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Vidéo Delphine Remy-Boutang, cofondatrice de la Journée de la femme digitale : "Si on augmentait le nombre de femmes dans le secteur du numérique, on augmenterait le PIB européen de 9 milliards d'euros"

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Article rédigé par franceinfo - Justine Claux
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Invitée de Jean-Paul Chapel dans ":L'éco", Delphine Remy-Boutang est entrepreneuse. Il y a six ans, elle a cofondé la Journée de la femme digitale, un événement ayant pour objectif d'encourager les femmes à innover et à entreprendre dans le monde du digital. Elle s'exprime notamment sur la sous-représentation des femmes dans le secteur du numérique et à la tête d'entreprises. 

Delphine Remy-Boutang est la fondatrice et la dirigeante de The Bureau, une agence de conseil en stratégies digitales. Elle est également la cofondatrice de la Journée de la femme digitale, un événement célébrant, chaque année, au mois d'avril, la place des femmes dans l'innovation et le digital. 

Créée en 2013 et organisée par The Bureau, cette journée a pour objectif d'encourager les femmes à innover et à entreprendre dans le domaine du digital. La Journée de la femme digitale propose également de réfléchir à la sous-représentation des femmes dans le secteur du numérique et à la tête d'entreprises.

Alors, où sont les femmes ?

"Les femmes étaient à l'origine du numérique, et ça, je pense que c'est important de le rappeler. Le code est un langage, et c'est une femme qui l'a créé, elle s'appelait Ada Lovelace, une mathématicienne anglaise des années 1800, c'était le premier algorithme, donc c'était vraiment au tout début. Et depuis, on a des femmes comme Margaret Hamilton par exemple, qui a permis le premier pas de l'Homme sur la Lune. C'était une codeuse-informaticienne de la NASA, qui a contribué à ce que cette mission sur la Lune réussisse", raconte Delphine Remy-Boutang. 

Ada Lovelace (1815-1852) est une mathématicienne, informaticienne et ingénieure britannique. Pionnière de la programmation informatique, elle est la première codeuse de l'histoire. 

Margaret Hamilton (1936 -) est une informaticienne, ingénieure et scientifique américaine. Longtemps méconnue, elle est à l'origine du succès de la mission Apollo 11. Elle a en effet contribué à la réalisation du programme informatique qui a transporté le premier Homme sur la Lune. 

"Toutes ces femmes ont créé le numérique. Et puis, dans les années 70, quand le numérique a pris ses lettres de noblesse, les hommes s'y sont engouffrés, et les femmes sont restées à ce chiffre qui est de 30%, et qui stagne, voire régresse aujourd'hui", déplore la confodatrice de la Journée de la femme digitale. 

Dans le secteur du numérique, les femmes ne représentent que 28% des effectifs, soit moins d'un tiers. 

"Si l'on prend l'exemple de femmes à la tête de start-up tech en France, c'est à-peu-près 10%", insiste Delphine Remy-Boutang. "Dans le cybersécurité, c'est 11%, dans l'intelligence artificielle, c'est moins de 5%. Donc, très clairement, ce monde qui est un monde nouveau, meilleur grâce à la technologie, est en train de s'écrire par une vision unique."

"Que se passe-t-il ? Pourquoi ça ?", interroge Jean-Paul Chapel. 

"Pour plein de raisons. La principale, c'est qu'il n'y a pas assez de rôles modèles, il n'y a pas assez de femmes qui réussissent dans ce secteur, même s'il y en a beaucoup, et je pense par exemple à Julia Bijaoui, qui est une des femmes qui a monté Frichti, et qui est d'ailleurs la seule entreprise du Next40 (rassemblant les 40 start-up les plus prometteuses, NDLR)", répond la dirigeante de The Bureau. 

"Si l'on regarde les jeunes pousses, il y en a seulement une sur dix, soit environ 10 %, qui a été fondée et dirigée par une femme", rappelle Jean-Paul Chapel. 

