"Guerre de tranchées", "impasse politique", "encerclement total"... Comment la presse européenne analyse la crise française
La presse étrangère regarde la crise sociale française avec inquiétude.
Stations-essence à sec, centrale nucléaire à l'arrêt, manifestations qui dégénèrent... Le regain de tension autour de la mobilisation contre la loi Travail intéresse nos voisins européens. L'intérêt est d'autant plus important que cette situation explosive survient à deux semaines du début de l'Euro de football. Voici une petite revue de presse européenne.
Des inquiétudes sur le contexte social
"La fin du quinquennat de François Hollande ressemble à une guerre de tranchées", écrit le journal suisse Le Temps, qui consacre un dossier spécial cette semaine à "la France qui craque". "La situation sociale est des plus tendues", abonde La Tribune de Genève.
A un an de l'élection présidentielle, les convulsions sociales et le sentiment d’impasse politique dans lesquels est englué notre grand voisin constituent un défi de taille.
"Tandis que la grève du carburant bloque de nombreux touristes, voilà que des bagarres éclatent à présent dans les stations-service", s'inquiète de son côté le Daily Mail (en anglais). "Un de mes amis (...) m’a raconté qu’il y a deux jours, des gens se sont battus avec la personne chargée de rationner le débit à la pompe", témoigne James, un lecteur, dans les colonnes du quotidien britannique. "Si vous devez traverser la France, remplissez votre réservoir avant de quitter le Royaume-Uni !" conseille un voyagiste.
"Rien ne va plus", s'émeut en Allemagne le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung. "La France se révolte", abonde la radio publique Deutschlandfunk. "Si la grogne sociale prend de l'ampleur, elle risque de décourager les investissements étrangers déjà fragiles", prévient pour sa part le Telegraph (en anglais), qui s'inquiète aussi de la montée en puissance de ces grèves à moins de trois semaines de l'Euro.
Des questions sur la stratégie politique
Plusieurs quotidiens estiment que la crise sociale qui embrase l'Hexagone est avant tout une crise politique. "Le gouvernement, déterminé, est néanmoins pris en étau : d’un côté les manifestants jusqu’au-boutistes, et de l’autre une opposition politique de plus en plus critique", constate La Tribune de Genève.
L’encerclement du gouvernement socialiste est total.
Mais pour Le Temps, François Hollande, "tacticien impopulaire considéré comme un président faible", ne peut pas reculer : "Un renoncement devant la CGT, un an avant la fin de son quinquennat, porterait un coup fatal à son dernier capital de crédibilité."
A qui attribuer la responsabilité de ce blocage ? Outre-Rhin, le quotidien de Düsseldorf, Handelsblatt, n'hésite pas à pointer du doigt le rôle des syndicats qui, selon lui, outrepassent leur rôle de négociateur social.
Les syndicats ne devraient pas avoir le droit de remettre en cause une loi qui est passée au Parlement.
Le fait que l'emploi ne soit "pas la préoccupation première des acteurs de ce psychodrame" est insupportable, selon l'éditorialiste du journal belge Le Soir, cité par France Culture. "La loi El Khomri n’est, en réalité, qu’une occasion pour les uns et les autres de se positionner dans un jeu autrement plus obsessionnel : la prochaine présidentielle", ajoute l'éditorialiste.
Des encouragements pour François Hollande
Même s'il est critiqué sur la méthode, François Hollande reçoit un satisfecit de la presse étrangère, qui estime que la loi Travail va dans le bon sens. En Allemagne, le Süddeutsche Zeitung, tout comme le Frankfurter Allgemeine Zeitung, donnent raison à François Hollande, qui se comporte en "digne héritier de Gerhard Schröder". Le chancelier social-démocrate allemand avait imposé une réforme impopulaire du droit du travail au début des années 2000.
Si le président avait fait autant preuve de "détermination et clarté" dès le début de son quinquennat, "ce pays en crise irait mieux aujourd'hui", insiste le Süddeutsche Zeitung.
Mais le Financial Times apporte un bémol. Car si le journal britannique donne raison au président français sur le fond, il regrette le manque de clarté. "François Hollande, élu sur un manifeste construit autour des valeurs socialistes traditionnelles, a échoué à faire avaler les réformes à une opinion publique sceptique", estime le journal. Un décalage entre les promesses et les actes qui fait qu'aujourd’hui, les "électeurs se sentent trahis". Et que seule "une personne croit encore en François Hollande : lui-même", tacle en Suisse le Berner Zeitung (en allemand).
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