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Hôpital Necker : après le passage des casseurs, l'opération politique du gouvernement

La destruction de 15 vitres de l'hôpital Necker pour enfants, lors d'une manifestation contre la loi Travail, mardi, a suscité une vague d'émotions. Mais des membres du personnel dénoncent aujourd'hui une récupération politique.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Manuel Valls, le Premier ministre, et Marisol Touraine, la ministre de la Santé, devant l'hôpital Necker, à Paris, le 15 juin 2016. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

En quelques heures, l'hôpital Necker, à Paris, a été catapulté au cœur du débat politique. Lors de la mobilisation contre la loi Travail, mardi 14 juin, des vitres de l’établissement ont été brisées par des casseurs, en marge de la manifestation. Un acte de vandalisme parmi beaucoup d'autres, mais qui a suscité une grande émotion : l'hôpital, spécialisé dans les soins pour enfants malades, venait d'accueillir le petit garçon dont les deux parents ont été assassinés la veille par le terroriste Larossi AbballaFrancetv info déroule le récit.

Un journaliste filme des manifestants brisant les vitres de l’hôpital Necker

Lors du rassemblement contre la loi Travail, manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés pendant près d'une heure à l’angle du boulevard des Invalides et de la rue de Sèvres, où se trouve l'hôpital. Soudain, un homme muni d'une masse est venu briser plusieurs baies vitrées de l'établissement.

La scène a été filmée par un journaliste du Monde, qui couvrait la manifestation. En arrière-plan, on peut voir un second manifestant donner un coup de pied sur un carreau, avant que l'on entende un autre homme l'interpeller : "Eh, c'est un hôpital de gosses, putain !" "J'ai l'impression que c'est un acte isolé. Aucun projectile n'a été envoyé contre la façade", explique le journaliste au Huffington Post (une version contredite par le directeur de l'AP-HP, qui évoque "des pavés lancés" contre la façade). Au total, l’AP-HP –l’établissement public qui gère l'hôpital– a compté 15 vitres brisées. Des tags ont aussi été inscrits à la bombe sur la façade.

Pendant que les canons à eau de la police dispersaient la foule, les images se sont répandues comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation des internautes.

L'AP-HP annonce qu'elle va porter plainte et Martin Hirsch, le directeur de l'établissement public, rappelle que "derrière les vitres visées, il y a des blocs opératoires". "Pendant ces attaques, il y avait des enfants qui étaient opérés et des équipes soignantes au travail, sous les bruits et les menaces des projectiles. Les soins ont été perturbés", explique-t-il dans un message destiné au personnelLes équipes que nous avons rencontrées sont sous le choc. On les comprend et on partage leur indignation, leur émotion. Rien ne peut expliquer ou justifier une violence tournée vers un hôpital." Il précise également : "La signalétique montrait sans ambiguïté qu’il s’agit d’un établissement de soins. Les vitres cassées sont à quelques mètres de l’inscription 'Hôpital-Necker. Enfants Malades'."

Les ministres s'emparent du dossier et menacent de limiter le droit de manifester

Le dossier fait boule de neige, lorsque Bernard Cazeneuve annonce au "20 heures" de France 2 que le petit Mathieu, l'enfant des deux policiers assassinés la veille par le terroriste Larossi Abballa, était pris en charge dans l'hôpital Necker.

Cazeneuve s'insurge contre les violences faites aux policiers lors des manifestations
Cazeneuve s'insurge contre les violences faites aux policiers lors des manifestations Cazeneuve s'insurge contre les violences faites aux policiers lors des manifestations (FRANCE 2)

Le lendemain, c'est Manuel Valls qui fait le déplacement pour constater les dégâts. "C'est la première fois, de mémoire, que l'on s'attaque à un hôpital (...). Des casseurs s'attaquent non seulement à des bâtiments publics, mais voulaient aussi tuer des policiers", lance le Premier ministre devant les caméras.

Quelques heures plus tard, à huis clos lors du Conseil des ministres, François Hollande a parlé d'une "attaque vandale contre un lieu de solidarité qui discrédite tout ceux qui en sont à l'origine", selon Le Parisien. A la sortie de ce rendez-vous gouvernemental, le débat est encore monté d'un ton avec la prise de parole de Stéphane Le Foll. "Il ne pourra plus y avoir d'autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes, je pense en particulier à ce qu'il s'est passé à l'hôpital, ne sont pas garantis", a lancé le porte-parole du gouvernement. 

Des membres du personnel et un représentant CGT dénoncent une récupération politique

Droit de manifester, violences entre policiers et manifestants, assassinats terroristes : en l'espace de quelques heures, l'hôpital Necker est devenu le symbole de tout ce qui secoue la France. Au point de susciter "la colère" de certains membres du personnel de l'établissement, qui dénoncent une opération politique.

Interrogé par francetv info, un membre de l'équipe médicale fustige une entorse vis-à-vis du secret médical de la part de Bernard Cazeneuve. "Beaucoup d'entre nous ne savaient pas que cet enfant était là et ce n'était pas au ministre de l'annoncer en 'prime time'. Les médecins ont besoin de tranquillité pour gérer ce petit garçon qui, en l'espace de 24 heures, est devenu orphelin et a été instrumentalisé par l'échec politique de ce gouvernement, explique-t-elle. Des voyous ont vandalisé l'hôpital, mais il faut laisser la justice faire son travail."

Même son de cloche du côté des syndicats de l'hôpital, qui y voient une récupération politique. "Nous condamnons d'emblée les faits. Cette attaque de casseurs contre un hôpital public est inacceptable et n'a rien à voir avec la mobilisation, explique à francetv info Olivier Cammas, représentant CGT à l'AP-HP. Le problème, c'est qu'on se retrouve à ne plus traiter le fond, c'est-à-dire l'opposition à la loi Travail, mais seulement à se focaliser sur cet événement médiatique et politique."

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