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Économie française : cinq choses à savoir sur la croissance record de 7% en 2021

Selon l'Insee, le produit intérieur brut français a augmenté de 7% en 2021. Un chiffre jamais atteint depuis plus d'un demi-siècle, après la forte récession de 2020. Mais peut-on vraiment se réjouir de cette croissance record ?

Article rédigé par franceinfo - Thomas Destelle Avec AFP
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Le ministère de l'Economie le 8 avril 2020. Photo d'illustration. (BERTRAND GUAY / AFP)

C’est un Bruno Le Maire tout sourire qui est intervenu sur le plateau des "4 Vérités" dans la matinée du vendredi 28 janvier. En 2021, la croissance française a atteint le chiffre record de 7%, a indiqué l'Institut national de la statistique (Insee). Le ministre de l’Économie a souligné ce "rebond spectaculaire” du Produit intérieur brut (PIB) hexagonal n’hésitant pas à affirmer que "la politique économique du gouvernement est efficace”. Mais peut-on être aussi enthousiaste que le locataire de Bercy face à cette augmentation de notre richesse nationale et dire que la crise économique liée à l’épidémie de Covid-19 est derrière nous ? Franceinfo vous aide à y voir plus clair.

Une croissance inédite depuis 52 ans

La dernière fois que les Français avaient connu une telle croissance c’était en 1969 (7,1%), juste après la crise provoquée par le mouvement de mai 1968. Emmanuel Macron n’était d’ailleurs pas encore né. La croissance du PIB français en 2021 atteint donc un record (7%) qui n’avait pas été vu depuis plus d’un demi-siècle. Un chiffre observé après avoir connu une baisse vertigineuse en 2020 à cause de la crise sanitaire avec près de -8%, et un début d’année 2021 marqué par la troisième vague de l'épidémie et des restrictions encore importantes. La croissance française a fortement accéléré en été, avec un ralentissement toutefois à 0,7% au dernier trimestre au moment de la quatrième vague du Covid.

“On avait beaucoup plongé en 2020, souligne sur franceinfo Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce plongeon, heureusement, n'a pas été durable. La remontée à la surface a même été plus rapide que prévu, ce qui fait qu'on a eu une reprise assez nette. Le simple fait de retrouver des niveaux d'activité d'avant-crise génère beaucoup de croissance.” Ce chiffre de 7% de croissance est d’ailleurs meilleur que prévu. L'Institut national de la statistique (Insee), dans sa dernière prévision datant de mi-décembre, tablait sur une croissance de 6,7% en 2021, un chiffre similaire à la prévision de la Banque de France. "C'est clairement un rebond très dynamique, on aurait difficilement pu l'espérer au début de l'année 2021", avance Charlotte de Montpellier, économiste chez ING à l’AFP.

Le PIB de 2021 est encore inférieur à celui de 2019

Ce bon chiffre de la croissance de 2021 efface- t-il la crise économique, comme l’affirme le ministre de l’Économie ? L’Insee nuance cet optimisme. Si le PIB au quatrième trimestre (T4) de l’année 2021 est au dessus du T4 de 2019 (+0,9%), sur l'ensemble de l’année ce n’est pas encore le cas. En 2021, le PIB reste ainsi "1,6 % en deçà de son niveau moyen en 2019", précise l'Insee.

Bruno. Le Maire a d’ailleurs reconnu dans les "4 Vérités" que certains secteurs "continuent à avoir des difficultés", notamment ceux du tourisme, de l'événementiel et de l'hôtellerie-restauration. La crise n’est donc pas derrière nous. “Le simple fait de retrouver des niveaux d'activité d'avant-crise génère beaucoup de croissance. Ça ne veut pas dire qu'on a une croissance des Trente Glorieuses, ça n'a rien à voir. On ne crée pas plus de valeur ajoutée en 2021 qu'en 2019, mais c'est l'effet de rattrapage”, souligne Mathieu Plane.

Une croissance record mais un endettement massif

Si le “quoi qu’il en coûte” et les plans de relance ont permis de relancer le PIB, ils accentuent aussi notre endettement public. Pour faire face à la crise sanitaire, l'État a dépensé en 2021 un peu plus de 60 milliards d’euros au total. Un soutien à la croissance qui a pour conséquence direct d’alourdir le déficit public, qui devrait encore avoisiner les 7%, et de creuser la dette publique qui est autour de 113%. Pour Mathieu Plane de l'OFCE, “il y aura donc quand même la gestion de cette dette post-crise qui va être compliquée, y compris de la dette privée par les prêts garantis par l’Etat.”

Cette croissance "est une bonne nouvelle pour notre économie, l'emploi et les comptes publics", a réagi sur twitter le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt. Il espère que “cela réduira encore le déficit”.

Une des plus fortes croissances européennes

Cette croissance devrait toutefois permettre à la France de signer une des meilleures performances de la zone euro, chose rare. S’il faut toutefois mesurer cette hausse à l’ampleur du choc subi l'année précédente, la France fait mieux que ses voisins européens. La croissance est de 5% en Espagne alors que le pays avait connu -10,8% en 2020. En Allemagne, la croissance a plafonné à 2,8% en 2021 mais le recul du PIB était moins fort en 2020 (-4,9%).

"La France s'en sort plutôt pas mal par rapport aux grands pays mais pas forcément par rapport aux petits pays d'Europe du Nord qui s'en sortent mieux. En fait, la gestion économique et sanitaire nous profite plutôt un peu mieux que ce qu'on peut voir ailleurs."

Mathieu Plane, économiste à l'OFCE

à franceinfo

De nombreux indicateurs économiques français sont en effet au vert. Résultat notamment des aides publiques massives comme le chômage partiel et du fonds de solidarité mises en place pour faire face à l’épidémie. Le taux d’emploi atteint un niveau inédit depuis 1975, le chômage connaît une baisse record et l’investissement des entreprises a dépassé son niveau d’avant-crise. “Évidemment, il faut se réjouir du résultat de 2021 mais le plus dur reste à faire, explique Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l’épargne sur franceinfo. Je dirais que si 2022 est une année de transition, le tournant sera autour de 2023-2024. Et là, on pourra voir réellement l'état de l'économie française.”

Le risque Omicron et de l’inflation en 2022

Pour 2022, le gouvernement prévoit une croissance de 4%, un chiffre qui n’est pas si éloigné de celui de la Banque de France (3,6%). L’Insee, de son côté, tablait en décembre sur une croissance de 0,4% au premier trimestre, puis 0,5% au deuxième. C'était avant que la vague Omicron ne frappe le pays, mais le gouvernement se veut optimiste. "Je ne redoute pas les effets d'Omicron" sur la croissance, avait assuré mercredi Bruno Le Maire.

L'autre risque majeur pour l'économie reste l'inflation poussée par la hausse des prix de l'énergie. Elle s'élève à 2,8% sur un an en décembre. Elle pourrait peser sur le pouvoir d'achat des ménages et freiner leur consommation. “L'inflation crée des tensions importantes qui peuvent pénaliser la consommation dans les prochains mois, explique Philippe Crevel. Pour les catégories de ménages qui ont des revenus insuffisants, il va falloir faire des arbitrages comme dépenser moins dans les carburants ou en produits alimentaires. Et cela, évidemment, c'est mauvais pour la consommation.” L'exécutif a encore déployé plus de 15 milliards d'euros pour en limiter les effets de l’inflation. Ce sujet s'impose comme la première préoccupation des Français à moins de trois mois de l'élection présidentielle.

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