Guyane : le mouvement social s'éternise et alimente divisions et inquiétudes
Le Conseil des ministres a validé une aide d'urgence de plus d'un milliard d'euros à destination de la Guyane. Mais le collectif Pou La Gwiyann dékolé réclame 2,1 milliards.
Voilà trois semaines que la Guyane connaît un vaste mouvement social. La situation semble bloquée et certains Guyanais commencent à s'impatienter. Le collectif Pou La Gwiyann dékolé l'a d'ailleurs appris à ses dépens. Après avoir prévu de bloquer totalement les routes du département, il a finalement autorisé le passage des piétons et des personnes circulant en deux-roues. Si le contrôle des barrages s'était fait jusque-là avec une certaine souplesse, le durcissement de la mesure avait en effet suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux.
Malgré tout, l'impatience gagne du terrain. "Il n'est pas tolérable de se voir refuser le droit de circuler librement sur le territoire. (...) Une partie de la Guyane a peur de s'exprimer", affirment les signataires d'une pétition en ligne, qui a recueilli plus de 1 800 paraphes. Par ailleurs, plus de 2 000 internautes faisaient partie dimanche d'un groupe Facebook intitulé Stop aux barrages en Guyane. Dans Le Figaro (article payant), des habitants affirment avoir dû débourser 5 ou 10 euros pour franchir certains passages.
Des pénuries dues au blocage du port de Cayenne
Mercredi, les manifestants ont refusé le plan d'aide d'urgence du gouvernement, dont ils jugeaient la dotation trop modeste par rapport à leurs attentes. Mais depuis, aucun contact n'a été pris avec le gouvernement et ce silence divise la population. Les magasins ne sont plus ravitaillés, les chefs d'entreprise sont aux abois et les établissements scolaires sont fermés. "Les jours prochains devraient être décisifs", résume ainsi France 3.
>> Guyane : la ministre des Outre-mer appelle à la levée des blocages et la reprise des discussions
Le blocage du port de Cayenne provoque des pénuries, car il représente "le lieu de passage pour 90 à 95% des importations et exportations" du département. Le syndicat des commissionnaires en douanes a d'ailleurs exprimé ses inquiétudes sur une éventuelle pénurie dans "l'alimentaire et le pharmaceutique" mais également dans "les produits de première nécessité". Afin d'éviter de lourdes pertes, ces professionnels réclament l'évacuation et la livraison des conteneurs frigorifiques et secs, toujours bloqués sur le terminal portuaire.
Le syndicat des commissionnaires en douane du Port alerte sur une pénurie prochaine de produits alimentaires et pharmaceutiques #Guyane pic.twitter.com/vDEBLK10TQ
— Nicolas Mézil (@nicolasmezil) 8 avril 2017
Dans les magasins, certains produits frais ont presque disparu, même si les autres rayons sont encore garnis, explique Guyane 1ère. "Quand je vais au supermarché, je ne trouve plus tout ce que je veux", observe Stéphane Lambert, le patron du Medef à Cayenne.
Stations services et magasins sont pris d'assaut en #Guyane Après une semaine #CriseSociale certains rayons souffrent de pénurie @guyane1ere pic.twitter.com/kYDpVIGn66
— La1ere.fr (@la1ere) 27 mars 2017
"En continuant, on enlise la Guyane"
D'autres acteurs économiques commencent à tirer la langue. "Les entreprises du BTP de Guyane considèrent que la situation est devenue intenable", écrit le président du conseil d'administration de la Fédération professionnelle régionale (FRBTP), Franck Ho-Wen-Sze. Il réclame notamment la levée des barrages et le rétablissement de la libre circulation. "A l'heure d'aujourd'hui, on a eu quinze dépots de bilan, indique Frédéric Nayaranin, président de la Fédération des très petites entreprises. On veut limiter la casse avec une cellule de crise."
"En continuant, on enlise davantage la Guyane", regrette Franck Louison, cadre pour la Guyane de la Fédération des très petites entreprises (FTPE), qui s'est retirée du collectif vendredi. Au vu du contexte, le directeur de la banque BNP Guyane demande à ses collaborateurs d'agir "avec bienveillance" pour ses clients confrontés à des difficultés de trésorerie.
Face à ces inquiétudes, le collectif a organisé dimanche soir un "meeting d'explication" à Cayenne, auquel ont assisté des centaines de personnes. "Des gens m'appellent et me disent : 'Je n'ai plus de gaz'. C'est pas grave ! On fera la cuisine au charbon", a plaisanté Monique Gard, militante féministe, qui promet que "le combat va être encore long". Interrogé par l'AFP, un membre du public a toutefois reconnu que les gens "commencent à s'essoufler dans la mobilisation". Olivier Goudet, porte-parole du collectif Pou La Gwiyann dékolé, n'a pas l'intention de relâcher la pression : "Nous l’avons dit, nous sommes déterminés, nous irons jusqu’au bout", prévient-il dans un entretien au Parisien.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.