Posé au milieu des volcans d’Auvergne, le village médiéval d’Allègre, en Haute-Loire. Cette commune de moins de 900 habitants se situe depuis dix ans dans une zone AVAP : aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine. Au pied de ses remparts, ce retraité a acheté en mars cette demeure de trois étages moyennant 35 000 euros pour y habiter et installer une librairie.Une bâtisse dépourvue d’isolation et de chauffage dont la rénovation est indispensable. Mais compte tenu de sa valeur historique, l’architecte des bâtiments de France oblige Bruno Salgues à respecter un cahier des charges très précis :"Ici ce sont des fenêtres à petits carreaux et à simple vitrage, donc ce sont typiquement des fenêtres passoires thermiques, malheureusement on ne peut pas mettre de fenêtre à double vitrage parce que sinon les bords seraient trop gros, dans l’AVAP il est marqué qu’il faut des fenêtres à petits carreaux", explique-t-il.Et ce n’est pas tout : en plus des exigences sur les fenêtres, le cahier des charges de l'AVAP d'Allègre oblige par exemple que l’avant-toit soit constitué de planches de volige aux abouts chantournés. Les murs, eux, doivent être enduits d’un mortier à la chaux naturelle.Des centres-bourgs dépeuplésDes contraintes pour conserver l’aspect extérieur de la maison qui seraient rédhibitoires pour beaucoup d’habitants selon ce propriétaire : "dès qu’on touche quelque chose comme ça, ça coûte très cher. Ça explique que les gens hésitent à s'installer dans ce genre de maison et que la majorité des maisons du centre-bourg sont fermées".Le village d’Allègre a d’ailleurs perdu 10% de sa population en 10 ans. Le label de protection du patrimoine serait-il partie responsable de ces départs ?En France, un millier de communes sont concernées. Comme celle de Thiron-Gardais dans l’Eure-et-Loir où Joëlle Richert a racheté une maison dans une zone protégée pour installer son commerce."Sur Thiron-Gardais le PVC est interdit et donc on doit aller sur de l'alu ou du bois. Donc on est partis sur de l’alu, qui est quand même 30% plus cher que le PVC, et on n’a pas pu exactement choisir la couleur, il a donc fallu refaire un devis", dit-elle.Pour cette maison achetée 60 000 euros, elle a obtenu un devis de travaux de 16 000 euros, qui a depuis augmenté de 50% avec l’inflation. Et pour ce chantier elle touche une prime de 450 euros de l’Etat. Dérisoire dit-elle.Ce serait bien qu’on prenne en compte dans les aides qu’on n'a pas les mêmes contraintes que les autres. Nos travaux reviennent 30 à 40% plus cher.Joëlle Richer, habitante de Thiron-Gardaisà l'Œil du 20 heuresLe maire de Thiron-Gardais dénonce lui un paradoxe. Quand le besoin de rénovations vertueuses devient parfois un handicap. Ici, le maire a racheté deux maisons et commencé quelques travaux."Celle-ci, on n'arrive pas à la vendre" confie-t-il. "En termes de rénovation énergétique, il y a beaucoup de travaux à faire. Forcément en termes d’accès à la propriété aujourd’hui, pour une famille d’ici, elle n’ira pas vers ce type de bien".Contacté, le ministère de la Culture reconnaît que la restauration du bâti ancien demande un investissement mais précise que les propriétaires peuvent aussi bénéficier de crédits d'impôts et d’aides de la région au cas par cas.Parmi nos sources (liste non-exhaustive) :Site du ministère de la CultureLa liste des Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR)Les règles d'urbanisme de la commune d'AllègreMétiers du patrimoine