ils ont fait quelque chose d'assez simple qui me paraît tout à fait intéressant et justifié, qui donne une idée de ce qui pourrait se produire mais il ne faut pas prendre les chiffres dans l'absolu. Sur les impacts, ça dépend aussi des moyens de lutte qu'on va mettre en place.
Quels sont ces moyens de lutte ?
On est déjà confrontés quotidiennement à des insectes et à des parasites. On a déjà des proliférations sur les cultures donc là on sera face à quelque chose qui nous compliquerait un peu plus la vie, parce que ce serait une forme d'aggravation mais ce n'est pas non plus une nouveauté. Actuellement, on utilise beaucoup de pesticides de synthèse mais on cherche à en utiliser de moins en moins, donc on travaille beaucoup sur le bio-contrôle mais aussi sur la résistance génétique des plantes. On est en train de repenser le modèle agricole, ça se voit plus ou moins dans la pratique mais en amont, dans la recherche, on est en train de le repenser. On travaille beaucoup sur l'organisation des paysages agricoles pour les rendre moins sensibles aux proliférations d'insectes et de maladies, donc la façon d'organiser la répartition des plantes, des variétés à l'échelle d'un paysage.
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