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Horaires décalés, week-ends imposés… Une étude révèle combien les conditions de travail des femmes peu qualifiées se sont dégradées

L'institut national d'études démographiques, l'Ined, a voulu mesurer le phénomène de la dégradation des conditions de travail des femmes peu qualifiées sur une longue durée, de 2013-2019. Les résultats sont édifiants.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les femmes peu qualifiées plus exposées aux horaires décalés, découpés ou au travail le week-end, selon une étude de l'Ined (photo d'illustration). (PATRICK LEFEVRE / MAXPPP)

L'Institut national d'études démographiques (Ined) a mené une étude sur le long terme (de 2013 à 2019) pour tenter de déterminer à quel point les conditions de travail des femmes peu qualifiées se sont dégradées. Il en ressort que cette partie de la population est le seule à voir ses conditions de travail empirer sur la durée. 

C'est le cas pour Sylvie Chevalier, élue CGT et salariée chez Monoprix depuis 37 ans. Elle a tourné sur tous les postes, des caisses à la boulangerie en passant par les rayons. Elle constate bien que les horaires se sont alourdis sur la dernière décennie : "Ça s'est énormément aggravé, d'autant plus qu'ils ne remplacent plus les gens qui sont malades. Ils ne remplacent plus les gens qui partent en vacances, ils ne remplacent plus les démissionnaires et ne remplacent plus les gens qui partent à la retraite. Donc on nous demande d'en faire toujours plus avec de moins en moins de salariés." La majorité de ses collègues au magasin sont des femmes qui sont souvent en temps partiel imposé.

Des conséquences sur la vie quotidienne

L'étude de l'Ined démontre, chiffres à l'appui, qu'en matière d'horaires, le progrès n'est pas partagé par tous. Les femmes les moins qualifiées se voient en effet plus imposer les horaires décalés ou atypiques, une augmentation de 11% entre 2013 et 2019. La tendance n'est pas du tout la même pour les femmes cadres puisque sur la même période, leurs horaires décalés diminuent de 23%.

Part des salariés en horaires atypiques de travail par catégorie socioprofessionnelle, sexe et année. (INSTITUT NATIONAL D'ÉTUDES DÉMOGRAPHIQUES)

Chez les hommes les cadres sont aussi mieux traités que les ouvriers non qualifiés mais les chiffres sont moins contrastés : moins 14% d'horaires difficiles pour les cadres tandis que la proportion stagne chez les ouvriers non qualifiés. Quand on parle d'horaires atypiques, il s'agit du travail tôt le matin, à partir de 5 heures ou tard le soir après 20 heures ou bien carrément la nuit. La vie quotidienne et famiale devient compliquée. "On ne voit plus notre mari et nos enfants, déplore Sylvie Chevalier. J'étais mère célibataire, cela a rajouté une difficulté puisque quand on travaillait tard ou quand on travaillait le week-end, même le samedi, c'est compliqué. On est obligée de payer quelqu'un pour garder un enfant et on travaille pour rien. Ce qu'on gagne, c'est pour payer la personne qui va garder nos enfants."

Le travail le dimanche explose

L'Ined a aussi pris en compte le travail imposé les samedis et dimanches. À noter qu'en 2019, la France se situait dans la moyenne européenne avec 36% des salariés travaillant sur ce type d'horaires. Selon l'Ined, cette tendance s'explique parce que les femmes non qualifiées sont nombreuses dans les métiers du commerce et de la grande distribution en tant que vendeuse, employées de rayons ou agents d'entretien.

C'est surtout le travail du dimanche qui a explosé sur cette décennie avec les effets de la loi de 2009 qui assouplit les dérogations au repos dominical. Intéressant financièrement car payé double. Le travail du dimanche n'en est pas moins vécu par Sylvie comme une obligation : "Les salaires, c'est le Smic. C'est pour ça que les gens y vont et c'est pas pour autre chose. Vous n'avez qu'à payer double le mercredi et tout le monde voudra travailler le mercredi. Ce n'est pas une question d'être volontaire, c'est vraiment juste une question que ça met du beurre dans les épinards."  Avec parfois des effets pervers. Il est arrivé à Sylvie de perdre plus sur son allocation logement que les sommes supplémentaires qu'elle avait gagné le dimanche.

Des négociations sur les horaires parfois difficiles

Le régime du volontariat est loin d'être la règle puisque les établissements qui disposent du droit permanent d'ouvrir le dimanche peuvent imposer le travail ce jour-là, notamment les supermarchés. Face à cette extension des horaires et des dérogations au repos dominical, depuis la loi de 2009, il y a la négociation. Quand syndicats et direction arrivent à s'entendre explique Thierry Babot, élu CFDT chez Carrefour : "On a des accords aujourd'hui qui peuvent garantir aux salariés, pour le dimanche matin par exemple, une majoration de 200% avec une compensation de deux jours la semaine, et effectivement on a quelques volontaires. Il y a des accords quelquefois qu'on arrive à mettre en place et qui arrivent à protéger aussi les salariés." Mais la multiplication des ventes de magasins par les groupes à des gérants individuels rend selon lui plus difficile la négociation d'accords équilibrés sur les horaires.

Le commerce n'est pas le seul secteur concerné explique l'étude de l'Ined. Les services à la personne ont aussi souvent recours aux horaires décalés et ils emploient également une forte proportion de femmes sur des emplois peu qualifiés. Elles sont aussi plus exposées aux journées de travail hachées avec des périodes de pause d'au moins trois heures et des horaires connus au dernier moment, un jour à l'avance ou moins.

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