Réforme des retraites : ce qu'il faut retenir du grand débat d'Emmanuel Macron à Rodez
Le président de la République a défendu son projet de fusionner les 42 régimes actuels en un seul, jeudi dans l'Aveyron, devant 500 lecteurs de la presse régionale.
Le rendez-vous initial avait été annulé, après la mort de Jacques Chirac. Avec une semaine de retard, Emmanuel Macron s'est finalement rendu, comme promis, à Rodez (Aveyron), jeudi 3 octobre, pour un débat consacré à la réforme des retraites. Le président de la République a d'abord demandé "une minute de silence" pour les victimes de l'attaque meurtrière à la préfecture de police de Paris.
Il a ensuite répondu aux questions de quelque 500 lecteurs du groupe de presse La Dépêche sur le futur système à points, qui va fusionner les 42 régimes existants. Que faut-il retenir des déclarations du chef de l'Etat dans cet exercice à visée pédagogique et devant un auditoire en partie rural, à quelques mois des élections municipales ?
Le système actuel "n'est plus universel"
"Le système n'est plus universel parce que nous avons 42 régimes différents." Emmanuel Macron a martelé que le système conçu en 1945 n'est plus "adapté" à la réalité d'aujourd'hui, avec des carrières plus hachées qu'autrefois. Comme l'avait déjà fait le Premier ministre Edouard Philippe devant le Conseil économique, social et environnemental (Cese) le 12 septembre, il a déclaré qu'il n'y avait pas de raison, "à métier identique", d'avoir des retraites différentes.
Le chef de l'Etat a cité notamment les "infirmières" qui n'ont pas la même retraite selon qu'elles sont salariées de l'hôpital ou infirmières libérales. Il a aussi mentionné les "chauffeurs de bus", qui ne partent pas au même âge selon qu'ils sont à la RATP, avec un régime spécial, ou dans une autre entreprise. "Cela crée de l'illisibilité", a-t-il estimé.
A l'avenir, la retraite pleine minimale sera fixée à "1 000 euros"
Il a défendu l'équité de sa réforme. Le "principe de répartition" (où les cotisations des actifs paient la pension des retraités) est maintenu dans le système à points, a-t-il rappelé. "Un, c'est un système qui reste universel, de solidarité et de répartition. C'est toujours les actifs qui payent pour les retraites. Deux, on acquiert des droits à la retraite par des points, parce que c'est plus transparent et plus lisible. Comment on fixe ces points ? C'est le débat que l'on doit avoir", a-t-il exposé.
Le chef de l'Etat a assuré que le futur système à points serait "plus solidaire" que le système actuel. Il a promis qu'à terme, aucune retraite pleine ne serait inférieure à 1 000 euros par mois.
Le minimum contributif, on va le mettre à 1 000 euros. Il est aujourd'hui à 970 euros. On va mettre des règles de solidarité pour mieux compenser les accidents de la vie.
Emmanuel MacronLors du grand débat à Rodez
Il a également promis que le système serait plus juste pour les femmes, notamment pour celles qui ont une carrière "hachée" : "20% des femmes travaillent jusqu'à 67 ans aujourd'hui, pour avoir la retraite à taux plein. Nous allons changer le système pour que ce soit plus juste", a-t-il martelé.
Selon le rapport Delevoye, rendu en juillet par le haut-commissaire à la réforme des retraites, "le nouveau système sera plus favorable que le système actuel pour les rémunérations les plus faibles et pour les femmes qui sont très nombreuses dans ces catégories". Mais les modalités restent à définir.
L'âge légal de 62 ans "ne bougera pas"...
Il a rappelé que "la réforme ne concernera ni les retraités ni les plus de 56 ans". À une infirmière de 55 ans, qui s'inquiétait de ses conditions de départ à la retraite, il a répondu : "Tous les droits qui sont acquis ne changent pas. Vous ne pouvez pas partir avant 62 ans. Dans la nouvelle réforme, l'âge légal ne bougera pas."
