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Loi Travail : pourquoi le gouvernement s'apprête à dégainer le 49.3

Le président du groupe PS, Bruno Le Roux, recensait lundi "30 à 40" voix manquantes pour permettre l'adoption de ce texte à l'Assemblée. Conséquence : le gouvernement pourrait utiliser le 49.3 pour faire passer le texte sans vote.

Article rédigé par franceinfo
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La ministre du Travail, Myriam El Khomri, assiste au débat sur la loi Travail à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 mai 2016. (BERTRAND GUAY / AFP)

Le recours du gouvernement à l'article 49 alinéa 3 pour faire passer la la loi Travail à l'Assemblée ? C'est désormais une certitude, affirme RTLmardi 10 mai. Selon la radio, le Premier ministre, Manuel Valls, utilisera cette disposition de la Constitution pour faire passer le texte sans vote ni débat. Pourquoi le gouvernement est-il tenté par cette procédure sur un projet de loi contesté à l'Assemblée comme dans la rue, et auquel 74% des Français sont opposés, selon un sondage Elabe publié la semaine dernière ? Voici trois explications.

Le gouvernement n'a pas de majorité sur ce texte

Le rapporteur de la loi Travail, Christophe Sirugue (PS), l'avait dit dès le 2 mai : il manque 40 députés pour faire passer le texte de Myriam El Khomri. Dont la moitié, selon lui, ne changeront pas d'avis : "Il y a des opposants historiques à l'intérieur du groupe PS, qui sont la vingtaine de frondeurs. Depuis plusieurs années, ils ne votent plus les textes du gouvernement", avait-il expliqué. Parmi eux, les anciens ministres Aurélie Filippetti et Benoît Hamon, ou encore le député Pouria Amirshahi, qui a quitté le PS en mars.

En huit jours, le gouvernement n'a pas réussi à faire changer d'avis la vingtaine d'autres députés opposés au texte. Le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, l'a confirmé lundi 9 mai, recensant encore "30 à 40" voix qui manquent à l'appel pour une majorité.

Le gouvernement ne veut pas de bataille d'amendements

Le gouvernement avait tenté de s'épargner l'expéditive procédure du 49.3 en remaniant la première version de la loi El Khomri. Pour rallier à sa cause les hésitants, il avait notamment supprimé certains des articles les plus polémiques (en particulier le plafonnement des indemnités prud'homales, la possibilité pour une direction d'imposer le forfait jour dans les petites entreprises, ou la possibilité de faire travailler les apprentis dix heures dans une journée...).

Mais l'exécutif n'est pas décidé à aller plus loin, et la nouvelle mouture ne convainc toujours pas les opposants. Près de 5 000 amendements ont été déposés, dont un tiers ont été copiés-collés les uns sur les autres. Lundi 9 mai, l'exécutif a décidé de repousser les votes sur les amendements "jusqu'à nouvel ordre".

De quoi susciter la colère des députés : la frondeuse PS Aurélie Filipetti a lancé : "On se demande ce qu'on fait là. Cela ressemble à un simulacre". Et l'analyse a été rapide : "C'est le gouvernement qui fait traîner délibérément les débats pour justifier le recours au 49.3 qui est un déni de démocratie assez grave", a jugé l'écologiste Eva Sas.

Le gouvernement ne veut pas de blocage sur l'article 2

Le gouvernement craint en particulier un blocage sur l'article 2, qui doit être examiné mardi 10 mai en séance. Cet article vise à donner la primauté à l'accord d'entreprise en matière de temps de travail. Il concentre plus d'un tiers des amendements et beaucoup de critiques à gauche, au-delà des "frondeurs". Mais il est aussi le ciment de l'accord passé avec la CFDT. "Il est inimaginable de perdre sur cet article", soutient un proche du gouvernement, cité par Le Figaro.

Le 49.3 autorise donc une porte de sortie. Manuel Valls avait glissé, vendredi : "Il ne faut jamais renoncer à un moyen constitutionnel." Même si sept Français sur dix, rapporte Le Figaro, trouveraient "choquant" que le gouvernement utilise cette arme pour faire adopter le projet de loi Travail sans vote, selon un sondage Odoxa publié vendredi.

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