Fin de l'obligation du télétravail : "C'est plutôt une bonne nouvelle", d'autant que "cette annonce ne tue pas le télétravail", selon l'Association nationale des DRH
À compter de mardi, il n'y aura plus de nombre de jours minimal de télétravail requis par l'Etat dans les entreprises. Benoît Serre, vice-président de l'ANDRH salue cette décision.
Le télétravail imposé dans les entreprises pour lutter contre la pandémie de Covid-19, s'arrête mardi 31 août. Un nouveau protocole pour le travail à distance sera publié mardi soir annoncé lundi la ministre du Travail Elisabeth Borne. Les organisations syndicales et patronales souhaitent "toutes qu'on redonne la main aux entreprises pour fixer les règles en matière de télétravail, qu'on n'ait plus un nombre de jours minimal, c'est ce qu'on va faire", a-t-elle souligné.
"C'est plutôt une bonne nouvelle", a réagi lundi sur franceinfo, Benoît Serre, vice-président de l’association nationale des DRH (ANDRH). "C'est vrai qu'on a bien géré le télétravail d'urgence. Maintenant, il faut gérer le télétravail dans la continuité."
franceinfo : La fin de l'obligation du télétravail. Comment est-ce que vous prenez cette nouvelle. C'est un soulagement pour vous ou ça vous paraît compliqué ?
Benoît Serre : Non, c'est plutôt une bonne nouvelle parce que l'intention qui a été précisée par la ministre, et les syndicats la rejoignent, c'est que les entreprises reprennent la main sur leur organisation du travail, parce que ce n'est pas le rôle de l'État d'organiser le fonctionnement des entreprises. Maintenant, si vous vous placez juste avant la pandémie, depuis il y a plus de 20 000 accords sur le télétravail. Le télétravail va perdurer. Il ne faut pas croire que cette annonce tue le télétravail. Simplement, il se développe dans un système plus organisé qu'auparavant.
Et puis concernant les conditions sanitaires, les gestes barrières, le fait de limiter le nombre de gens dans une salle de réunion... On se rend compte que c'est globalement assez respecté. Malheureusement ou heureusement, c'est un peu rentré dans les habitudes des gens. Je pense cela devrait nous permettre de le faire sans prendre de risques sanitaires excessifs.
Depuis quelques temps, c'était de toute façon de moins en moins pratiqué ?
Oui, d'une part, parce que le télétravail massif, on sait que ça ne marche pas très bien. Maintenant, il va falloir que les choses s'installent. Ça va sans doute être ça le plus difficile parce qu'on voit bien qu'il y a une sorte d'impatience des salariés à voir s'installer le télétravail. Et puis des entreprises qui disent, on va l'installer, mais de manière plus encadrée, ce sera assez différent de ce qu'on connaît depuis 18 mois. Depuis 18 mois c'était le salarié qui choisissait, en quelque sorte, s'il venait ou s'il ne venait pas.
C'est sûr qu'aujourd'hui, dans les organisations, les accords télétravail ont été passés, il y a quand même un peu une forme de procédure, de prévenance, quelquefois de validation, de manière à ce que ce télétravail ne nuise pas au fonctionnement collectif de l'entreprise. C'est l'apparition d'un nouvel équilibre, évidemment, avec quelques éléments de contraintes. Et puis, vous avez des entreprises qui ne sont pas favorables au télétravail. Je pense que ce n'est pas une bonne idée parce que de toute façon c'est attendu par les salariés et ça va devenir un outil d'attractivité de l'entreprise, probablement d'image-employeur. Il faut que les choses se mettent en place. C'est vrai qu'on a bien géré le télétravail d'urgence. Maintenant, il faut gérer le télétravail dans la continuité.
C'était trop de liberté pour les salariés, ça crée des difficultés d'organisation ?
Oui, parce que vous vous rendez compte que même si la productivité peut toucher le télétravail, les gens travaillent beaucoup en télétravail. En revanche, la créativité, l'innovation, le fait de fonctionner ensemble étaient quand même percutés par une espèce de télétravail massif et inorganisé. D'ailleurs, la plupart des accords qui ont été passés prévoient deux jours de télétravail, trois jours sur site, ce qui semble être le bon équilibre. Donc maintenant, il va falloir apprendre à travailler. Vous savez, pour les entreprises, c'est un vrai changement parce que la France, avant la crise Covid, était un pays assez peu friand de télétravail. Là, maintenant, je pense qu'on redescendra un peu, mais vous aurez quand même une large proportion de salariés en télétravail.
Ça risque aussi de créer quelques frictions. Certains ont pu s'habituer ou adapter leur mode de vie au télétravail. Par exemple en s'installant loin de leur lieu de travail dans d'autres villes, d'autres régions ?
L'Association nationale des DRH [directeurs des ressources humaines] avait fait une enquête en juin dernier, 30% des DRH nous disaient qu'ils étaient confrontés à des gens qui avaient déménagé ou qui envisageaient de le faire. Donc, c'est sûr que l'on va être confronté à ces choses-là. Des gens qui ont déménagé, donc, qui d'une certaine manière, voudraient avoir le vendredi, le lundi. On ne peut pas les donner à tout le monde, des gens qui souhaitent pouvoir faire plus que deux jours travail. Donc il va falloir trouver un moyen de réguler tout ça. Ça va prendre un peu de temps de manière à ce que l'unité ou le collectif de l'entreprise ne soient pas trop malmenés par cette nouvelle forme du travail.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.