Chômeurs depuis plus d'un an : "Nous sommes les laissés-pour-compte de la société"
Les chiffres du chômage pour le mois de mars sont publiés lundi 27 avril. Francetv info a recueilli le témoignage de personnes sans emploi depuis plusieurs années.
Les CV refusés, les problèmes financiers, le sentiment de solitude... A l'occasion de la publication des chiffres du chômage de mars, lundi 27 avril, francetv info a lancé un appel à témoignages pour recueillir le sentiment des chômeurs de longue durée, à savoir des personnes sans emploi depuis plus d'un an. Cette catégorie ne cesse d'augmenter, mois après mois.
Vous avez été nombreux à nous répondre. Voici ce que vous nous racontez sur la manière dont vous vivez votre situation professionnelle compliquée.
L'entourage, une béquille essentielle
Les mois passent et le travail ne revient pas. Dans les commentaires, vous êtes nombreux à vous raccrocher à votre famille. Caroline, au chômage depuis décembre 2013 et mère de jumeaux, ne compte plus sur les aides pour tenir le coup. "Je m'en sors grâce à ma positivité, à mon énergie et à mes parents qui me soutiennent et m'épaulent", écrit-elle. L'entourage est l'un des principaux piliers qui vous aident à tenir. Quand il n'est plus là, vos témoignages se font plus douloureux. Beaucoup racontent alors l'angoisse d'arriver en fin de droits et de devoir payer les crédits.
Jean-Pierre, ancien conseiller en insertion professionnelle de 58 ans, livre ses difficultés depuis deux ans. "Je ne retrouve pas d'emploi malgré mes 68 candidatures répondant à une offre, [qui ont débouché sur] un entretien et 67 rejets sur CV (...) Je vis avec les 16,25 euros que Pôle emploi m'alloue, écrit-il. Depuis 2008, date de mon dernier CDI, je n'ai trouvé que quelques CDD. J'ai tout perdu : mon statut social, mes amis et enfin ma famille. Je suis même passé au tribunal et j'ai été expulsé."
Au chômage depuis deux ans, Tina, vendeuse en fin de droits, dit, elle aussi, vivre un "enfer" : "Le moral va très mal, les finances aussi, Pôle emploi se fiche complètement de savoir si j'obtiens un job ou pas. Bref, c'est la cata..."
La galère de la recherche d'emploi
Presque la totalité de vos commentaires évoquent le parcours du combattant pour retrouver un emploi après des mois passés à surveiller les offres. Cela fait dix mois que Philimo cherche dans le secteur de la gestion immobilière. "Je réponds aux annonces, dépose des candidatures spontanées, mais 95% d'entre elles restent sans réponse. Et quand on me répond, on me dit que je n'ai pas d'expérience", assure-t-il. "Après trente années en tant que cadre, une grande motivation, des compétences transférables et la formation adéquate, ça fait rager de ne pas avoir au moins une chance de se vendre lors d'un entretien."
Philippe, de Fécamp, est au chômage depuis trois ans. Il a 29 ans et a déjà accepté de prendre des postes de serveur, de se reconvertir et de se former à distance pour être secrétaire. Mais rien ne vient. "Aucun employeur n'a le courage de répondre soit par mail ou par courrier. A 29 ans, je me sens inquiet de ne pas trouver un emploi, car les années passent", constate-t-il.
Franck raconte, lui, les situations ubuesques que peut engendrer le fait d'être sans emploi. Après plus d'un an au chômage, il se félicite désormais de sa promesse d'embauche... mais doit encore trouver un toit parisien. "Sans contrat, pas d'appartement et, sans appartement, pas de contrat !", s'exclame-t-il.
Sans emploi à cause de l'âge ?
Parmi les réponses que nous avons recueillies, nombreuses sont celles qui provenaient de personnes considérées comme des seniors. Et cela semble être une difficulté supplémentaire, voire l'une des raisons expliquant les longues périodes de disette professionnelle. Pito raconte que la dernière proposition de job reçue de Pôle emploi remonte... à 2004 ! "Mais c'est vrai que je viens de dépasser les 55 ans...", souligne-t-il.
Claudia renchérit. Elle recherche du travail depuis janvier 2009 et, selon elle, "l'âge n'aide pas, car en France une femme n'est plus bonne à rien dès 35, 40 ans. Elles sont laissées sur le carreau sans pouvoir faire valoir leurs capacités à travailler, sans pouvoir prouver qu'elles ont quelque chose à apporter à une entreprise." Même en ayant été cadre supérieur, comme @chemvert, sans emploi depuis trois ans, l'âge complique tout. Pourtant, "avec mon bagage et mes compétences, je pourrais contribuer à l'essor d'une boîte française, former des jeunes, transmettre la niaque..." Il reste cependant "abonné aux petits boulots pour cotiser au minimum chaque trimestre".
Jean-Pierre partage ce constat et en ressent beaucoup de colère. "Nous sommes les laissés-pour-compte d'une société qui nous met au rebut après nous avoir bien exploités et qui fait de nous des 'borderlines' (trop vieux pour travailler, trop jeunes pour la retraite) et à qui on distribue une aumône pour qu'on se taise", gronde-t-il.
Beaucoup de colère face à Pôle emploi
Enfin, votre principal interlocuteur, Pôle emploi, cristallise beaucoup de déception. L'organisme public "n'a pas le temps de s'occuper correctement de nous", assure Elizabeth. "Au début, ils ont refusé de me payer des formations (...), c'est moi qui les contacte pour avoir un rendez-vous avec ma conseillère (...). Il ne sert à rien sauf à nous payer l'ARE", l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
David a lui l'impression d'être "pris pour un imbécile" par Pôle emploi, "qui devrait être la médecine de l'emploi". "J'ai vraiment l'impression d'être pris pour un numéro qu'il faut absolument caser, chiffres obligent. On ne regarde plus le cursus, il faut nous mettre n'importe où tant qu'il y a un chômeur en moins !", estime-t-il. Parmi vos réponses, seul Philimo trouve les conseillers "à l'écoute", ce qui révèle bien le fossé creusé entre les demandeurs et l'administration.
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