Une personne sur quatre victime de comportements blessants au travail : le chiffre est en réalité 'beaucoup plus important", selon un sociologue
Jean-François Amadieu a réagi jeudi sur franceinfo après la publication du 11e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi du Défenseur des droits.
Le 11e baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi en France a été dévoilé jeudi 27 septembre par le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Selon cette enquête, 25% de la population dit avoir été victime de comportements blessants sur son lieu de travail durant ces cinq dernières années. Cela concerne principalement des propos sexistes, racistes ou homophobes.
Le chiffre est en réalité "beaucoup plus important", a estimé sur franceinfo Jean-François Amadieu, sociologue, directeur de l’observatoire des discriminations, car "le Défenseur des droits malheureusement a oublié depuis deux ans d’interroger les Français et les salariés sur certains sujets". Il a pointé la question de l'âge ou la grossophobie. Pour Jean-François Amadieu, "cela conduit à sous-estimer l’ampleur des moqueries".
franceinfo : Est-ce que vous êtes surpris par le résultat de ce baromètre ?
Jean-François Amadieu : Non car sur ce chiffre de 25% concernant le harcèlement de nature sexiste, raciste ou sur la religion, je dirais que c’est un niveau auquel on pouvait s’attendre sur ces variables. Donc je dirais que c’est en ligne avec ce que l’on sait du sujet. Malheureusement, il est impossible d’en tirer une tendance car le Défenseur des droits a eu la mauvaise idée de complètement changer la manière dont on faisait le baromètre. Pendant plusieurs années on interrogeait des salariés pour leur demander s’il y avait des discriminations, s’ils en étaient victimes au travail. Et puis après on a eu des baromètres qui portaient sur les demandeurs d’emploi, ce qui était intéressant mais c’était une autre information. Et puis maintenant, depuis deux ans, on a des enquêtes complètement différentes qui portent par exemple sur le harcèlement ou qui portent sur quelques groupes de la population ciblés par le Défenseur des droits qui considère qu’il y a là des problèmes importants.
Parmi les personnes qui se disent confrontées à des propos ou comportements stigmatisants, il y a en effet de fortes disparités selon les catégories. C'est particulièrement fort pour les femmes de couleur ?
Oui effectivement, c’est observé par tout le monde. Et on le voit ces jours-ci dans l’actualité. La parole raciste, homophobe ou sexiste se libère, comme on dit. Et on a du mal à endiguer les propos blessants, les moqueries, les injures de tous types. Mais je voudrais revenir sur ce chiffre de 25%. En fait le chiffre de personnes concernées est beaucoup plus important, parce que le Défenseur des droits malheureusement a oublié depuis deux ans d’interroger les Français et les salariés sur certains sujets. Comme, par exemple, la question de l’âge qui n’est pas traitée. Ou celle de l’apparence physique comme la taille, le poids… quid des personnes obèses au travail ? La grossophobie, comment oublier ce sujet alors que toutes les enquêtes, qu’elles soient faites par le Medef, qu’elles soient faites par le ministère du Travail, montrent que c’est un sujet très important. De la même manière, les convictions syndicales, politiques, l’origine sociale, la situation de famille… Il y a vraiment des motifs très importants de moqueries, de mises à l’écart, de discriminations qui sont oubliés. Donc il n’est pas normal que depuis deux ans on se limite à certains sujets. Pourquoi le Défenseur des droits oublie-t-il des groupes entiers de la population ? Cela conduit à sous-estimer l’ampleur des moqueries.
Dénonce-t-on plus facilement ces agissements aujourd’hui ?
Il y a évidemment une tendance à davantage porter plainte, et à être davantage sensible à ces sujets. S’agissant par exemple des blagues déplacées, ou des remarques de nature sexiste, c’est tout à fait évident. On sait que sur ces sujets, il existe une sensibilité qui n’existait pas il y a encore quelques années. Il y a une prise de conscience. Sur d’autres sujets, c’est différent. Si on prend les questions d’appartenance religieuse, de l’homophobie ou de l’antisémitisme, il y a de quoi être alerté.
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