J'ai tenté de trouver du travail dans un speed dating de l'emploi
Le forum Paris pour l'emploi a proposé près de 10 000 annonces d'embauches, jeudi 2 et vendredi 3 octobre, à Paris. Le salon s'apprête à connaître un nouveau record de fréquentation, alors que le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé.
Il fait 30 °C et une trentaine de personnes patientent devant le stand de la RATP, l'un des plus prisés du salon Paris pour l'emploi, jeudi 2 octobre, place de la Concorde, à Paris. Les candidats se répartissent sur deux files, dont l'une dédiée aux "sans diplôme et niveau bac". Il faut faire vite. Attaché commercial, ingénieur, technicien de maintenance... Chacun dispose d'environ trois minutes pour présenter son parcours. Pour l'occasion, je m'invente un profil de jeune diplômé en communication. Une chemise sur le dos et une pile de CV dans la main, je patiente, le front trempé de sueur. Deux connaissances s'apostrophent : "Il y a toute la France ici, ton CV, il va être noyé dans une marée !"
Après 50 minutes, un espoir, enfin. "Vous serez la dernière personne, ensuite nous allons déjeuner." Mon cœur bat un peu plus fort, je me lance. "– Bonjour madame, je suis fraîchement diplômé en information-communication et je cherche un emploi dans la communication inter... – Notre communication est externalisée et en interne, il y a déjà beaucoup de candidats", coupe la recruteuse. Au final, elle ne garde pas le CV, car elle ne "pourra pas l'exploiter." En moins de deux minutes, retour à la case départ.
Une impressionnante usine à CV
Au total, plus de 2000 chargés de recrutement se relaient dans les allées. Partout, des imprimantes sont à disposition pour imprimer de nouveaux CV, dont des piles entières s'amoncellent sur les tables des exposants."J'ai l'impression que beaucoup d'entreprises sont juste là pour collecter des candidatures et constituer un vivier", rumine Georges, 56 ans, à la recherche d'un poste de directeur financier depuis un an et demi. "Ça fait un peu abattage, mais de toute façon, on est traités de la même manière avec un CV en ligne."
Les grandes entreprises publiques, comme EDF ou la SNCF, proposent des postes dans des métiers très diversifiés. Leurs stands sont pris d'assaut par des dizaines de candidats. "Mais les recruteurs commencent par nous demander si on connaît leur groupe. En clair, ça donne l'impression qu'ils ne savent même pas ce qu'ils proposent", regrette Cyril, aspirant commercial de 31 ans. Il a laissé "trois ou quatre CV". Déçu, il jure qu'on ne l'y reprendra plus. Moi, après plus d'une heure, je n'ai toujours pas déposé le moindre curriculum vitae.
Parfois, pourtant, les entretiens sont plus directs. Certaines PME viennent aussi chercher de la main-d'œuvre. Ainsi, Camelle Gounani, de la société Seguard, qui propose plusieurs emplois. C'est son premier "speed-jobing", mais il semble déjà enchanté par la formule. "J'apprécie de rencontrer les candidats en face à face. On voit ceux qui présentent mal, ceux qui sont commerciaux dans l'âme. Il y a deux-trois profils qui m'ont tapé dans l'œil." Au total, il compte recevoir une centaine de candidatures en deux jours. "Sur ce salon, je pourrais me permettre de rentrer 30 CV et d'en prendre la moitié."
Certains secteurs sont bien plus porteurs que d'autres
Un peu plus tard, je retente ma chance auprès d'une société de services à la personne. Devant moi, une jeune femme se présente, avec un joli curriculum de spécialiste en droit social. Banco. "On a vraiment un poste à pourvoir et on a vraiment du travail. Je vous recontacte la semaine prochaine." Au tour de la suivante. A nouveau, banco. "Oui, oui, oui, ouiiii... Alors des coordinateurs, j'en recherche plusieurs. Vous avez un profil intéressant !" A priori, cette candidate a de bonnes chances de décrocher l'un des 10 000 emplois proposés sur le salon.
Après un quart d'heure d'attente, voici venu mon tour. "Bonjour, je vois que vous recherchez un assistant marketing et relations presse. Voici mon curriculum. Acceptez-vous les premières expériences ? – Attention, pour ce poste, nous proposons simplement un stage, au côté du responsable. – Ah, d'accord..." Je laisse tout de même mon CV. Encore deux minutes pour rien. Les candidats en ressources humaines connaissent le même sort que moi, sur le stand d'un groupe immobilier. "Nous avons beaucoup trop de candidatures dans ce domaine", soupire l'un des recruteurs.
Un candidat s'évente avec une édition du Parisien économie consacré aux secteurs qui embauchent. "Les gens qui viennent ici sont plein d'espoir", commente Daniel Bertrand, délégué départemental CFDT. Au fil des ans, depuis son stand, il observe de plus en plus de chômeurs rompus à la recherche d'un emploi. "Mais ce n'est pas forcément un lieu pour les personnes les plus précaires", ajoute-t-il, car "elles vont être un peu en décalage" avec les offres. Métiers de bouche, banque, commerce, bâtiment, santé... Certes, tous les secteurs sont représentés, avec une grande variété de postes, du moins qualifié au plus exigeant. Mais selon lui, le salon s'adresse à des personnes autonomes et déjà rompues à la recherche d'un emploi.
Difficile, donc, de partir de zéro, à l'image de Guillaume, 49 ans. Alors qu'il recherche un poste dans la sécurité, une entreprise lui a proposé de travailler la nuit comme homme de ménage. Il espère avoir davantage de réussite avec un autre recruteur, même s'il n'a "pas encore d'autre rendez-vous fixé".
Un impératif : préparer sa visite
Chercher un emploi est un sport de combat. Et mieux vaut être bien armé. "Je suis un peu paumé", avoue un candidat peu inspiré, le plan du salon dans les mains. "Je suis en jogging, je ne savais même pas qu'il fallait un CV", explique un autre, qui recherche un contrat en alternance de commercial. Pour éviter de se noyer dans les allées moites et bondées du salon, mieux vaut préparer sa visite et cibler des entreprises. C'est la technique adoptée par Carlos, jeune diplôme brésilien en ingénierie aéronautique. "J'apprécie d'avoir des recruteurs face à moi, comme ceux d'EADS. Ici, je sais déjà qui je vais aller voir, je n'ai emporté que huit CV", sourit-il, dans son costume impeccable.
Et n'oubliez jamais : patience. Aucun candidat ne repart du salon avec un contrat signé dans la main. Mais de plus en plus de salons permettent ainsi une prise de contact efficace entre un employeur et un candidat. Un forum est même prévu au Stade de France (Seine-Saint-Denis) le 7 octobre. Les organisateurs assurent obtenir de bons résultats. Ainsi, le salon Paris pour l'emploi aurait permis 55 000 embauches en onze ans, selon l'organisateur, Carrefours pour l'emploi, un établissement d'utilité publique.
Pour ma part, je repars avec un dépliant dans la poche. Il propose une formation d'assistant clientèle machines à sous, un "métier hors du commun qui recrute". Bien loin du jackpot espéré.
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