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Chômage : "La tendance à la hausse a de bonnes chances de se poursuivre"

Le nombre de demandeurs d'emploi en France vient d'atteindre un nouveau record en franchissant la barre des 5 millions, si on inclut les personnes ayant eu une activité réduite. L'analyse d'Alexandre Delaigue, professeur d'économie.

Article rédigé par Yannick Sanchez
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Devant l'agence Pôle emploi de Bailleul (Nord), le 13 septembre 2012. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Pas d'embellie sur le front du chômage en France. Le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A, sans activité, a augmenté de 0,7% au mois de mai, soit une hausse de 4,1% en un an. Selon les données publiées jeudi 26 juin par le ministère du Travail, leur nombre atteint un nouveau record, en s'établissant désormais à 3 388 900 en France métropolitaine. En y ajoutant les chômeurs en activité réduite, la hausse globale des catégories A, B et C a été de 34 300. Le seuil symbolique des 5 millions de chômeurs, toutes catégories confondues, a été franchi.

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'école de Saint-Cyr Coëtquidan. Il répond aux questions de francetv info. 

Le nombre de chômeurs vient de dépasser 5 millions en France. Faut-il s'alarmer du franchissement de ce seuil symbolique ?

Alexandre Delaigue : A priori, c’est purement symbolique, mais c'est symptomatique de la hausse du chômage. Même si le ministre du Travail se refuse à commenter ce chiffre mensuel, si on regarde sur le long terme, cela correspond à près de 36 mois sans baisse du chômage pour les catégories A, B et C incluant les chômeurs en activité réduite.

Y a-t-il un seuil critique du niveau de chômage ?

En fait, pas vraiment. C'est la combinaison du facteur durée de chômage et du nombre de personnes qui n'ont pas d'emploi qui peut poser problème. En France, nous avons non seulement un nombre de chômeurs qui augmente, mais aussi une période d'inactivité qui, en moyenne, tend à augmenter.

Or, quand les gens restent longtemps au chômage, ils ont plus de mal à retrouver un emploi. Plus il y a de chômeurs de longue durée, plus il sera difficile de réduire le taux de chômage, et ce même si les conditions économiques s'améliorent.

Pouvait-on prévoir cette hausse du chômage ?

Cela fait longtemps que le chômage ne peut pas diminuer à cause de la conjoncture économique. Cette hausse était donc assez prévisible. Le fait que nous soyons un pays riche, européen, nous a un peu préservés de la crise économique. Mais c'est aussi ce qui nous empêche actuellement d'améliorer rapidement nos statistiques sur le chômage.

Le paradoxe, c'est que les pays qui ont davantage souffert de la crise voient leurs indicateurs économiques s'améliorer rapidement. Ils étaient en effet en très mauvaise posture, et ils peuvent aujourd'hui rebondir. La logique veut que les pays dont les indicateurs sont au vert sont aussi ceux qui ont connu la plus forte récession.

Après une petite accalmie en mars, doit-on craindre une hausse prolongée du taux de chômage ?

La tendance a de bonnes chances de se poursuivre. Cette semaine, par exemple, Valérie Rabault [députée PS, rapporteure générale du budget à l'Assemblée] a montré que, globalement, la diminution des dépenses prévue dans le programme de stabilité aboutissait à un bilan négatif en termes d’emplois. Par ailleurs, les mesures qui ont été prises en termes d'austérité budgétaire ces deux dernières années vont commencer à avoir un effet sur l'emploi.

Même dans l’hypothèse où le gouvernement déciderait de faire une grande réforme du marché du travail, les effets ne seraient pas immédiats. Pour les entreprises, à court terme, l'effet serait de licencier davantage. Et c’est seulement dans un second temps que ces mesures pourraient encourager les embauches. C’est pourquoi il y a très peu de chances que le chômage baisse dans les prochaines années. Au mieux, on obtiendra une stabilisation ou un ralentissement de la hausse du chômage.

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