La réforme de l'assurance chômage provoque "une crainte augmentée de basculer dans une certaine forme de précarité", déplore la CFE-CGC
La Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres dénonce une réforme "populiste" et "dégueulasse", notamment sur la mesure de dégressivité des indemnisations des cadres alors qu'ils financent, selon lui, "40 % des ressources de l'assurance chômage".
La réforme de l'assurance chômage provoque "une crainte augmentée de basculer dans une certaine forme de précarité", pour le président de la CFE-CGC François Hommeril mercredi 1er décembre sur franceinfo, alors que le durcissement des règles entre en vigueur : il faut maintenant avoir travailler six mois pendant les deux années précédentes pour toucher le chômage et non plus seulement quatre mois. Par ailleurs François Hommeril trouve "populiste" et "dégueulasse" la dégressivité des indemnisations des cadres.
franceinfo : Quelle conséquence va avoir ce durcissement des règles de l'assurance chômage pour les chômeurs ?
François Hommeril : Ce sera une crainte augmentée de basculer dans une certaine forme de précarité. Il y a un esprit dans cette réforme – d'ailleurs la ministre du Travail parle elle-même "d'esprit de la réforme" – qui est de dire que, sur les plus de six millions d'inscrits qui sont aujourd'hui sans emploi, dont trois millions sont plus ou moins bien indemnisés, personne ne recherche activement de l'emploi. C'est "l'esprit de la réforme", le ministère considère que les gens sont trop bien indemnisés, que ce soit une indemnisation très précaire ou que ce soit une indemnisation en proportion du revenu qu'on avait avant le chômage.
Le gouvernement dit souhaiter que le travail paie davantage que le chômage. N'est-ce pas compréhensible ?
Le travail paie déjà plus que le chômage. Tout le monde souhaite du travail. Il y a des études très sérieuses qui démontrent qu'en France, comme d'ailleurs dans la moyenne des pays européens, l'aléa moral est très faible. Plus de 90 % des gens qui sont au chômage, plus ou moins bien indemnisés, recherchent activement du travail. Et donc s'agissant de la question de la permittence, c'est le premier sujet, c'est-à-dire la capacité qu'il y a dans certains cas pour des gens qui travaillent de manière très irrégulière de se retrouver avec une indemnisation qui n'est pas mirifique quand même mais qui serait supérieure à ce qu'ils touchent quand ils sont au travail. La vérité, c'est qu'ils n'en sont pas responsables. Ce sont les secteurs économiques qui profitent du système, notamment l'hôtellerie-restauration, où on embauche les gens sur des contrats très courts pour répondre à des besoins extraordinairement précis de flexibilité et ce secteur économique fait payer à l'ensemble de la collectivité le bénéfice qu'il tire de la permittence. Où est la problématique d'aléa moral, c'est-à-dire de volonté ou non pour les personnes concernées d'avoir des emplois plus durables, plus stables ? Je n'arrive toujours pas à comprendre cette attitude qui consiste à dire 'on va taper sur la tête des chômeurs et grâce à ça on va créer des emplois'. Ça n'a absolument aucun sens. On s'attaque aux chômeurs alors que la question est celle du transfert du dynamisme économique vers les créations d'emploi. C'est une forme aussi de partage de la valeur.
La réforme crée dégressivité des allocations pour les cadres au chômage dès le septième mois d'indemnisation. Qu'en pensez-vous ?
C'est méconnaître la réalité de la situation d'une personne qui se retrouve privée d'emploi à 50 ans et qui est confrontée à la difficulté de retrouver un emploi du même niveau. La dégressivité a déjà existé. On l'avait abandonnée parce que des analyses ont prouvé que la dégressivité des allocations était négative. Elle poussait les gens à accepter des emplois qui n'étaient pas de leur niveau de qualification parce qu'ils étaient très pressés par la question de leurs revenus, de leur niveau de vie. Cette mesure touche les personnes qui sont les plus contributives à la solidarité du système. 40 % des ressources de l'assurance chômage viennent des cotisations sur les revenus de ces personnes-là justement, des cadres en particulier, alors que seulement 15 % des allocations vont au même public. Ce sont plus de 10 milliards d'euros de solidarité intercatégorielle. Et donc on vient taper sur ceux grâce à qui le système existe. On vient appliquer une mesure dont on sait qu'elle est inefficace, qu'elle est contre-productive, à la population qui finance le plus la solidarité intercatégorielle. Je n'ai pas d'autre mot : c'est populiste, c'est dégueulasse. C'est une mesure à l'intention de l'opinion pour dire : "Vous voyez je tape sur les plus précaires mais j'équilibre ma loi, je tape aussi sur ceux qui ont les meilleurs revenus".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.