Baisse du chômage en France : "On est revenu au niveau d’avant la crise du Covid", analyse un économiste
Le chômage baisse "massivement" depuis la fin de l'année dernière, au point de revenir au niveau d'"avant la crise du Covid", selon Bertrand Martinot. Mais le taux de chômage reste quand même "très élevé" pour l'économiste.
Le chômage poursuit sa baisse au mois de novembre (-1,7%), soit près de 56 000 demandeurs d'emploi en moins pour la catégorie A, les personnes sans emploi qui n'ont pas du tout exercé d'activité. Des chiffres qui, "au niveau mensuel, n’ont absolument aucune valeur statistique", prévient Bertrand Martinot. Sur franceinfo, lundi 27 décembre, l'économiste à l’Institut Montaigne explique qu’il faut prendre en compte les chiffres sur un an et qu’en 2021, "très clairement, le chômage baisse énormément", au point de revenir au niveau d’"avant la crise du Covid". Ce spécialiste du chômage assure que cette baisse "profite à toutes les catégories de la population" même si le taux de chômage "reste quand même très élevé", plus élevé que celui de 2008.
Franceinfo : Quelle lecture faut-il avoir de ces chiffres ?
Bertrand Martinot : Les chiffres de Pôle emploi au niveau mensuel n’ont absolument aucune valeur statistique. Ils ne permettent pas de comprendre ce qui se passe sur le marché du travail. C’est une statistique administrative qui est perturbée par tout un tas d'incidences administratives, la question des réinscriptions, etc. Donc, ce qu'il faut faire, c’est regarder les chiffres sur au moins trois mois, voire la tendance sur un an.
Quelle est donc la tendance sur un an ?
Très clairement, le chômage baisse énormément. On peut prendre soit les chiffres de Pôle emploi, soit ceux que préfèrent les économistes qui sont ceux de l'enquête Emploi de l'Insee, qui est basée sur une enquête auprès des ménages et qui est purgée de problèmes statistiques. Et là, dans les deux cas, de toute façon, on a un chômage qui baisse massivement depuis la fin de l'année dernière. Si on prend les chiffres de Pôle emploi, on est à un peu plus de 500 000 demandeurs d'emploi en catégorie A de moins qu'il y a un an. Et dans les deux cas, qu’on prenne tous les chiffres possibles, ceux de l'Insee ou de Pôle emploi, on est revenu à un niveau de chômage qui était celui de la fin 2019, c’est-à-dire avant la crise du Covid.
Comment s’explique cette baisse du chômage ?
Le facteur est très simple. L'emploi a été sauvegardé très largement pendant la crise. Finalement, il y a eu relativement peu de baisse d'emploi en 2020. Il y en a eu un peu plus de 300 000, ce qui est beaucoup dans l'absolu, mais ce qui, au vu de l'effondrement de la croissance en 2020, reste quand même assez modéré. Et là, il y a un rebond de la croissance qui est mécanique, qui n'a rien d'extraordinaire, et qui crée des emplois par centaines de milliers. D'après les chiffres de l'Insee, on serait sans doute à plus de 600 000 créations nettes d'emplois salariés en 2021. Ce sont des chiffres absolument spectaculaires.
À quels profils d’actifs profitent ces créations d’emplois ?
Il y a assez peu de secteurs où des emplois ne se créent pas. Et quand il ne s’en crée pas beaucoup, c'est rarement du fait des entreprises, c’est que les entreprises n'arrivent pas à embaucher. Il y aurait encore plus d'embauches s'il y avait autant de tensions sur certains emplois.
"La baisse du chômage profite à peu près à toutes les catégories de la population, tous les niveaux de qualification et à peu près tous les secteurs économiques."
Bertrand Martinot, économisteà franceinfo
L’industrie reste encore un peu à la traîne, ça fait partie des secteurs les plus touchés par la faiblesse du commerce international, qui n’a pas retrouvé son niveau d'avant. Globalement, le niveau du chômage est celui de 2019. Il est quand même beaucoup plus élevé que celui qu'on a pu connaître, notamment en 2008, qui était le précédent record de baisse du chômage.
Quel est le seuil en dessous duquel il serait difficile de descendre ?
C'est un sujet qui passionne les économistes depuis plusieurs décennies. C'est ce qu'on appelle le taux naturel du chômage, en-dessous duquel l'inflation accélère. On ne sait pas très bien où il se situe en France, mais compte tenu des tensions énormes sur le marché du travail qui apparaissent dès que le chômage approche à peu près les 8% de la population active, on peut se dire probablement que les marges de manœuvre sont relativement limitées. On doit pouvoir descendre à 7%, ce qu'on avait fait quasiment en 2008. On était à 7,2% de la population active. En dessous de 7,2%, on ne sait pas très bien ce qui se passera. Il y a de multiples obstacles qui font qu’on a quand même du mal en France, à passer en dessous de 7% de chômage. Mais je ne dis pas qu'on n'y arrivera pas.
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