"Le meilleur moyen de calmer le jeu est de ne pas aller à l'affrontement" : face à la colère des agriculteurs, quelle est la stratégie du gouvernement ?
Au pied du mur face à la grogne. Mobilisation qui prend de l'ampleur, barrages sur les routes, soutien populaire et politique... Comment le gouvernement va-t-il parvenir à se sortir de la crise des agriculteurs, qui ressemble de plus en plus à une crise politique ? Le gouvernement envisage d'annoncer ses mesures pour mettre fin à la colère des agriculteurs en deux temps, d'abord en fin de semaine lors d'un déplacement de Gabriel Attal, puis mardi prochain lors du discours de politique générale du Premier ministre à l'Assemblée nationale. Dès lundi 22 janvier, à la sortie d'une première réunion avec des syndicats d'agriculteurs, le ministre de l'Agriculture ministre Marc Fesneau avait promis "un certain nombre de premières annonces" dans "la semaine".
Or, la pression est encore montée d'un cran, mercredi, notamment à Agen : "Ce qui s'est passé n'est pas acceptable", a ainsi dénoncé le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert, sur franceinfo, après que des membres de la Coordination rurale, syndicat d'agriculteurs classée à droite de la FNSEA, ont brûlé paille et pneus devant la préfecture, dont les grilles ont été maculées de lisier, sous les yeux de forces de l'ordre impassibles.
"Consigne de grande modération"
Malgré cela, Gérald Darmanin a rappelé, quelques heures plus tard dans une instruction aux préfets, "la consigne de grande modération" de la part des forces de l'ordre. Le ministère de l'intérieur écrit ainsi que c'est en tout dernier recours que les policiers et gendarmes pourront intervenir, dans le seul cas où l'intégrité des personnes serait menacée ou les bâtiments exposés à de graves dégradations. Des opérations éventuellement qui doivent être systématiquement filmées avec des caméras piétons. Le gouvernement reste donc fidèle à sa stratégie : laisser la colère s'exprimer. "Le meilleur moyen de calmer le jeu est de ne pas aller à l'affrontement", traduit ainsi un ministre.
"Les blocages ont lieu et il n'est pas question de venir empêcher cette expression de revendication qui se passe bien dans des conditions de sécurité respectées parce que les manifestations sont organisées dans un cadre légal"
Prisca Thévenotà la sortie du Conseil des ministres
Malgré l'actualité en France, l'agenda diplomatique d'Emmanuel Macron est très chargé : visite en Inde ces prochains jours, déplacement en Suède en début de semaine prochaine, puis conseil Européen où la simplification des normes a été ajoutée à l'ordre du jour. C'est donc de loin que le président va suivre ce qui ressemble à la première crise politique pour le gouvernement Attal et les premières tentatives de sortie de crise, avec des annonces très attendues par les manifestants.
"Pas de tabou"
Mais il faudra pour cela très probablement attendre vendredi, lors d'un déplacement de Gabriel Attal. Signe que ces annonces ne devraient plus trop tarder, le Premier ministre réunira Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture, Christophe Béchu, chargé de la Transition écologique et le ministre de l'Economie Bruno Le Maire jeudi à 8h30 à Matignon, tandis que des consultations continuent. "La nation agricole nous lance un appel. Nous l'avons entendu et nous allons continuer à y répondre", glissait ainsi Prisca Thévenot, mercredi à la sortie du Conseil des ministres, expliquant qu'il "n'y a pas de tabou".
Comprenez : des mesures si possible fortes, symboliques, percutantes. C'est en tout cas ce que souhaite Gabriel Attal, confirme un conseiller de l'exécutif. Des annonces qui collent aux revendications, susceptibles de concerner tous les agriculteurs, et donc de faire consensus. Parmi les sujets évoqués : un geste sur le gazole non-routier et des avances de trésorerie, la simplification des normes.
La "France du bon sens"
Sur ces normes, il "faut un moratoire", conseille un pilier de la macronie, qui rejoint le chef de l'Etat sur la simplification de ces règles. Emmanuel Macon lui-même avait vanté la "France du bon sens" lors de sa conférence de presse de mi-janvier. Sur le GNR, "si on veut désamorcer, il faut au moins dire qu'on regarde", conseille un ministre. Sans doute donc, revoir le calendrier de la hausse de la fiscalité, mais sans perdre de vue les impératifs de transition écologique, tempère une source gouvernementale.
Mais il y a une difficulté majeure pour l'exécutif : comprendre les revendications. "Elles sont différentes selon les territoires, il faut trouver des dénominateurs communs", assure un conseiller d'Emmanuel Macron, qui vante "le lien" du chef de l'Etat avec le secteur agricole. En attendant, le gouvernement répète que beaucoup a déjà été fait avec les assurances récoltes, les lois Egalim, la suspension de l'accord de libre-échanges Mercosur... À ce stade, ce n'est pas suffisant pour calmer la colère.
Objectif du gouvernement résumé de l'intérieur : éviter une radicalisation du mouvement, à défaut de l'arrêter. Certains le voient déjà se prolonger jusqu'au Salon de l'agriculture fin février, et font déjà un cauchemar : le jour de l'inauguration, Emmanuel Macron sous les huées et le lendemain Marine Le Pen et Jordan Bardella acclamés.
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