Très léger recul du chômage : "C'est tout de même une bonne nouvelle"
Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques de Sciences Po (OFCE), a réagi sur franceinfo au recul de 0,1% du nombre de chômeurs au deuxième trimestre 2018.
Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) le chômage est en très léger recul au deuxième trimestre, avec une baisse de 0,1% dans toute la France, et de 2% si l'on ne prend en compte que la France métropolitaine.
"C'est une baisse qui n'est certes pas très forte, mais qui est bonne dans le sens où les personnes ont repris un emploi", a réagi mardi 14 août sur franceinfo Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques de Sciences Po (OFCE).
Cependant il prévient, "si le gouvernement veut toujours arriver à 7% de chômage, il va falloir sans doute qu'il accompagne ses réformes de politiques qui soient un peu plus favorables soit à l'activité, soit aux créations d'emplois."
franceinfo : Doit-on hésiter à parler de recul du chômage dans la mesure où ce recul de 0,1% est dans la marge d'erreur de 0,3% ?
Éric Heyer : Il faut effectivement être très prudent avec cette baisse, car elle est légèrement significative, c'est-à-dire qu'on est vraiment dans l'épaisseur du trait. Ce qui est tout de même favorable dans les chiffres qui nous ont été fournis, c'est qu'on a une légère baisse qui est une bonne baisse. D'une part, on voit qu'il y a eu des créations d'emplois parce que le taux d'emplois augmente. C'est bien des chômeurs qui auraient quitté le chômage, non pas parce qu'ils auraient été découragés, mais parce qu'ils ont repris un emploi, donc il y a bien un bon transfert.
On voit ce que l'Insee appelle le "halo du chômage" : ce sont des personnes qui étaient découragées, et qui étaient sorties des chiffres du chômage, qui reviennent s'inscrire. On voit que le halo du chômage a baissé au cours du deuxième trimestre, donc c'est une baisse qui est bonne dans le sens où les personnes ont repris un emploi, et si elle n'est pas très forte, c'est parce qu'il y a des personnes qui étaient sorties de la population active et qui revienne petit à petit. C'est tout de même une bonne nouvelle.
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a commenté ces chiffres en disant que ce n'était pas encore suffisant, et elle estime que les réformes mises en place par Emmanuel Macron ne portent pas encore leurs fruits. Est-ce vrai ?
La ministre du Travail a pour objectif d'arriver à 7% d'ici la fin du quinquennat. Il est certain qu'avec des rythmes de baisse aussi faibles, ce sera très difficile d'y arriver. Effectivement, les réformes qui sont mises en place aujourd'hui ne mentent pas, et on peut même considérer que dans une situation où l'économie ralentit - on est quand même passés sur des rythmes de 0,7% de croissance par trimestre de l'activité à 0,2% - il y a un peu moins de création d'emploi, et des réformes de flexibilisation du marché du travail ont plutôt une incidence très forte lorsque l'activité repart. Aujourd'hui, on n'est pas dans une situation où ces réformes-là vont avoir une incidence très forte sur l'emploi.
Le gouvernement va-t-il devoir revoir sa feuille de route ?
Effectivement, aujourd'hui, on n'est pas dans un contexte extrêmement favorable pour une mise en place d'une grande réforme. On sait très bien qu'une réforme de flexibilisation du marché du travail a une incidence forte lorsque l'activité repart et au contraire lorsque l'activité décélère puisque ces réformes sont là pour permettre aux entreprises d'ajuster rapidement l'emploi à l'activité, et lorsque l'activité ralentit, l'emploi va d'autant plus ralentir avec ces réformes-là.
Si le gouvernement veut toujours arriver à 7% de chômage, il va falloir sans doute qu'il accompagne ses réformes de politiques qui soient un peu plus favorables soit à l'activité, soit aux créations d'emplois. Rappelons que si l'on créé un peu moins d'emplois aujourd'hui, il y a certes l'activité qui ralentit, mais aussi un certain nombre de dispositifs qui ont disparus comme la prime pour l'embauche qui permettait d'enrichir la croissance de l'emploi, les dispositifs comme le pacte de responsabilité continuent à exister mais les effets sont maintenant moindres par rapport à il y a un an, et il n'y a plus le traitement social du chômage, les emplois aidés sont en baisse.
Peut-être que le gouvernement devrait penser à remettre certains de ces dispositifs en activité pour permettre au chômage de continuer à baisser un peu plus fortement. On sait qu'aujourd'hui, il baisse, mais on reste à des niveaux élevés, aux alentours de 9%, et donc très éloigné des 7%.
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