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Grèce : "C'est la politique de mon pays qui m'oblige à voter Aube dorée"

Dimanche, Charis et Costas diront non à l'Europe, non à la galère, non aux deux grands partis de leur pays. Pour la première fois, les deux hommes voteront pour le parti néonazi grec. Ils s'expliquent.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un militant du parti d'extrême droite grec Aube dorée lors d'un meeting à Athènes, le 11 juin 2012.  (ANDREAS SOLARO / AFP)

Ils n'ont pas la carrure d'un videur, ne portent pas de tenue noire et n'ont pas le crâne rasé, tout juste dégarni pour l'un d'eux. Aucun signe visible d'une quelconque appartenance à Aube dorée mais un ras-le-bol commun qui poussera Charis et Costas à voter pour le parti néonazi grec, dimanche 17 juin. Une première pour tous les deux ; interrogés dans la banlieue d'Athènes, ils refusent poliment la photo. 

"Avant, je votais Pasok", confie le premier, un chauffeur de taxi de 45 ans. "Mais ce ne sont pas de vrais socialistes. Eux, ils sont pires que les néonazis !" Costas, lui, penchait plutôt pour les conservateurs de la Nouvelle démocratie. "Ils m'ont vraiment trop déçu. Ils parlent et font autre chose. Ils disent 'je ne veux pas du mémorandum', puis ils le signent. On ne peut pas leur faire confiance !", s'énerve ce grand brun au regard noir dans de grands gestes. 

"Je ne suis pas fasciste"

Dans le rétroviseur de son taxi, les yeux bleus de Charis s'animent : "Je vote Aube dorée pour que le pouvoir revienne entre les mains des Grecs. Maintenant qu'on en est là, je ne peux plus accepter la menace européenne. Je préfère avoir faim qu'être pressé par l'Europe." Les nationalisations massives, le retour à la drachme ne l'effraient pas, au contraire.

C'est ce qui motive aussi Costas. "Moi, je crois en la Grèce. Je veux quelque chose de plus national pour notre pays. Je suis fatigué de ces menaces économiques", lâche ce jeune chef d'entreprise de 35 ans pour qui "ça ne marche pas très bien". Agité, il décrit : "Regardez, rien n'est grec : mon iPhone, c'est l'Amérique, mon tee-shirt c'est français, mon short c'est l'Europe... On ne produit rien ici !"

Tant pis si cela signifie voter pour un parti violent. Tous deux se disent contre les méthodes d'Aube dorée concernant les immigrés ou, récemment, à l'égard d'une députée communiste. "Je ne suis pas d'accord avec leurs idées, assure Charis. Je ne suis pas fasciste, je suis démocrate ! Mais on n'a pas de démocratie ici ! Nous voulons qu'Aube dorée entre au Parlement pour que les autres partis ne fassent pas ce qu'ils veulent. C'est la politique de mon pays qui m'oblige à voter Aube dorée..."

"Quel avenir pour nos enfants ?"

C'est en évoquant son fils de 4 ans que Charis s'est confié spontanément sur le bulletin qu'il glissera dimanche dans l'urne. Costa désigne à son tour sa fille, petite blonde de trois ans, et sa femme, enceinte. "Ma compagne accouche dans 15 jours... Que vont faire ces enfants ?", lance-t-il les bras ballants.

Charis a déjà son idée. Ses doigts forment le chiffre zéro dans le rétroviseur : "Mon fils n'a pas d'avenir. Rien. Il ne va jamais pouvoir créer de famille. Moi, ça me suffit. Je ne veux pas de ça pour lui. Cette situation, c'est tragique."

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