Ouvrir un commerce à la campagne
Ouvrir un commerce à la campagne, c'est tentant. Toutefois, c'est une aventure humaine et professionnelle périlleuse. Avant de se lancer, il est préférable d'avoir bien réfléchi à son projet : déménagement, nouveau travail, intégration, perspectives...
Le commerce s'envisage dans les secteurs formels et informels
La préparation du candidat qui veut ouvrir un commerce à la campagne doit aussi porter sur le territoire, la commune et la clientèle visés. "Il faut prendre contact avec les agents du développement, les élus, les animateurs du pays, recommande Jean-Yves Pineau, pour avoir une idée très précise de l'environnement, des conditions de vie et les confronter à ses propres suppositions, pour voir s'il n'y a pas trop de décalages." Posez-leur les bonnes questions : y a-t-il un logement ? Une école ? Y a-t-il suffisamment de clients potentiels dans la zone de chalandise ? Les fournisseurs livrent-ils à cet endroit ? Quels sont les réseaux formels et informels ?... Attention aussi aux effets d'annonce. Certaines régions affichent une politique très volontariste en termes d'actions et de politique d'accueil vis-à-vis de nouvelles populations. "On assiste à des dérives comme celle qui consiste à mettre les gens dans une position de consommateurs. Même s'il existe des opportunités de création ou de reprises d'entreprise, ou des aides de la part de la région, il faut être acteur de sa démarche, de son installation et de son ancrage dans le territoire." Ainsi, au-delà du travail lui-même, il faut s'intéresser au cadre et à l'intégration sociale. Ouvrir un commerce à la campagne exige une reconversion professionnelle profonde.
L'ère du commerce multiservices ?
Autre fantasme du citadin désireux de partir au vert : ouvrir ou reprendre une épicerie. Le commerce idéal à la campagne ! Dans les petites communes, ce type de commerce peut se voir adjoindre d'autres services. Il peut se coupler avec un débit de boisson, être un point relais de la Poste ou de la Redoute, un dépôt de pain, un lieu pour téléphoner, retirer de l'argent, faire des photocopies, acheter des cartes de pêche, des fleurs... "Le concept du commerce multiservices est avant tout d'être un lieu de vie. Cela ancre le commerçant dans la vie locale, facilite son intégration, lui fait jouer un rôle social", estime Michel L'Anton, animateur au commerce à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Riom, en Auvergne. Dans la réalité, ce genre de commerce est difficilement rentable. "Sachez que vous gagnerez un petit Smic pour 60 heures par semaine, résume Xavier de Penfentenyo, directeur du Sicler, une association tourangelle qui sert d'interface entre les candidats à l'installation et les collectivités locales. La réalité, c'est que les maires ruraux recherchent des personnes ayant des compétences utiles à leur commune. Ils veulent pouvoir assurer la relève de leurs artisans et commerçants, spécialisés dans les métiers de bouche, du bâtiment et de la mécanique." Ouvrir un commerce à la campagne oui... à condition d'être multifonction.
Quels sont les moyens humains à déployer pour réussir son commerce ?
"Quitter la ville pour la campagne entraîne une rupture personnelle et professionnelle. On doit changer ses habitudes, ses amis, son travail. Il est donc primordial de se poser les bonnes questions et de réfléchir à ses motivations", conseille Olivier Denoual, chargé de missions du collectif Ville Campagne. Pour les néo-ruraux, les difficultés d'adaptation à la vie locale (47 %) tout comme celles d'intégration à la population locale (42 %) représentent les deux principaux facteurs d'échec des installations à la campagne (sources : Ipsos, 2003). "J'ai en tête des échecs qui se sont fait non pas sur l'aspect économique du commerce, mais parce que la greffe humaine n'a pas pris, raconte Michel L'Anton. Dans une petite collectivité, on est plus exposé au regard des autres. Un faux pas par rapport à un membre du club de foot local peut avoir des conséquences fâcheuses sur un chiffre d'affaires..." Ouvrir un commerce à la campagne, ce n'est pas que réussir son contact avec ses collègues et ses clients comme dans le cadre d'un emploi urbain, mais aussi avec toute une communuaté. Xavier de Penfentenyo va plus loin en affirmant que "le moteur de la réussite d'une installation, c'est l'humain. A partir du moment où il y a confiance entre le candidat et l'élu, on peut aller très loin." Et de citer en exemple, cette maire qui s'est portée garant personnel pour que ce jeune couple de boulanger, très motivé mais interdit bancaire, puisse acheter son matériel. Elle est même allée jusqu'à accompagner le boulanger dans ses tournées lorsque sa femme est tombée malade...
Rédigé par Corinne DillensegerPublié le 18/03/2008
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