Crise agricole : 10 % des exploitations au bord du dépôt de bilan
Près de 25.000 fermes d'élevage prêtes à mettre la clef sous la porte, c'est le constat accablant livré vendredi par le ministre de l'agriculture, Stéphane le Foll. Comment expliquer cette crise ? Le monde agricole est sous le coup d'une crise protéiforme, "à la fois conjoncturelle et structurelle", comme l'a expliqué sur France Info Françoise Gatel, sénatrice d'Ile et Vilaine
"Quand on voit que les agriculteurs organisent des 'nuits de la détresse', ça fait froid dans le dos !"
"La crise touche de très jeunes agriculteurs, qui ont beaucoup investi et qui vont devoir arrêter leur métier. Les agriculteurs sont au bout de leur détresse. Quand on voit que les agriculteurs organisent des "nuits de la détresse" ou des "barbecues de la détresse", ça fait froid dans le dos ! ils s'expriment d'une manière très forte, que l'on trouve parfois excessive, mais en même temps comment voulez-vous demander à des gens dont le travail ne les nourrit plus, qui ne voient pas leur avenir, d'être raisonnable ? "
Cette "crise" touche gravement plusieurs filières, en particulier trois branches : porcine, bovine et laitière. D'abord la filière porcine. Depuis début 2014, l'embargo russe sur le porc européen frappe très durement les éleveurs français. Et la situation est d'autant plus compliquée que ces derniers doivent faire face à un marché extrêmement concurrentiel dans l'Union européenne. "Nos premiers concurrents sont européens. Nous en voulons terriblement à la représentation politique n'a pas su faire prendre le virage de la compétitivité " a déclaré Jean-Pierre Fleury, président de la fédération nationale bovine, dont la filière est aussi fortement victime de la concurrence. "On est maintenant coincé entre des coûts qui sont élevés et un prix du produit qui n'a pas suivi ".
Les éleveurs français, qui vendent les produits plus chers que leurs homologues allemands ou espagnols notamment, ont ainsi bien du mal à trouver de nouveaux débouchés.
Le lait frappé par la baisse de la demande et la fin des quotas
La deuxième crise touche la filière bovine, qui résulte plutôt d'un problème franco-français : les habitudes des consommateurs évoluent en défaveur de la viande rouge.
La troisième crise, enfin, impacte la filière laitière. La baisse de la demande, en Asie notamment, de produits transformés comme le beurre ou la poudre de lait, a fait chuter les cours mondiaux. Au même moment, l'Union européenne a mis fin aux quotas laitiers, en vigueur depuis les années 1980. Conséquence : les importations de lait bon marché ont explosé dans un contexte de surproduction. Certains éleveurs français se retrouvent donc dans une situation catastrophique. "On n'a jamais eu une crise avec un prix du lait aussi bas et des charges aussi hautes. On était 2.500 producteurs laitiers il y a 20 ans sur la Haute-Garonne ; on est 50 ans aujourd'hui. Le constat est le même pour tous mes collègues " témoignait Sébastien Albouy, éleveur laitier de 24 ans, au micro de François Cortade.
Mesures d'urgence
Les éleveurs en détresse ont multiplié les actions ces dernières semaines, poussant le gouvernement à prendre des mesures d'urgence. Les fortes promotions sur la viande de porc sont désormais limitées à deux mois par an. Début juin, le ministère de l'Agriculture a également demandé aux industriels et aux distributeurs d'augmenter les prix de la viande payés aux éleveurs. Résultat : sur le porc on est passé de 1,2 euro à 1,38 le kilo. Sur le bœuf, sept centimes ont été gagnés. Mais pour que l'objectif fixé soit atteint, tout le monde doit jouer le jeu.
Le ministère a également réuni les banques vendredi matin pour tenter de trouver une solution aux problèmes de trésorerie des éleveurs les plus en difficulté. Depuis le début de l'année, les allégements de charges sociales ou de report de cotisations s'élèvent déjà à 23 millions d'euros. Face à une catastrophe imminente, le ministre de l'agriculture en appelle aussi à la responsabilité des consommateurs et des élus locaux, en privilégiant les produits français, à la maison comme dans les cantines collectives.
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