Angela Merkel, "bouc émissaire" de l'austérité en Europe
EUROPE. Raillée, caricaturée, critiquée : en Espagne, en Irlande et surtout en Grèce, la chancelière allemande est détestée par les populations touchées par la crise. Tour d'horizon.
A l'image des supporters pendant l'Euro de football, certains Européens ne cachent plus leur défiance vis-à-vis d'Angela Merkel. Chacune des déclarations de la chancelière allemande ou sa simple présence aux réunions européennes constituent une nouvelle occasion pour les populations victimes de la crise d'affirmer leur ras-le-bol contre les mesures d'austérités validées par Berlin. FTVi passe en revue les réactions les plus notables.
• Critiques, caricatures et insultes
Les données parlent d'elles-mêmes. Selon Cafe Babel.fr, Angela Merkel est aujourd'hui l'une des personnalités politiques les plus détestées en Grèce. Huit Grecs sur dix se disent opposés à la chancelière, alors que 78% mettaient l'Allemagne en tête de leurs pays préférés en... 2005.
Cette haine n'a pas échappé à la presse, qui s'en donne à cœur joie. Caricatures à gros traits et insultes ne sont pas rares. En février, le journaliste grec Giorgos Trangas a ainsi écopé d'une amende de 25 000 euros pour s'être lâché sur Angela Merkel en direct sur les ondes, rapporte en anglais le site Athens News. Mi-juin, Facebook a censuré une photo sur la page du journal satirique El Jueves, rapporte le Huffington Post.fr. Le dessin, mis à la une en novembre 2011, représente une Angela Merkel en sadomasochiste et un Mariano Rajoy en homme soumis.
Mais le "ras-le-bol de Merkel" n'est pas le seul apanage des Grecs. Leurs compagnons d'infortune irlandais, appelés aux urnes fin mai pour voter le pacte budgétaire européen (qu'ils ont adopté par 60 % des voix), expriment eux aussi leur colère à l'encontre de la chancelière. "Il y a un fort sentiment anti-Merkel qui se développe ici", confirme un membre irlandais du Parlement européen au site The Local (en anglais), évoquant "une aversion envers les banques allemandes que Merkel personnifie". Les Espagnols se sont joints au mouvement, en lançant début juin le hashtag explicite #StopMerkel sur Twitter. Succès immédiat.
Pero como hemos dejado q tenga tanto poder Merkel? Nos estamos yendo al paro todos y ella tan ancha. #StopMerkel Please RT #G20
— CHerrera (@HerreraCova) Juin 19, 2012
"Mais comment avons-nous pu donner autant de pouvoir à Merkel ? Nous sommes tous au chômage et elle ne réagit pas."
Lunchtime... a concept that many Greeks have sadly forgotten and Spaniards will have. #stopmerkel
— Alex (@Britnano) Juin 19, 2012
"Le déjeuner... Un concept que beaucoup de Grecs ont malheureusement oublié et que les Espagnols oublieront."
Renogiating the bailout in #Greece. Nein Nein Nein. Oh. #stopmerkel #eurocrisis
— George (@minefornothing) Juin 21, 2012
"Renégocier le sauvetage en Grèce. Nein, nein, nein. Oh."
• Merkel en uniforme nazi
Angela Merkel en uniforme, portant un brassard affublé d'une croix gammée : cette image choc a fait la une du tabloïd grec Dimokratia, début février, après l'approbation de nouvelles mesures d'austérité par le gouvernement grec. "Les vieux clichés concernant l'Allemagne reviennent", s'inquiète ainsi une journaliste du Wall Street Journal (en anglais), évoquant les incendies de drapeaux allemands et nazis qui sont survenus le même mois devant le Parlement grec.
"L'ingérence de Berlin [dans la crise] a ravivé les inimitiés historiques et suscité des comparaisons avec la situation de la Grèce lorsqu'elle était aux mains des nazis, il y a 65 ans", décrypte le Daily Mail (en anglais), qui s'est lui aussi illustré en 2011 pour sa critique virulente du "quatrième Reich".
"On a rarement donné une image aussi atroce des Allemands", regrette de son côté l'hebdomadaire allemand Der Spiegel (en anglais). Le journal cite notamment le dessinateur de presse grec Stathis Stavropoulos, connu pour montrer les Allemands "en uniforme de la seconde guerre mondiale et en train d'agresser sexuellement les Grecs".
• Les politiques s'y mettent aussi
L'anti-germanisme ne serait-il qu'une réaction primaire de peuples en colère ? Les déclarations de politiciens européens laissent penser le contraire. En novembre 2011, la France s'est ainsi illustrée en la matière, par la voix d'Arnaud Montebourg. Le désormais ministre du Redressement productif avait créé la polémique en évoquant la "politique à la Bismarck menée par Angela Merkel". Une référence au premier chancelier allemand Otto von Bismarck, fondateur de l'empire germanique au XIXe siècle.
Le Royaume-Uni n'est pas en reste, rappelle Le Figaro. Fin 2011, l'ultraconservateur Nigel Farage a ainsi estimé, devant le Parlement européen : "nous vivons aujourd'hui dans une Europe dominée par l'Allemagne, soit précisément la situation que le projet européen était censé empêcher".
• Des attaques justifiées ?
Pour Anne-Marie Le Gloannec, directrice de recherche à Sciences Po et spécialiste de l'Allemagne interrogée par FTVi, cela ne fait aucun doute : l'Allemagne est devenu le "bouc émissaire de l'Europe". "On lui demande à la fois de diriger et de ne pas le faire. On veut que l'Allemagne gouverne l'Europe selon les désirs des autres pays", souligne la spécialiste, qui rejette en bloc le fait qu'Angela Merkel puisse devenir le symbole de l'austérité. "Les Grecs ont une classe politique pourrie et ont vécu au-dessus de leurs moyens pendant longtemps. C'est ça, le premier problème", rappelle-t-elle. Ce qu'une majorité des Grecs, critiques envers les partis au pouvoir, ne réfute pas.
Malgré cela, les mesures d'austérité soutenue par la chancelière ne passent pas. Ainsi, le journaliste Giorgos Trangas, sanctionné mais passionné, se livre dans un article de la BBC (lien en anglais) : "Chaque jour, Berlin dit 'coupez ! Coupez les pensions, coupez les salaires.' (...) Certains pays du nord comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande disent qu'ils sont solidaires des Grecs. Non ! Ce n'est pas de la solidarité. C'est une situation barbare pour la Grèce."
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