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A quoi ressemblerait un plan d'économies décidé par les Français ?

Manuel Valls a dévoilé son plan d'économies de 50 milliards d'euros, mais comment les Français s'y prendraient-ils à sa place ? Francetv info a compilé les récents sondages sur la question.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Le Premier ministre, Manuel Valls, présente son plan de 50 milliards d'euros d'économies à Paris, le 16 avril 2014. (PHILIPPE WOJAZER / AFP)

Ils ne veulent toucher ni à l'éducation, ni à la santé, ni à la police, ni à la justice. Selon plusieurs sondages, les Français sont prêts à faire des efforts pour contribuer à la réduction des déficits publics, mais pas n'importe lesquels.

Francetv info a compilé plusieurs enquêtes d'opinion* réalisées ces derniers mois, pour savoir dans quels domaines les Français accepteraient des coupes budgétaires. Leurs préconisations sont assez éloignées du plan de 50 milliards d'euros d'économies annoncé par Manuel Valls, mercredi 16 avril.

Voici les pistes qui s'esquissent au travers de ces sondages. L'addition des économies ainsi réalisées totalise toutefois à peine plus de 20 milliards d'euros, loin des objectifs à atteindre...

1Le train de vie des élus

Ce que les Français souhaitent. La mesure fait presque l'unanimité. Quand on les interroge sur les économies à réaliser, une écrasante majorité de Français appelle les pouvoirs publics à donner l'exemple et les élus à réduire leur train de vie. La proposition est plébiscitée par 86% et 89% des personnes interrogées dans deux sondages réalisés ces derniers mois.

Ce qui a déjà été fait. "Il faut réduire le train de vie de l'Etat", a martelé mercredi Manuel Valls. Ces dernières années, les pouvoirs publics ont déjà pris plusieurs mesures symboliques en la matière. L'Elysée a par exemple vendu une partie de ses grands crus, préférant désormais fournir sa cave avec des vins moins onéreux. Les salaires du président et du Premier ministre ont été diminués par décret.

Peut-on aller plus loin ? Difficile d'imaginer les élus restreindre eux-mêmes leurs indemnités. Quand bien même, une telle diminution n'aurait qu'un impact limité par rapport à l'importance du déficit. L'Expansion avait fait le calcul en 2010 et estimé qu'une réduction de 10% du salaire des députés, sénateurs et maires et de 15% de celui des ministres ne rapporterait que 54 millions d'euros. Pour le député PS René Dosière, spécialiste du train de vie de l'Etat, des efforts pourraient être réalisés sur la taille des cabinets ministériels et le salaire des collaborateurs. Interrogé par Le Point, il estime qu'un peu moins de 64 millions d'euros par an pourraient ainsi être économisés.

2Le nombre et le salaire des fonctionnaires

Ce que les Français souhaitent. Ils ont beau être nombreux - presque 5,5 millions selon les chiffres de l'Insee -, les fonctionnaires français semblent mal aimés dans les sondages. Dans trois enquêtes différentes, un tiers des sondés réclament soit la diminution de leur nombre, soit une baisse de leur salaire. En cas de carrière complète, chacun d'entre eux coûterait 3,5 millions d'euros à l'Etat, selon les calculs du Point, retraites et pensions de réversion incluses.

Ce qui a déjà été fait. Les fonctionnaires doivent "contribuer à notre effort commun", a expliqué Manuel Valls mercredi. Le Premier ministre a annoncé le maintien du gel du point d'indice, déjà bloqué depuis 2010 : hors avancement, leur salaire stagne donc, ce qui se traduit par une baisse de niveau de vie dans un contexte d'inflation et de hausse du coût de la vie. A cela s'ajoute une diminution des effectifs des ministères, sauf pour l'Education nationale, la sécurité et la justice.

Peut-on aller plus loin ? "S'il y a trop de fonctionnaires, il faut en réduire le nombre et non pas les sous-payer", estime le conseiller d'Etat Bernard Pêcheur, auteur d'un rapport sur la fonction publique remis à Matignon en novembre dernier. Combien pourrait-on gagner en réduisant drastiquement le nombre de fonctionnaires ?

Entre 2000 et 2011, les trois fonctions publiques (d'Etat, territoriale et hospitalière) ont accueilli plus de 500 000 agents supplémentaires (p. 240 du rapport) - soit une augmentation d'environ 10% des effectifs. Les dépenses de personnel de la fonction publique en 2011 s'élevant à 211 milliards d'euros (p. 385 et suivantes), un calcul grossier se basant sur le coût moyen d'un fonctionnaire permet d'obtenir un ordre de grandeur d'environ 20 milliards d'euros d'économies en revenant aux effectifs de l'année 2000. 

