Déclin de l'espérance de vie, crise de confiance... Le monde a fait un bond de 5 ans en arrière avec le Covid-19, selon un rapport de l'ONU
D'après le Programme de l'ONU pour le développement (Pnud), l'indice de développement humain est revenu à son niveau de 2016.
Le monde est en déclin et quasiment aucun pays n'est épargné. C'est le triste et inquiétant constat d'un rapport du Programme de l'ONU pour le développement (Pnud) publié jeudi 8 septembre. Pour la première fois depuis sa création il y a 32 ans, l'indice de développement humain (IDH), qui prend en compte espérance de vie, niveau d'éducation et de vie, a reculé deux années de suite, en 2020 et en 2021.
L'IDH est revenu à son niveau de 2016. "Cela veut dire que nous mourons plus tôt, que nous sommes moins éduqués et que nos revenus baissent", explique Achim Steiner, le patron du Pnud, interrogé par l'AFP. "Avec ces trois paramètres, vous pouvez avoir une idée de pourquoi les gens commencent à être désespérés, frustrés, inquiets pour l'avenir", insiste-t-il. Franceinfo résume ce que contient ce rapport.
Un déclin qui touche 9 pays sur 10
Le recul de l'IDH concerne plus de 90% des pays de la planète, même si les inégalités entre pays sont toujours flagrantes. En haut de la liste, se trouvent toujours la Suisse, la Norvège et l'Islande. La France, elle, est 28e, mais son IDH a baissé, notamment à cause de l'espérance de vie, passée de 82,7 ans en 2019 à 82,5 ans en 2021. Entre 2019 et 2021, le produit national brut français par habitant a aussi baissé de plus de 1 000 dollars. Enfin, le calcul du niveau d'éducation ne joue pas en faveur de la France.
Tout en bas du classement, on retrouve le Soudan du Sud, devant le Tchad et le Niger. Et si certains pays commencent à se remettre des conséquences de la pandémie de Covid-19, beaucoup d'autres en Amérique latine, en Afrique sub-saharienne, en Asie du Sud ou dans les Caraïbes n'ont pas eu le temps de se relever que s'abattait déjà une nouvelle crise : la guerre en Ukraine.
Et l'invasion russe soulève déjà les craintes pour l'année prochaine, avec ses impacts pour la sécurité alimentaire et énergétique, pas encore pris en compte dans l'indice de développement humain de 2021. "Sans aucun doute, la perspective pour 2022 est sombre", prévient ainsi Achim Steiner.
Une espérance de vie en net recul
Le recul de l'indice de développement humain s'explique en grande partie par une baisse de plus d'un an et demi de l'espérance de vie entre 2019 et 2021 (71,4 ans en 2021 contre 73 ans en 2019) alors qu'elle avait tendance à gagner quelques mois de plus chaque année. "Malgré la reprise importante de l'économie en 2021, l'espérance de vie continue à décliner", a noté Pedro Conceiçao, l'auteur du rapport, lors d'une conférence de presse. Selon lui, ce déclin constitue un "choc sans précédent".
"Aux Etats-Unis, il y a eu une baisse de deux ans de l'espérance de vie. Dans d'autres pays, la chute est encore plus grande."
Pedro Conceiçao, auteur du rapporten conférence de presse
Une pandémie qui révèle les inégalités
Si certains pays commencent à sortir la tête de l'eau, le Covid-19 a mis en lumière les inégalités qui persistent au niveau mondial. "Les différences d'accès aux vaccins ont montré à quel point notre monde est devenu inégal et comment l'accès à quelque chose qui peut sauver la vie est conditionné à qui a le plus gros carnet de chèques", observe Achim Steiner.
"La pandémie a été un douloureux rappel de la manière dont la perte de confiance et le manque de coopération – entre les nations et au sein de celles-ci – limitent bêtement ce que nous pouvons accomplir ensemble."
Achim Steiner, administrateur du Programme de l'ONU pour le développementdans le rapport
A cela se sont ajoutées les catastrophes climatiques qui se sont multipliées ces dernières années. Cette superposition d'événements n'ont pas donné le temps aux populations de reprendre leur souffle. "Nous avons vécu des catastrophes avant, nous avons eu des conflits avant, mais la confluence de ce à quoi nous sommes confrontés aujourd'hui est un recul majeur pour le développement de l'humanité", insiste le patron du Pnud.
Une incapacité à agir paradoxale
L'état du monde alimente "méfiance" et "frustration" à travers la planète, s'alarme également l'ONU. Ainsi, le rapport décrit un monde et une population "perturbés" par ces crises qui s'accumulent et l'"incertitude" qui en découle. "Les gens ont perdu confiance", estime Achim Steiner, qui craint que les frustrations ne mènent certains sur la voie des extrêmes et de la violence. "Nos voisins deviennent parfois la principale menace. Et cela nous paralyse."
"Nous ne pouvons plus continuer avec les règles du jeu du siècle dernier, focalisé sur la croissance économique. La transformation dont nous avons besoin requiert de nouveaux indicateurs : bas carbone, moins d'inégalités, plus de durabilité..."
Achim Steiner, administrateur du Pnudà l'AFP
Le rapport suggère donc de se concentrer sur trois axes : investir dans les énergies renouvelables et la préparation aux futures pandémies, promouvoir l'assurance (y compris la protection sociale) pour absorber les chocs, et innover pour renforcer les capacités à faire face aux prochaines crises. "Le véritable paradoxe de notre époque est peut-être notre incapacité à agir, malgré les preuves de plus en plus nombreuses de la détresse que les pressions humaines sur la planète font subir aux systèmes écologiques et sociaux", relève le rapport.
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