"Absolument ! Si l'on regarde le CAC40 aujourd'hui, c'est à-peu-près trois femmes, c'est Isabelle Kocher, c'est Sophie Bellon et Élisabeth Badinter (respectivement directrice générale du groupe Engie, présidente du conseil d'administration de Sodex et présidente du conseil de surveillance de Publicis, NDLR). Le Next40 qui est donc cette nouvelle génération d'entreprises, on est à une femme, donc je pense qu'il y a urgence là, à se dire qu'aujourd'hui, le monde est en déséquilibre. Et donc, ce qu'on apporte, nous les femmes, c'est ce nouveau regard, cet autre regard qui permet d'abord aux entreprises d'être plus rentables, et c'est prouvé, il y a des études qui l'ont montré, les entreprises fondées ou cofondées par des femmes sont plus rentables", affirme Delphine Remy-Boutang. 

"Comment ça se fait ?", demande Jean-Paul Chapel.

"Pour plein de raisons, parce que justement, on apporte cet autre regard, parce qu'on apporte cette autre vision, on peut apporter une valeur ajoutée, les chiffres le montrent aussi. Si on augmentait le nombre de femmes dans le secteur du numérique, on augmenterait le PIB européen de 9 milliards d'euros", explique l'entrepreneuse.  

Selon une étude de la Commission européenne, soulignant la sous-représentation persistante des femmes dans le secteur du numérique, et publiée en 2013, accroître la présence des femmes dans le numérique pourrait bel et bien générer jusqu'à 9 milliards d’euros de plus par an pour le PIB européen. 

"La diversité est moteur de l'innovation", souligne notre invitée. "Et donc de profit !", renchérit Jean-Paul Chapel. 

"Tant que les femmes seront sous-représentées, ce sont toutes les minorités qui seront sous-représentées. Une intelligence artificielle, un robot ressemble à celui qui le crée. Si ces intelligences artificielles, ces robots ne sont créés que par des hommes blancs de moins de 25 ans, alors, on vivra dans un monde où, encore une fois, on sera en déséquilibre, où les stéréoptypes vaincront. Il est urgent de passer du dire au faire", poursuit Delphine Remy-Boutang. "C'est pour ça que nous, à la journée de la femme digitale, on a aussi créé un club qui permet de discuter de tous ces enjeux. On se réunit tous les mois et nous avons notre prochain événement qui se tiendra le 15 octobre".

"Qui y participe ? Ce sont des femmes du digital ?", questionne Jean-Paul Chapel. 

"Des femmes de start-up, de grands groupes, puisque la JFD, c'est plus qu'un événement, c'est un accélérateur de rencontres, de business, et puis révélateur de talents. On est très fières d'avoir eu des belles pépites, qui ont depuis grandi", précise la cofondatrice de la Journée de la femme digitale. 

"N'y a-t-il pas aussi un travail à faire au niveau de l'éducation ? Parce qu'au niveau de l'école et du lycée, ça va à-peu-près, mais déjà dans les écoles d'ingénieurs, il y a tout de suite une forte minorité de femmes, une domination masculine. Comment ça se fait ?", demande notre journaliste. 

Delphine Remy-Boutang répond à la question en racontant une "très jolie petite histoire d'une maîtresse d'école". Dans cette histoire, une femme était présidente de la République pendant seize ans en Islande : "Elle dit à ses élèves 'Qu'est-ce que vous voudrez faire quand vous serez plus grands ?', et il y a une petite fille qui lève la main et qui dit 'Moi, je voudrais être présidente de la République', elle dit "Ah, c'est formidable', et elle demande au petit garçon 'Et toi aussi, tu veux être président de la République ?', et le petit garçon répond 'Non, ça, c'est un métier de femme'." 

Vigdís Finnbogadóttir a été présidente de l'Islande du 1er août 1980 au 1er août 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État.  

L'interview s'est achevée sur "Run The World (Girls)" de Beyoncé.

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