Ce choix radical se heurterait cependant à une équation politique très difficile pour l'exécutif. Les syndicats de fonctionnaires renâclent déjà face au gel du point d'indice, qui devrait durer jusqu'en 2017 selon des sources gouvernementales. "Insupportable", "inacceptable", assurent-ils : certains se préparent déjà à "l'affrontement"

3Le budget de la défense

Ce que les Français souhaitent. En temps de paix, les Français ne semblent pas compter l'armée parmi leurs priorités. Dans plusieurs sondages, ils sont environ 30% à souhaiter tailler dans les dépenses militaires. 42% préconisent même d'abandonner la dissuasion nucléaire, selon un sondage BVA pour Aviva et Les Echos. Avec 42,19 milliards d'euros en 2014, le budget du ministère de la Défense reste le troisième de l'Etat, après l'Education et la charge de la dette.

Ce qui a déjà été fait. Adoptée par le Parlement, la loi de programmation militaire 2014-2019 fixe des réductions budgétaires à l'armée, avec notamment une diminution prévue de près de 34 000 emplois sur la période et de nouvelles restructurations. La précédente réforme avait déjà mené à la fermeture de 83 sites militaires dans l'Hexagone, rappelle Le Monde.

Peut-on aller plus loin ? Non, d'après Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste de la politique française de défense, contacté par francetv info. "C'est un budget qu'il est compliqué de réduire, sinon on risque de casser l'outil militaire, explique-t-il. Il faut sans cesse renouveler les équipements, maintenir la recherche technologique." Sous peine que la France ne soit distancée par d'autres nations. Mais des économies sont de tout de même possibles, selon la Cour des comptes. En 2013, l'institution avait estimé que le ministère pourrait économiser 300 millions d'euros sur ses achats de maintenance, en exerçant une pression plus importante sur ses fournisseurs.

4La contribution à l'Union européenne

Ce que les Français souhaitent. En période de disette budgétaire, les Français ne semblent pas apprécier de voir l'argent de l'Etat quitter l'Hexagone. Ils sont 48%, selon un sondage Ifop pour Acteurs publics et Ernst & Young, à estimer que la France devrait réduire sa participation au budget de l'UE. Avec 21,9 milliards d'euros en 2013, elle en est le deuxième contributeur, après l'Allemagne, rappelle Toute l'Europe.

Ce qui a déjà été fait. La tendance ne devrait pas s'inverser dans l'immédiat. Le Parlement européen a adopté en novembre dernier un nouveau cadre budgétaire pour la période 2014-2020, à l'issue de longues tractations. Si l'enveloppe globale diminue, la France payera 2,2 milliards d'euros supplémentaires par an environ, selon les calculs du site spécialisé Euractiv.fr.

Peut-on aller plus loin ? La France n'a pas forcément intérêt au bras de fer, car elle touche aussi beaucoup d'aides européennes, notamment au titre de la politique agricole commune. En 2010, la France était même le premier pays bénéficiaire des dépenses du budget communautaire, avec 13,1 milliards d'euros, selon un rapport du Sénat. Sur la période 2014-2020, la France continuera à récupérer 11,5 milliards d'euros par an, assure Euractiv.fr.

5Les minima sociaux et le chômage

Ce que souhaitent les Français. Ils sont environ un sur cinq, selon les différentes études, à souhaiter s'attaquer aux minima sociaux ou à l'indemnisation du chômage. Selon le ministère de l'Economie, 20,1 milliards d'euros ont été distribués en 2011 au titre des neuf minima sociaux, parmi lesquels le RSA, l'Allocation adulte handicapé ou le minimum vieillesse. L'assurance chômage a, elle, versé 33,5 milliards d'euros d'allocations et de cotisations sociales en 2012, d'après les chiffres de l'Unedic.

Ce qui a déjà été fait. Pas question de toucher aux minima sociaux, a prévenu Manuel Valls, et ce "pour veiller au sort des plus démunis". Pour ce qui est de l'assurance chômage, les partenaires sociaux ont négocié fin mars un accord, qui sans toucher aux montants des indemnités, prévoit de durcir le régime des intermittents du spectacle et de retarder les allocations pour les cadres qui ont touché d'importantes indemnités de départ.

Peut-on aller plus loin ? La démarche paraît politiquement hasardeuse dans un contexte où le chômage reste à un niveau très élevé. Cela d'autant plus que le gouvernement a martelé que son plan d'économies serait "juste" et les efforts "équitablement répartis". "On ne touche pas au modèle social", a promis Manuel Valls. François Hollande avait déjà prévenu à la mi-janvier : "Ce n'est pas à un moment où il y a un taux de chômage élevé qu'il faut réduire les droits des chômeurs."

 


*Les sondages utilisés :

"La question de l'Eco", sondage OpinionWay pour Tilder et LCI, mars 2013.

"Les Français et la dépense publique", sondage OpinionWay pour Le Figaro Magazine, octobre 2013.

"Les Français et la réduction des dépenses publiques", sondage Ifop pour Le Journal du Dimanche, novembre 2013.

"Les Français et la réduction du déficit", sondage BVA pour Les Echos et Aviva, novembre 2013.

"Les Français et la dépense publique", sondage Ifop pour Acteurs publics, février 2014.

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