... mais il faudra "cotiser plus"
S'il a assuré que "l'âge légal" serait inchangé, Emmanuel Macron a néanmoins évoqué l'éventuelle nécessité de "définir" un "âge pivot", durant l'actuelle concertation. C'est à partir de cet âge seulement qu'on pourra bénéficier d'une retraite pleine, sans décote. "Il ne faut pas se mentir, il faudra cotiser plus", à cause de l'évolution démographique et de l'allongement de la vie, a-t-il mis en garde. "Il n'y a pas de solution magique", selon le chef de l'Etat.
Certaines décisions seront liées à la situation financière du système en 2025, a-t-il souligné. Le gouvernement a saisi le Conseil d'orientation des retraites (COR) pour savoir si le nouveau système, qui entre en vigueur en 2025, commencera à l'équilibre. "Si le COR nous dit : 'Il manque 8 ou 10 milliards', on devra dire 'il faut travailler un peu plus longtemps', ça c'est tout à fait vrai", a avancé le chef de l'Etat. "S'il nous dit 'c'est à l'équilibre en 2025', on n'aura pas besoin de (le) faire", a-t-il ajouté. Il a laissé entendre qu'en cas de besoin de financement, c'est l'allongement de la durée de cotisation qui sera la piste privilégiée. Le COR doit rendre sa copie à la fin novembre.
"Des règles d"or" pour ne "pas dégrader le niveau de vie des retraités"
Pour désamorcer une partie des craintes, le chef de l'Etat a déclaré vouloir prendre des engagements "pour ne pas dégrader le niveau de vie des retraités".
On mettra des règles d'or pour fixer la valeur du point avec un engagement clair qui est que le niveau de vie des retraités ne doit pas être dégradé, il doit être le même et continuer à progresser.
Emmanuel Macronlors du grand débat à Rodez
Mais il a aussi reconnu qu'il n'existait pas, pour l'instant, d'outil permettant d'y voir plus clair. "Les simulations, c'est de la pipe complète !", s'est-il exclamé, alors qu'il était interrogé sur l'absence de mise à disposition d'un simulateur pour imaginer le montant de sa pension, dans le futur système. "On ne peut pas faire de simulation tant qu'on n'a pas fixé le mode de calcul du point."
C'est la fin des régimes spéciaux, y compris celui des avocats
Emmanuel Macron a réaffirmé que le nouveau système à points mettrait fin aux régimes spéciaux, y compris celui des avocats. Celui-ci est pour l'instant équilibré, car il y a plus de professionnels qu'autrefois. "On ne veut pas se mettre avec les autres tant que l'on est bénéficiaire", a mis en garde le président, mais "les avocats d'aujourd'hui vont devenir les agriculteurs de demain". Il a signifié qu'il n'était pas question que ce système autonome perdure et les a incités à "s'engager dans un dialogue".
Néanmoins, il a assuré : "On ne va pas aller piquer les réserves." Les avocats craignent en effet que le gouvernement ne se serve des deux milliards d'euros disponibles dans leur caisse de retraite pour équilibrer le système général.
La consultation citoyenne va permettre d'"ajuster" la réforme, pas de l'annuler
Interrogé sur la portée de la "consultation citoyenne" qu'il a lancé à Rodez, le chef de l'Etat a prévenu : "Je vais être clair, le débat ne va pas me faire réaliser qu'il ne faut pas de réforme (...) mais va permettre d'ajuster, de changer, de modifier, de corriger."
Pendant qu'Emmanuel Macron s'exprimait à Rodez, le site de la Consultation citoyenne sur les retraites a été lancé par le gouvernement, pour "permettre à chacun de s'exprimer sur la mise en place d'un système universel". Le site propose, entre autres, de répondre à un questionnaire, et déroule l'agenda de la réforme.
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