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Sommet européen : l'austérité perd-elle du terrain en Europe ?

Si aucune décision n'a été prise au sommet européen qui s'est achevé aujourd'hui, les lignes semblent bouger entre partisans de la rigueur et adeptes de la relance.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La chancelière allemande, Angela Merkel, le Premier ministre belge, Elio Di Rupo, et François Hollande, le 15 mars 2013 à Bruxelles (Belgique). (GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP/SIPA / AP)

"La croissance et l'emploi" au cœur des discussions. Jeudi 14 et vendredi 15 mars, les 27 pays de l'Union européenne se sont réunis à Bruxelles pour débattre, à nouveau, des arbitrages à effectuer entre austérité et relance de l'économie. La France et l'Allemagne continuent de s'affronter sur ce terrain, la première plaidant pour plus de largesse, la seconde pour une stricte application des engagements budgétaires de chaque pays.

Si aucune décision concrète n'a été prise, les lignes semblent toutefois bouger. Même si l'Allemagne fait toujours figure d'élève modèle, ses exigences en matière de rigueur budgétaire dans la zone euro n'ont pas toutes été satisfaites. Résumé de la situation.

L'Allemagne, bonne élève insolente

Outre-Rhin, on ne cache pas sa joie – sa fierté même. Mercredi, le gouvernement allemand s'est vanté d'être "envié par le monde entier" pour la bonne santé de ses finances publiques. Berlin a dévoilé un projet de budget à long terme qui prévoit une disparition du déficit structurel en 2014. A partir de 2016, le pays prévoit d'être excédentaire à hauteur de cinq milliards d'euros. "En toute modestie, c'est un résultat historique", a déclaré le ministre de l'Economie, Philipp Rösler.

Pourquoi faire preuve d'une telle autosatisfaction, à l'heure où l'austérité prônée par l'Allemagne est accusée de favoriser le chômage dans les pays d'Europe du Sud ? "L'objectif est double, analyse pour francetv info Eric Hayer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques. D'abord, l'Allemagne veut montrer qu'elle est le bon élève de l'Europe et qu'elle a la légitimité pour peser dans les négociations. Ensuite, le gouvernement tente de rassurer ses concitoyens qui reprocheraient aux pays en difficulté d'être un surcoût pour l'Allemagne."

Des délais pour la France, l'Espagne, l'Italie…

Le premier trimestre 2013 place l'Allemagne en position de force par rapport à la France. Selon La Tribune.fr, qui cite le cabinet Markit et des études de la Commission européenne, "l'écart s'est creusé en février, entre une Allemagne dont le PIB serait actuellement, au premier trimestre, en forte croissance, et une économie française au plus mal". Malgré ce rapport de force défavorable, la France a annoncé qu'elle n'atteindrait pas la sacro-sainte barre des 3% de déficit fin 2013, mais fin 2014, prenant ainsi le risque de froisser Berlin.

De fait, les politiques de rigueur n'agissent pas de la même manière des deux côtés de la frontière. "Les ordres de grandeur ne sont pas comparables, poursuit Eric Heyer. La rigueur en Allemagne devrait priver le pays de 0,1 point de PIB, alors qu'en France c'est plutôt 1,8 point." Néanmoins, "la Commission de Bruxelles n'a pas la force politique de s'opposer à Paris, estiment Les Echos. Berlin et Francfort ont grogné publiquement, mais cela s'arrêtera là : menacer vraiment la France inquièterait les marchés et replongerait l'euro dans la crise ; personne ne le veut."

Et la France n'est pas la seule dans ce cas. Le Figaro rappelle que "sur recommandation de la Commission, l'Eurogroupe a accordé deux ans de délai à la Grèce pour respecter ses objectifs de déficits ; l'Espagne a obtenu un an supplémentaire et le Portugal pourrait obtenir deux ans de plus pour revenir aux 3%."

Quel avenir pour le "pacte de croissance" ?

Il y a un peu plus d’un an, écrit le site Telos, "la Commission européenne prévoyait pour la France une croissance de 0,6% en 2012 et de 1,4% en 2013 ; aujourd’hui elle annonce 0,0% en 2012 et 0,1% en 2013". Or une croissance nulle pèse sur le redressement des finances publiques. Est-ce à dire qu'elle fait son mea culpa en accordant un délai supplémentaire à certains Etats ? "La Commission s'adapte à l'environnement des marchés, commente l'économiste Nicolas Véron, du think tank Bruegel. Ils ne sont plus autant focalisés sur la soutenabilité des finances publiques. Du coup, la Commission aussi se concentre davantage sur la croissance et les réformes structurelles. Elle met moins la pression."

Le sommet de cette semaine n'aboutira sur aucun accord politique. Les 120 milliards d'euros du pacte de croissance, promis par François Hollande, tardent à se concrétiser. "L'Allemagne est la principale responsable de ce blocage, poursuit Nicolas Véron, car elle est en période préélectorale. Je pense que rien ne changera avant les élections, au mois de septembre." Ne pourrait-on pas aller plus vite ? "Pour diminuer l'influence de l'Allemagne, il faudrait une réforme profonde des institutions européennes. Or, aucun consensus politique n'émerge sur cette question."

En ouvrant le sommet, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a déclaré : "Il faut trouver le juste équilibre. Ce n'est pas noir ou blanc, il y a plusieurs nuances de gris !" Vendredi, la couleur de cet équilibre n'a toujours pas été déterminée.

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