De la Vendée "crottée" à la championne industrielle
Y'a-t-il un "miracle
vendéen " ? Le canton des Herbiers, qui compte huit communes et 28.000
habitants, possède un des taux de chômage le plus bas de France
(5,9%). Le canton compte 950 entreprises, dont certaines sont très connues : Fleury Michon, les bateaux Jeanneau, La Boulangère, les foies gras Euralis. La part des emplois industriels aux Herbiers est de 44 % contre 16 % en France. Comment expliquer cette réussite ?
"Graine de
rebelles "
Pour les historiens
spécialistes de la Vendée, le pouvoir central a toujours été plus ou moins
méfiant à l'égard de cette partie de l'Hexagone. Un des moments les plus marquants de
l'Histoire a sûrement été l'insurrection de 1793 contre la Révolution
française, suivie de la guerre de Vendée. 600 paroisses se sont
soulevées pour demander la liberté de conscience et de culte. "Ils
s'opposaient aux idées nouvelles promues par la Révolution ", explique l'historien des Herbiers, Jean Vincent, "ils avaient vu qu'on proscrivait
leurs prêtres qui avaient refusé de prêter le serment à la Constitution civile
du clergé ".
Dans ce contexte
d'insurrection, la ville des Herbiers est totalement détruite, dans la nuit du
31 janvier au 1er février 1794, par une "colonne
infernale " des soldats qui ont pour ordre de tout brûler. Le
pouvoir central "ne voulait plus qu'il y ait de trace de ces
insurgés vendéens ", estime Jean Vincent.
"Après ", explique
Michel Chamard, directeur du Centre vendéen des recherches historiques, "les régimes quels qu'ils soient (le retour des
Bourbons sous la Restauration, Louis Philippe qui a fait
éventrer le bocage -zone du nord-est du département- pour permettre à des
troupes de quadriller le terrain, le Second Empire, et puis la IIIe
République), considéraient que les Vendéens étaient de la graine de rebelles ".
"Ca ne s'explique pas,
c'est l'esprit vendéen" (JeanVincent, historien des Herbiers)
En cinq ou dix ans, 170.000
personnes sont mortes en Vendée, dont la population était alors estimée à
600.000. Le traumatisme de la guerre de Vendée (1793-1796) et la méfiance du pouvoir
central ont forgé un "état d'esprit vendéen " pour Michel Chamard, "ils se sont dit : 'On va se tirer d'affaire tout seuls avec nos
propres ressources et avec nos propres solidarités' ".
L'importance de l'Eglise
catholique
Les Vendéens se sont donc
principalement soulevés contre la Révolution à partir du moment où elle a pris
un tournant anti-catholique. La ferveur
catholique était donc grande et perdure. "Du XIXe siècle aux
années 1960, l'influence de l'Eglise catholique était très importante. Le
clergé exerçait cette influence par le biais de l'école ", explique Michel
Chamard.
Parmi les chefs d'entreprises
actuels des Herbiers, beaucoup ont fait des études religieuses. C'est le cas du
maire des Herbiers, Marcel Albert. Il a suivi le séminaire de la classe 6e à la classe 1er. "Nous étions formés à penser aux autres, à
prendre des initiatives, à entraîner les autres ", se souvient-il. "Ce sont ces gens-là, qui avaient été éduqués à prendre des initiatives, qui ont crée leurs petites entreprises " devenues grandes.
Emulation
Aux
Herbiers, les entreprises se sont d'abord créées autour d'une personnalité.
L'entreprise Liebot, qui emploie 1.100 personnes dans le canton, est née en
- C'est un forgeron qui a fait grandir son activité petit à petit.
Bien
plus tard, dans les années 1960, d'autres hommes ont fondé leur entreprise et
ont créé une sorte de dynamisme. "Il y a eu un phénomène d'émulation. On
voyait qu'untel avait fait quelque chose, qu'il avait 25-30 employés. On se disait que
nous aussi on pouvait faire et on se lançait avec beaucoup
d'inconscience ". En 1963, Marcel Albert a monté
une entreprise spécialisée dans les vêtements pour enfants. Aujourd'hui il ne
la dirige plus, mais elle emploie environ 500 personnes sur le secteur des
Herbiers.
Un territoire enclavé
La Vendée est longtemps
restée un territoire enclavé. C'est une chance pour Marcel Albert, le maire des Herbiers. Dans les
années 1960-1970, "les entreprises extérieures ne pouvaient pas venir
car on était vraiment très loin ", poursuivant "pour nous,
monter à Paris [385 km ndlr] c'était 6h de route ", ce qui fait que
"nous avions des difficultés à partir mais les entreprises ne venaient
pas naturellement chez nous ".
A partir du milieu des années
1980, les hommes politiques de la région activent les choses pour désenclaver
la Vendée. C'est à ce moment que des décisions importantes sont prises pour
construire une autoroute. Elle sera terminée tardivement... en l'an 2000. Paris
est à maintenant, 3h30 des Herbiers.
"On est passé de la Vendée crottée à la Vendée moderne" (Véronique Besse, députée de la circonscription des Herbiers)
Il ne restait plus qu'à changer l'image de
la Vendée. "C'est Philippe de Villiers qui a pris ce dossier en main
lorsqu'il est arrivé à la tête du Conseil général " en 1988, explique
Véronique Besse, députée de la 4e circonscription, celle des
Herbiers et proche de Philippe de Villiers. En 1989, la course du Vendée Globe
a alors été créée, le parc du Puy du Fou construit pour "une meilleure image ". Véronique Besse résume : "On passait de la Vendée
crottée à la Vendée moderne ".
La réactivité vendéenne
Au niveau politique, un autre
aspect est prégnant en Vendée : "La réactivité ". Marcel Albert
a pu l'éprouver de nombreuses fois lors de ces trois mandats à la tête de la mairie
des Herbiers. "Lorsque nous avons un candidat qui nous dit qu'il
cherche à s'implanter, nous sommes extrêmement réactif ", confie-t-il, "là
où il faudrait deux ans à certains, il nous faut 6 mois ". Il prend
l'exemple d'un des plus gros employeurs du canton, les bateaux Jeanneau (1.200
employés) : "Quand Jeanneau a voulu se développer après une
crise, ils avaient besoin de 20 hectares de terrain. On n'avait pas les
terrains disponibles, il a fallu négocier, négocier. Un an après, les bâtiments
étaient prêts ".
"Le rôle des élus c'est
d'être des facilitateurs" (Marcel Albert, le maire des Herbiers)
Une réactivité à tous les
étages. Mairie, communauté de communes, département. La députée Véronique
Besse reconnaît que son département "suscite un vif intérêt " à
l'Assemblée nationale. Les Herbiers ont une véritable "notoriété
économique ", reconnaît-elle. Les autres députés "sont stupéfaits de voir le
changement d'images et ils me demandent : 'Pourquoi ça
marche ?' ". La députée parle alors du tissu économique "diversifié " des Herbiers, du fait que le département ait mis en
place des formations adaptées aux besoins des entreprises vendéennes, de la
construction de zones d'activités "haut de gamme " au début des
années 2000. Et puis bien sûr, "l'état d'esprit ". Un état
d'esprit qui, selon elle et beaucoup de Vendéens rencontrés, ne peut pas se trouver
ailleurs. La Vendée serait donc une exception plus qu'un modèle.
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